25 janvier 2022
__________Iels me manquent.
Ça transcende tout mon être, ce manque.
Ce manque de câlins.
Ce manque de (fous) rires.
Ce manque de regards complices.
Ce manque de sourires.
Ce manque de blagues bien lourdes.Cette frustration de ne pas pouvoir veiller sur elleux, de ne pas pouvoir repérer les moments où ça ne va pas, de ne plus pouvoir être pleinement là pour elleux. De les laisser grandir et vivre loin de moi, de se construire en me laissant de côté, parce qu'au fond c'est moi qui l'ai choisi.
Les laisser s'épanouir avec d'autres, nouer des amitiés avec d'autres, se forger des privet jokes avec d'autres, en aimer d'autres.
C'est bête, cette possessivité. Vous êtes des humain·es, vous êtes fait·es pour évoluer, vous attacher puis vous détacher de certaines personnes. J'imagine qu'il faut que je l'accepte, que je lâche prise.
Mais je voudrais tant retourner au monde d'avant, ce joli petit univers du collège où on a grandi toustes ensemble, déprimé ensemble, rigolé ensemble, dit des trucs fromageux ensemble. Retourner au centre du hall pour faire un Cercle, livrer ce qu'il y a au fond de moi sans la moindre crainte.
Je grandis aussi, dans mon coin. J'apprends à me connaître, à connaître la vie, à connaître les gens. J'analyse peut-être trop certaines choses. Je suis peut-être aussi un peu trop vide à l'intérieur, alors je m'emplis du dehors pour avoir quelque chose dedans et pas être un zombie. Je suis un peu une éponge à sentiments, je crois, un peu beaucoup trop empathique (ce mot existe-t-il ?) par moments. Je pense pas que ça soit une mauvaise chose en fait. Flemme de réfléchir encore.
Maintenant je me sens un peu coincé. Pas vraiment à ma place avec vous, parce que même si je vous aime très fort, rien n'est plus pareil, on ne vit plus dans le même monde ; et pas tout à fait à ma place avec les autres amis, parce qu'ils sont vraiment pas matures et pas à l'écoute et débiles et- arrête de parler mal de tes potes.
C'est juste que rien ne me paraît assez bien comparé à notre amitié du collège. J'ai l'impression de me retrouver là, seul, sans personne à qui parler, sans personne pour me comprendre. Pour la première fois de ma vie, je me sens réellement seul. J'ai déjà eu le sentiment d'être seul, mais pas à ce point. Néon et Soleil sont gentils mais ils ne connaissent pas Paris, ils ne connaissent pas la ligne 13 ni madame Brunelet ni le collège ni les Cercles. Je les aime bien mais ils ne peuvent pas comprendre totalement.
Et vous mes amis, vous n'avez pas la lumière verte du bus, vous n'avez pas le pare-brise congelé le matin ni Paulo qui nous fait flipper à la cantine, ni Vandewalle. Je fais mon drama king encore, je devrais juste fermer ma gueule. Pourtant j'en ai marre de me taire. Y a quelque chose en moi qui en a ras le bol de se contenir, de garder ses mots pour moi. J'ai retrouvé cette honnêteté enfantine qui fait dire les choses sans considération pour les réactions possibles des gens.
Je ne suis pas sûr d'aimer la personne que je suis devenu. Je parle trop de moi, ça ne me ressemble pas. Je n'aime pas me sentir vulnérable devant les gens. J'ai pleuré devant Soleil au nouvel an, j'ai crié dans les bras de Néon que mes amis me manquaient. Je n'étais pas censé faire ça. Soleil a l'air de s'être vraiment beaucoup attaché à moi, il a une estime de lui au ras des pâquerettes et il risque de se dire qu'il n'est pas suffisant pour moi (ce qui n'est pas totalement vrai ni totalement faux). Il s'inquiète pour moi. Il s'inquiète pour mon cerveau. J'ai envie de lui dire que je vis avec ma tête depuis quinze ans, que ce n'est pas demain la veille que je vais faire un burn out à cause d'elle, je la connais. D'un autre côté pourtant, elle est assez imprévisible, je ne sais jamais quand mon cerveau va me faire une phase d'hyperactivité, ou une phase de colère, ou une phase de haine envers moi-même.
« Je ne sais jamais ce que me réserve mon cerveau et ça peut être épuisant, mais j'ai appris à vivre avec, alors ne t'inquiète pas pour moi. » C'est ça que je devrais lui dire.
J'en ai marre que les gens s'inquiètent pour moi. Je n'en vaux pas la peine, souciez-vous plutôt des gens importants pour vous. J'en ai marre que les gens pensent que j'ai besoin d'aide. Si j'en ai besoin je viendrai vers eux, c'est tout. Je suis sans doute un peu trop fier, un peu trop attaché à l'image d'un Arlo fort qui peut tout encaisser. J'aimerais bien être un caillou sur lequel on peut marcher sans l'écrabouiller. En vrai je suis beaucoup trop sensible pour être une pierre. Mais il ne faut pas que les nouveaux gens le sachent. Sinon ils s'inquiéteront.
Chaque fois que j'explore à l'intérieur de moi je me sens mal. Il faut que je continue à vivre dans l'extérieur, sans regarder ce qu'il y a en moi.