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Mathieu retira son casque avant de s'étirer, grognant face au douleur dans sa nuque à force d'être devant l'écran. Lisko avait insisté, comme d'habitude, pour manger un repas et c'était à lui d'y aller. Il savait qu'il avait suffisamment été désagréable hier pour ne pas continuer sa mauvaise humeur plus longtemps. Il enfila sa veste tout en rechignant dans sa barbe, priant presque que son ami change d'avis et préfère commander. Toutefois, celui-ci avait bien envie de l'embêter jusqu'au bout pour lui faire payer son comportement.

« Tu me prendras un supplément de frites ? » Il souffla grandement, se retenant de lui lancer une ou deux insultes. « Merci. »

Il ne répondit pas et sortit pour prendre la route vers le fast food. Il ne tarda pas à s'allumer une cigarette et à enfiler sa capuche pour s'enfermer dans son monde. Il ne regarda pas les alentours mais seulement ses pieds, marchant rapidement. Il jeta seulement un coup d'œil en passant par le bar. Celui-ci était bondé, comme tous les vendredis mais il ne vit aucune personne qu'il connaissait, encore moins ceux du squat. Il continua alors sa route jusqu'au restaurant, jetant son mégot sur la route avant d'entrer.

« Salut Polak. » Il répondit par un hochement de tête. « Tu fais mon chiffre d'affaire en ce moment. »

Il se dérida légèrement, souriant brièvement. « Ouais, studio à fond. »

« C'est bien ça. » Le restaurateur les connaissait depuis qu'ils étaient jeunes, lui et sa bande. Ils s'y retrouvaient depuis leur plus jeune âge pour manger à moindre coût. Il les avait vu abandonner les cours pour étudier la rue alors voir Mathieu tout donner dans la musique était une sorte d'espoir dans tous ces destins brisés. « Comme d'habitude ? »

« Et pour Lisko aussi, s'il te plaît. Avec un supplément frite. »

« Pas de problème. Tu veux un truc à boire en attendant ? »

Il acquiesça tout en s'installant à une chaise haute. Il lui servit un café corsé et Mathieu sortit son portable pour s'occuper en attendant la commande. S'il détestait bien quelque chose, c'était attendre. Néanmoins, ce soir, il aurait préféré n'avoir aucun événement particulier pour passer son temps plus vite. Le groupe principal du squat entra, bruyant, ivre et plus. Il renfonça un peu plus sa capuche, les ignorant et ne prenant pas la peine de voir qui était exactement là. Toutefois, alors qu'il envoyait un message à Lisko pour lui dire que plus jamais il se déplacerait ici, il fut interpellé par Julian en personne qui le reconnnut.

« Putain Polak, ça fait un bail. » Il releva la tête pour le regarder ne prenant pas la peine de lui répondre, ni même de sourire. Ils se tapèrent seulement le poing pendant que Mathieu ne pouvait quitter des yeux son bras autour des épaules trop frêles de Madeline. Elle, par contre, fixait ses talons, incapable de regarder le jeune homme en face d'elle. « Tu viens plus aux soirées ? »

« Non, j'ai plus le temps. » Il haussa les épaules. Il scruta la brune qui serrait contre elle ses bras comme pour se camoufler. Seulement, il arrivait très bien à voir qu'elle était dans un état second, tant dans ses yeux que sa posture. « J'vous donnerai un autre contact. Je suis passé à autre chose. » A ses mots, elle fronça les sourcils tout en l'observant à travers ses cils, du moins, jusqu'à ce qu'elle croise son regard.

« Ouais, pas de problème. Merci. » Il acquiesça, espérant que Julian parte mais c'était sans compter sur celui-ci qui se moquait du malaise des autres. « Tu fais quoi alors en ce moment ? »

Mathieu souffla bruyamment, volontairement, espérant faire comprendre son agacement pour cette discussion stérile. « Je bosse au studio de musique. »

« Ah oui, le rap et tout ça. »

Il acquiesça sans même le regarder, préférant fixer le restaurateur en essayant de lui faire comprendre qu'il devait se dépêcher s'il ne voulait pas une bagarre ou mieux, un meurtre, dans son fast food. Comme si sa prière fut entendu, il l'appela pour prendre sa commande et il se dépêcha de la récupérer pour sortir. Seulement, alors qu'il traversait la route pour rejoindre le trottoir d'en face, il entendit la cloche de la porte et, malgré lui, il se retourna pour savoir qui le suivait. C'était Madeline qui avait trouvé l'excuse d'avoir besoin d'air pour le voir. Il la rejoignit sans y réfléchir. Elle avait encore croisé ses bras contre sa poitrine, gelée mais surtout épuisée.

« Salut. » Elle répondit par un léger sourire. « T'as besoin de quelque chose ? »

« Je... » Elle secoua la tête, trop intimidée soudainement. Elle ne savait pas pourquoi elle l'avait suivi, seulement, elle en avait ressenti le besoin comme sortir de l'eau après une apnée. « J'ai besoin de rien. »

« Ok. » Il la vit se mordre l'intérieur de la joue, ses yeux presque larmoyants. « Je travaille au studio en bas de la rue du bar, c'est pas très loin, à pied. Ma voiture est toujours garée devant. »

Elle hocha la tête et il s'en alla, la laissant rentrer de nouveau dans le fast food. Il préféra ne pas regarder derrière lui presque effrayée de la voir se faire violenter par Julian. Il fila jusqu'au studio et rejoignit son meilleur ami qui l'attendait patiemment. Il ne lui raconta par sa mésaventure et lui donna seulement son plat.
Mathieu réinstalla son casque contre ses oreilles, signe qu'il n'avait plus envie de discuter mais plutôt de se renfermer. Lisko ne lui en tint pas rigueur, le connaissant beaucoup trop bien pour le prendre personnellement. Il se mit alors à ses côtés, mangeant tout en écoutant ce que le jeune homme rappait, ses textes devenant plus sombres que d'habitude.

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