18 décembre 2022 | TW/transphobie
__________Ça y est, moi qui vivais dans la confiance, j'ai peur à présent. Il y a trop de haine sur internet, trop de brutalité, trop de propos d'une violence inouïe.
J'ai peur de m'assumer en tant qu'Arlo, j'ai peur de dire que je suis un garçon, peur de parler de mon rapport à mon corps, peur d'exprimer cette part de mon identité.
J'ai peur car plus notre parole se libère, plus ces gens qui vivent dans la haine grondent fort et se mettent en action pour nous porter atteinte. Alors je ne dis rien quand la coiffeuse me parle de coupe "courte mais féminine", je ne dis rien quand on me prend pour une fille, je ne dis rien à Rudy ni Antoine, je n'explique même pas ce qui se passe à Alicia – la pauvre, elle jongle entre les pronoms et les prénoms en permanence... J'ai peur d'être moi, j'ai peur d'exister.
Je suis bien entouré, pourtant, en tout cas pour ce qui est de mes ami·es. Ma mère, c'est une autre histoire, et ça me blesse mais je m'en détache sans trop de peine ; ou plutôt, j'arrive à m'en convaincre. Mes amies sont formidables, mais j'arrive quand même à me poser des questions. Quand quelqu'un change ses pronoms et que les gens répondent autre chose que simplement « ok », qu'ils se mettent à bavasser sur leur capacité ou non à changer les pronoms, qu'ils ramènent ça à eux-mêmes alors que ça ne les concerne absolument pas. Alors je m'interroge, je me demande à quel point nous sommes vraiment déconstruit·es. Ce qu'il leur manque, je crois que c'est la distance que les personnes trans ont avec leur genre. Je crois qu'on y accorde deux fois moins d'importance que les personnes cis. Passé un certain stade, on accepte juste notre identité, nos pronoms, les fluctuations éventuelles. On s'adapte et on finit par ne plus y penser quotidiennement.
Mais les personnes cis, elles se cassent la tête avec ça, encore et encore, on dirait qu'elles adorent ça, réfléchir tellement qu'elles compliquent inutilement les choses. Je sais ce que c'est que d'avoir du mal à interrompre des spirales de pensées ; j'aimerais juste qu'on prenne un peu de recul sur une question aussi simple que le genre et qu'on commence à simplement accepter les personnes qu'on a en face de nous, sans chercher à trouver une logique ou de remettre leur identité dans une réalité qui ne leur appartient pas pour tenter de mieux la comprendre.