4 février 2023
__________Je ne donne pas de secondes chances aux homme adultes que j'aime. Je ne leur laisse passer aucune erreur, je refuse tous les pas de travers, je me rétracte à la première maladresse. Pourquoi tant de sévérité ?
Le premier exemple que j'ai de ce schéma de haine qui succède à l'amour, c'était mon prof d'anglais en seconde. Appelons-le Lucas, il avait une tête de Lucas.
J'aimais énormément Lucas. C'était un bon prof, il était gentil et à l'écoute, il avait à cœur de faire les choses comme il faut, humainement. Et puis un jour, il a fait son travail, il m'a demandé de bosser alors que je faisais autre chose. Or, l'autre chose que je faisais, c'était tenter de résoudre l'insolvable équation « comment me suicider sans blesser personne ? ». Pas tout à fait le bon moment pour me déranger, donc. À partir de ce jour, j'ai détesté Lucas. Je l'ai haï de tout mon cœur, aussi fort que je l'avais aimé.
Le jour où il m'a demandé comment j'allais ces temps-ci, quand il a eu cet air soucieux, quand il m'a prouvé qu'il n'était pas stupide, j'ai senti cette colère monstrueuse en moi. J'avais envie de lui vomir ma marée noire à la figure, j'avais envie de lui infliger ma douleur, j'avais envie de lui faire mal... La semaine suivante j'ai arrêté d'aller en cours, alors c'était réglé – enfin, pas dans ma tête. Ça me travaille encore, ce revirement de situation, ces sentiments tellement extrêmes.Le second exemple, bien sûr, c'est Rudy. Aujourd'hui je l'ai haï. Depuis deux semaines je ne ressentais plus rien pour lui, juste une confortable neutralité, et puis aujourd'hui... Que s'est-il passé ? Deux messages froids qui ont titillé mon estime de moi, c'est tout ce qu'il a fallu pour me faire basculer de l'autre côté. La colère est revenue. Elle fait trembler mon corps, elle me suffoque, elle me fait jeter des piques non méritées à ceux qui sont dans mes parages. J'ai eu un bon réflexe, pendant notre micro-discussion, j'ai voulu m'exprimer, t'expliquer, expliciter ce que j'ai ressenti. Et c'est chouette d'avoir pensé à tout ça, il y a du progrès. Or j'aurais dû le faire, et pas juste contempler cette idée. Mais tu es normal, Rudy. Tu es trop normal pour que je puisse faire ça. Vous imaginez, dire à une personne normale « je crois que j'interprète mal le ton de tes messages ; est-ce que tu es en colère contre/déçu de moi ? » Tout mais pas ça... Bref, je m'égare.
Il y a eu des prémices de haine, avant aujourd'hui. Il y a eu la colère terrible que j'ai si bien étouffée quand je t'ai parlé d'à quel point j'étais bizarre ; il y a eu ces moments où je sentais ton regard sur moi et où je voulais cesser de retenir ton attention (notez la dissonance cognitive... entre le désir maladif de sortir du lot et le besoin de se noyer dans la masse, on n'est pas sortis de l'auberge). Il y a aussi eu les moments où je pétais un câble parce que j'en avais marre de réfléchir sur toi et où je t'en voulais de me fasciner autant et d'être une aussi parfaite distraction pour mon cerveau.
Enfin bon, toujours est-il que la haine s'est installée et que je crains qu'elle ne s'en aille plus, maintenant. C'est terminé, la jolie période où je m'émerveillais de tout ; tout est amer et agaçant, maintenant. À cause de deux messages et d'un réflexe inutile de mon cerveau.Les vois-tu, Rudy, tous ces changements de points de vue qui s'opèrent silencieusement en moi ?
Vois-tu les modifications dans mon regard, as-tu vu la rage dans mes yeux l'autre fois, où tu m'as forcé à prendre la basse à la place de Verte ?
Et si oui, si tu vois tout ça, est-ce que tu comprends pourquoi ?
