Paname - 29 sept 2024
__________Chaque week-end à Paris est un pèlerinage direction la nostalgie. Pont Cardinet, notre collège, mon école primaire, les arrêts de bus, même le métro a trouvé une saveur réconfortante. Je me sens bien dans ces rues, dans ces boyaux souterrains, sous ces platanes et entre les scooters fous. J'ai grandi ici, j'ai poussé dans les fissures de ce béton, j'ai respiré cet air ingrat toute mon enfance ; et maintenant que, presqu'adulte, j'arpente ces souvenirs un pas après l'autre, mon cœur gonfle et gonfle de nostalgie, d'amour, d'espoir, de fierté. J'ai tout et rien vécu ici, j'ai jeté les bases de ma personnalité ici, j'ai erré et je me suis mangé des murs un peu partout, et je chéris à présent cette période et cet endroit de toute mon âme : c'est grâce à tout cela que je suis qui je suis aujourd'hui. La ville m'a élevé autant que mes parents l'ont fait, elle m'a appris à être malin, rapide, courageux ; elle m'a fait prendre sur moi et elle m'a fait me sentir vivant, euphorique, éreinté, hors de moi.
Certains itinéraires sont à jamais gravés en moi, certains souvenirs sont si intimement liés à tous ces endroits, toutes ces images, qu'elles ne me laisseront jamais de marbre. Je songe à mes amis, amours, connaissances futures à qui je ferai faire cet itinéraire dans Paris, en leur racontant toutes les petites choses qui me sont arrivées un peu partout.
Elle est particulière, cette ville, y a pas à dire. On passe du tout au tout d'un bout à l'autre d'une ligne de métro, les quartiers s'opposent les uns aux autres dans une mosaïque qui peine à montrer sa cohérence, et toutes et tous filent dans les rues à un pas six fois plus rapide que dans n'importe quelle autre ville. « Vous marchez comme des provinciaux... » Elle restera dans les annales, cette phrase. Et « c'est la fast-life, Paname ». Impossible de rester statique, impossible de prendre son temps, impossible de ne pas se laisser entraîner dans cet infernal courant-
Ennui impatient - 5 oct 2024
__________Quatorze heures trente, grand soleil, impossible de rester en place. Clés, portefeuille, gourde et livre : docs aux pieds et casque sur les oreilles, on s'échappe. Bus chopé juste à temps, parfait. Vingt minutes jusqu'au parc. On marche, on tourne, on s'arrête. Statique ça ne va pas, alors on abandonne le banc, on abandonne le parc, on marche sur le béton, on scrute le ciel trop bleu. Les chansons défilent, la guitare nous pique, Drac s'invite dans nos pensées et on l'en chasse avec un froncement de nez. On voudrait chanter à tue-tête ; impossible. Frustration, on marche plus vite, toujours sans but, alors on va tout droit en cherchant un quartier où on n'a encore jamais mis les pieds. Insatiable, notre âme attend la prochaine nouveauté, la prochaine surprise ; elle attend l'inconnu pour se jeter dedans à corps perdu. On est si jeune encore.
C'est si difficile de se maintenir assis à une table pour travailler. Ça bouillonne en moi, mes pensées refusent de se focaliser sur un point, mon genou tressaute sans cesse, une impatience terrible me prend à chaque fois ; et la discipline n'y fait rien : tout ça ne me suffit plus, c'est tout. Il me faut autre chose à présent. C'est clair que les sorties avec les nouveaux copaines ont beaucoup aidé à repousser le moment de l'ennui, mais même ça, c'est devenu la routine. Toujours la même chose, au bar ou chez les gars, peu importe, c'est toujours les mêmes sujets qui reviennent, la même quête d'attention de Stark, les mêmes gestes de Cookie qui fume et fume et fume, les mêmes expressions sur le visage de Drac, la même odeur d'encens, le même courant d'air sur la nuque.
Boulimique d'amitiés - 10 oct 2024
__________Dès que je pose un pied hors de leur coloc, je me demande quand j'en passerai à nouveau la porte. Je garde leurs derniers mots en moi pendant tout le trajet : « rentre bien, envoie un message quand t'arrives », et je m'endors sourire aux lèvres après avoir eu un « nickel dors bien » en retour. Ils sont mignons, ces petits gens. Une journée sans les voir sonne faux à présent ; les week-ends m'emmerdent profondément jusqu'à ce que quelqu'un envoie le premier message et que l'ébullition reprenne. Une fois encore, clés-portefeuille-gourde-livre et c'est parti, je m'envole sans savoir quand je rentrerai. Hier, c'était juste un petit concert tranquille dans l'après-midi, je n'étais pas certain de squatter chez eux après ; sauf que là il est quinze heures le lendemain et je n'ai pas encore remis les pieds à la maison.
On en a parlé hier soir, avec Drac. « Mais je comprends pas ce que c'est qui t'angoisse. » Moi non plus, Drac. Moi non plus ; tout ce que je sais c'est que ça va mieux quand je bouge sans cesse, et quand je suis avec des gens que j'aime. Lui, je l'aime fort, Drac, très fort, mais je vais tordre ces sentiments pour qu'ils restent amicaux.