6 nov 2024 (un mercredi soir dans un bus, avec devant moi un homme qui sent le parfum trop fort)
__________« C'est souvent ceux qui ont les plus grands sourires qui... » Finis ta phrase, petit bonhomme, et regarde-moi dans les yeux.
Tu sais ce que Drac attend que je lui dise ? Que j'ai vécu des horreurs innommables, que quelqu'un m'a brisé, fracassé dans un coin, que je suis fêlé de partout, que j'ai des années noires de monstres derrière moi. Sauf qu'il n'y a rien de tout cela. Tu sais ce qu'il y a, derrière moi ? Des parents qui font de leur mieux sans que ça soit suffisant, de l'amour à côté de la plaque à n'en plus finir, un enfant qui se construit de guingois sans le savoir et qui se retrouve grand et vacillant, sans savoir pourquoi il ne parvient pas à fonctionner. Voilà, c'est tout. Il n'y a rien eu de spectaculaire dans ma vie. Il n'y a rien eu de si choquant que quelqu'un aura un jour les larmes aux yeux en m'entendant le raconter. Il y a juste une accumulations de choses de travers qui font que je suis qui je suis aujourd'hui, et que j'ai la sensation de partir de zéro maintenant que j'ai un peu de recul. L'impression de devoir tout réapprendre, tout foutre au sol pour le reconstruire. L'impression d'avoir dix-sept ans de retard dans la vie, voilà. Peut-être seize, allez, soyons optimiste.
Alors oui, je suis sans doute parmi ceux qui ont eu du mal, mais uniquement parce qu'un rien m'écorche. Quelqu'un d'autre, de moins sensible à tout ça, aurait poussé sans problème dans les fissures de ce béton. Ben pas moi, voilà. C'est tout.
La bonne nouvelle, c'est que je l'ai en moi, la force d'être supersonique. La force d'exister, de me consolider, d'apprendre à vivre, puisque ma famille ne m'a pas expliqué comment faire. J'ai mes ami·es à côté de moi.