Est-ce que je t'obsède autant que tu m'obsèdes ?
Est-ce que je t'empêche de dormir comme tu m'empêches de dormir, est-ce que tu sens cette douce angoisse le vendredi après-midi, quand tu te prépares à venir à la répète ?
Et qu'est-ce que tu penses de tout ça ?
Ça t'exaspère, tu aimerais que tout soit plus simple ?
Où est-ce que tu as toi aussi ces désirs noirs de torturer l'autre, est-ce que tu ressens tout ça ?
Est-ce que tu aimes te prendre la tête sur mon cas et expérimenter pour voir l'effet qu'auront sur moi un sourire, une absence de sourire, ou encore un putain de clin d'œil ?
Je te hais, Rudy.
Je hais le pouvoir de destruction que je t'ai offert sur moi.
Je hais le fait que tu me voies.
Je hais le fait de m'être ouvert à toi et je hais le fait que je ne le regrette pas.
Je hais chacun de nos putain de points communs.
Je hais chacun de tes sourires et je hais la lumière dans tes yeux, je hais tes sourires et ta silhouette, je hais tes blagues toutes douces et ta fermeté.
Je hais l'amour que j'ai pour toi.
Je hais le lien que petit-Arlo a avec toi.
Je hais tout ce que je sais sur toi et tout ce que je continue d'apprendre.
Je hais ton talent musical, je hais tes talents sociaux, je hais tout cela parce que je les aime trop pour que ça soit encore de l'amour.
Je t'aime, Rudy. Trop pour que ça reste sain.9 mars 2023
__________Est-ce que tu étais vraiment vexé ou est-ce c'était un réflexe de conversation ? Est-ce que ça t'a vraiment blessé que je m'extasie devant l'incroyablitude de tous les autres profs de l'école de musique, sauf toi ?
Je n'arrive pas à te cerner, c'est ça qui me perturbe chez toi.
Un jour tu me donnes une impression, le lendemain c'est le contraire que tu indiques.
Est-ce que tu t'en fous de tout, ou est-ce que c'est juste ta façade sociale et les choses te touchent vraiment ?
Tu me fais penser à Simon, un peu. Avec toi, on ne sait jamais qui on est pour toi ou ce que tu ressens vraiment.Tu m'énerves, à être aussi complexe.
Tu me fais peur, je me tiens à distance.Étudier et cerner les gens est la seule manière d'aborder et comprendre les gens que j'ai trouvée. Mais ça ne fonctionne pas avec toi, alors ça remet en question tout mon fonctionnement social.
Est-ce que tu es du type guimauve+carapace, ou plutôt granit 100% ?
Est-ce que j'ai vraiment besoin de trouver une réponse ? Ben oui. Enfin je devrais dire que non, mais la vérité c'est que si. Quand on est trop éloigné de quelqu'un, il n'y a pas de communication possible. Je ne peux pas aller voir Rudy vendredi et lui dire « hey est-ce que tu dirais que tu es sensible ou je-m'en-foutiste ? », c'est trop bizarre. Ça serait vachement chouette de pouvoir, mais les normes sociales interdisent ce genre de confrontations. Ça serait ultra sain, pourtant. Je sens que je vais finir par le faire-
J'en ai marre. Ça aurait été plus simple de continuer à te haïr, en fait. Pas plus reposant, mais ça fait moins de questions. Je ne sais plus quoi faire. Je vais finir par laisser tomber mes couches de normalité pour te parler et avoir l'esprit tranquille, je le sens. À moins que ça ne me perturbe encore plus, ce que je risque de découvrir. Et si je trouve encore plus de contradictions ? Non, tu n'es pas cassé à ce point. Si ? Peut-être. Est-ce que tu es bizarre mais as appris à enterrer ta bizzaritude, et c'est pour ça que mes radars sont brouillés ? Je ne sais même pas si tu es normal ou bizarre ! Enfin ! C'est n'importe quoi !