19 et 20 août 2024
__________Chaque fois que je m'imagine dans le futur, que ça soit dans une semaine, un an ou vingt, je me vois en mouvement. Vadrouillant dans ma future ville, vadrouillant sur les routes, vadrouillant dans les champs. Je bouge, sans cesse, et toujours pour rejoindre des êtres chers.
Dans une semaine, je pédalerai direction Candle.
Dans un an, je roulerai direction Nico.
Dans vingt ans, j'ai cette image si précise de moi qui avance avec un grand sourire, les bras ouverts, vers des personnes que je ne vois pas ; il y a ma maison ensoleillée derrière moi : ah, je me suis posé, quand même.Je ne parviens pas à m'imaginer posé tranquille, un bouquin sur les genoux, ou même juste cuisinant quelque chose. Je ne peux pas concevoir de rester tranquille à un endroit, ça n'est plus possible, j'ai chopé la bougeotte. Alors je bougerai, bougerai, bougerai, sur un vélo, une moto, mes pieds. J'aurai mes yeux grands ouverts qui virevolteront de droite et de gauche, notant chaque détail de chaque chose sans en retenir l'essence ni la forme globale. Je savourerai mes trajets solitaires pour rejoindre mes aimé·es, et je tomberai chaque fois un peu plus amoureux de cette vie.
Elles me sont douces, ces images, en ce qu'elles me rassurent : elles sont plausibles et paisibles. Elles le sont tant qu'elles soulèvent des lames de fond dans ma poitrine, un désir tellement puissant de les amener à la réalité que j'arriverais presque à me convaincre de persévérer dans mes études. Presque.
En attendant j'ai remis mes bottes et j'arpente ces champs herbeux, encore et encore, ma chienne trottinant tout autour de moi. Le ciel est voilé, encore et toujours, à la maison m'attend le chat qui réclamera des câlins, et ma chambre qui n'évolue plus et restera figée dans le passé quand je la laisserai derrière moi. Il y aura toujours ces mêmes photos aux murs, ces visages que je ne fréquente plus, et puis ces posters qui me rappellent son existence, la constellation de petits papiers que Lou m'a jeté sur la tête pour me tirer d'un puits ; le petit coin lumières et groupe, avec tous ces objets aléatoires rapportés de mes aventures avec eux. Il y a l'énorme sac de peluches dans un coin, salement laissé de côté une fois l'enfance rangée, avec toutes ces histoires en stand-by qui attendent d'être découvertes et tissées par le prochain enfant qui s'y invitera.
Dans le futur, je ne sais quel regard je poserai sur cette chambre. À quel point ma mère l'aura tachée de mauvais souvenirs ? Ce lit sera toujours celui sur lequel je me suis effondré un nombre incalculable de fois. Ce coin de mur, c'est là que je faisais en sorte d'être écrasé pour tenter de me sentir entier, de retenir chaque pan de mon existence en un seul être. À ce bureau, j'ai écrit et dessiné mille milliards d'émotions. Ma chambre deviendra juste un lieu plus chargé de souvenirs et d'émotions qu'un autre. Elle ne m'a jamais rassuré, elle ne m'a jamais fait un bien particulier. Mon QG est ailleurs.
Le futur court à ma rencontre. Je vous laisse, je vais le choper au vol.