20 mai 2023
__________Montre-moi l'enfant
Que tu étais
(...)
Fille ou garçon
Toi aussi les gens te confondaient
:: Pomme, AlloJ'ai erré vingt minutes dans un Super U en cherchant quelque chose à manger. Et puis j'ai vu un joli petit paquet de « petits muffins chocolat » Bonne Maman, et les souvenirs ont crevé la surface de mon cerveau. Un passage en caisse plus tard, je souriais au ciel bleu en mangeant les muffins.
Ça remonte à la primaire, cette histoire de muffins. CE2, peut-être CM1. J'étais tout petit, et ma meilleure amie s'appelait... appelons-la Artemis. On était extrêmement proches, on se mettait à nu quand on était toutes les deux, on était bizarres exactement de la même manière et on partageait nos folies. Je l'aimais de tout mon cœur et j'ai écrit un jour dans une rédaction que sans elle, je ne serais rien.
En primaire, on avait un cycle piscine dans notre cours de sport. On prenait le car, il y avait un bruit monstrueux, celui de trente enfants hystériques en-dessous de dix ans rassemblés dans une boîte de conserve. Artemis et moi, on n'était pas à l'aise dans cet environnement, alors comme d'habitude on se créait notre bulle. On ne pouvait pas courir comme dans la cour de l'école, donc on parlait, dans notre espèce de role-play où on était des garçons (tiens tiens tiens) avec des superpouvoirs. Je me sentais si bien avec elle.
On arrivait à la piscine, on se changeait et je ne sais plus qui m'a appris cette super technique pour se mettre en maillot sans se retrouver nu. Puis on nageait, et j'ai très peu de souvenirs de ce qu'on faisait exactement, seulement des flashs brouillés et partiels.
Ensuite, on reprenait le car. Artemis avait toujours un truc à manger, qu'on partageait. Une ou deux fois, ç'a été les muffins de Bonne Maman, et j'en étais dingue, ils étaient parfaits : la texture, le goût, la taille, tout était magnifiquement parfait.
J'aime beaucoup les rares souvenirs que j'ai de mon enfance (enfin pas ceux où j'avais peur que ma mère aille en prison ni tous les autres horribles mais bref). Ils sont teintés de ce sentiment étrange que j'ai maintenant vis-à-vis d'eux, cet état d'observation, un peu figée, où je me demande comment j'ai survécu. J'étais un enfant si frêle, fragile, sensible, à fleur de peau... et j'avais une telle force en moi en même temps. De la colère déjà, peut-être.
La force qui m'a fait gagner la finale de la course de nage contre Raph, un jour, cette drôle de sorte de fureur et de détermination mêlées, « c'est mon domaine, j'y serai numéro 1 et c'est non négociable ». La force qui s'est muée en haine pour les Daltonettes (les pauvres, c'était gratuit). La force qui me faisait balancer des coups de pied ou de genou dans les tibias ou l'entrejambe des garçons qui étaient un peu trop relous (Matthias ! mon dieu je suis désolé (il embêtait Artemis et je l'ai fait passer à deux doigts de la castration)).
J'étais un gamin entêté, susceptible et incroyablement fêlé dans tous les sens du terme. On se ressemble beaucoup, je crois ; je n'ai pas tant changé, dans le fond. Peut-on changer sa nature profonde ? En aurais-je même envie ?C'est amusant de voir que depuis toujours, j'ai eu des ami·es très proches, très important·es, avec qui je me suis construit. Il y a eu Martin, Diane, Jo, et maintenant je crois que je fonctionne moins en duo. Je suis une personne presque entière, à présent. Les années les plus importantes sont passées, et elles n'ont pas été un franc succès côté famille ou amoureux·ses, mais côté ami·es, oui. Ça me va, je veux bien tout laisser tomber si ça me permet d'avoir mes ami·es.
