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Madeline était assise au fond de la salle, un gobelet en plastique dans les mains non entamées. Elle acceptait aisément les obligations professionnelles de Mathieu, s'y présentant en pilier dès qu'il le demandait. Néanmoins, ce soir, elle regrettait être venue alors qu'elle se trouvait seule, derrière une bande d'inconnus présents pour soutenir les rappeurs autour de la table. Elle n'arrivait même pas à voir le blond pour se rassurer, trop petite derrière eux. Elle reposa sa timbale avant de se faufiler dans la foule pour sortir. Elle étouffait et seul l'air frais pouvait l'aider.
Le blond la vit sortir mais en incapacité de la suivre, il fit signe à Lisko d'y aller. Celui-ci accepta, sans rechigner. Depuis qu'il connaissait l'histoire de la jeune femme, il n'usait plus de sa méchanceté, la considérant presque comme une amie malgré le peu d'échange entre eux. Il la trouva assise sur les marches extérieures, prenant de fortes inspirations, la main sur le cœur. Il prit place à ses côtés, gardant une distance.

« J'ai pas pensé à prendre une bouteille d'eau. »

« Ça va. » Elle secoua la tête. « J'ai pas besoin. »

« Je déteste les planètes rap. Comment on peut rentrer autant de personne dans une si petite pièce sérieux ? » Elle ne répondit pas. Néanmoins, il pouvait voir qu'elle se concentrait sur ses paroles pour faire fuir ses pensées. « En plus, on est d'accord que ça shlingue à mort. Ils devraient sérieusement trouver un moyen d'aérer. »

« Mathieu et moi, ça va pas. » Il fronça les sourcils, confus. Son ami ne s'était plaint de rien ces derniers jours et son comportement avait été habituel. « C'est plus comme avant. »

« Pourquoi ? »

« On est pas d'accord au sujet de sa mère et malgré mes excuses, ça change rien. Je sens qu'il est pas comme d'habitude. Il sait ce que je pense. J'ai tout gâché. » Elle reposa son menton contre ses genoux, complètement repliée sur elle-même.

« Ah... » Il grimaça. C'était un sujet sensible, il le savait pour en avoir été témoin trop de fois. Ils se connaissaient depuis gamin et l'avait vu tout faire pour l'attention de sa mère. Il avait fait les pires bêtises au quartier, avait donné tant de coups que tout le monde le fuyait. Mais malgré tous les appels à l'aide, il n'avait vu sa mère que lorsqu'elle venait le chercher de garde à vue. « Je vois. » Son malaise fit rire jaune Madeline. « Non mais je sais que leur relation est vraiment... perso je la comprends pas vraiment. Il aurait dû abandonner depuis longtemps mais il s'obstine. »

« C'est à sens unique. »

« Complètement...mais ça tu peux pas y changer grand chose. Il s'est fait une idée de la famille qu'il veut et il essaye tant bien que mal de recoller les morceaux alors qu'ils ont jamais été une famille et ça, il le comprend pas. Il ne l'admet pas. »

« Alors je dois laisser quelqu'un l'utiliser sans rien dire ? » Lisko ne repondit pas, elle connaissait déjà la réponse. « Et si c'était seulement une question d'argent, je m'en moquerait mais là...elle dit des choses horribles et blessantes et... »

«...Tu pourras rien n'y faire. »

« Ça me plaît pas. »

Lisko ne sût quoi répondre alors il préféra rester silencieux, à ses côtés, jusqu'à ce que ses reniflements ne soient plus. Ils regardèrent la nuit face à eux. Celle-ci était plombée par la pollution citadine et rien n'était perceptible à part les réverbères mais pourtant, ils restèrent en observation.
Le silence fut brisé par Mathieu qui arriva en trombe. La porte se claqua violemment contre le mur, faisant sursauter les deux spectateurs nocturnes. Il était en panique, le cœur prêt à exploser de n'avoir aucune nouvelle depuis plus d'une heure. Lisko se leva pour les laisser tandis que Madeline resta piquée debout.

Le blond avait accumulé une angoisse et celle-ci sortait dans un mélange plus qu'effrayant. Il fit la grimace, essayant de récupérer son souffle au mieux mais rien n'y faisait, c'était comme s'il s'était pris un coup de poing dans le ventre ou pire, dans le cœur. La brune s'approcha lentement, effrayée d'être repoussée.

« Mat ? »

« Je vais bien t'inquiète. » Il s'appuya contre le mur, sentant ses jambes le lâcher. Il ne la quitta pas des yeux pour autant. « Toi, ça va ? Pourquoi t'es partie ? »

« Trop de monde. » Il hocha la tête, continuant de chercher son air. « Tu paniques. » Il quitta des yeux Madeline pour regarder le ciel, espérant ouvrit ses voies aériennes. « J'ai envie de t'aider mais on est tellement distant depuis quelques jours que j'ai peur que tu me repousses. »

Il tendit sa main vers elle. Elle s'enfonça dans ses bras, caressant sa nuque tendrement. Il se logea dans son cou, s'y réconfortant. Ils s'étaient distancés dernièrement tant ils avaient l'impression de ne pas se comprendre. De peur de se perdre, ils restaient silencieux jusqu'à s'éloigner. Mathieu la serra un peu plus, se rendant compte du manque présent. Son cœur s'apaisa jusqu'à ce qu'il inspire dans un soubresaut et s'apaise.

« Je déteste quand tu disparais. »

« J'étais pas bien là bas. »

« Désolé, j'aurai pas dû te demander de venir...c'est le seul moyen que j'ai de t'approcher en ce moment. »

« C'est toi qui est disant. »

« On l'est tous les deux alors. » Elle hocha la tête. « Est-ce qu'on a une solution ? »

« Maddie...dis pas ça comme si t'allais me quitter. » Il s'éloigna et glissa sa main dans son cou, son pouce sous son menton pour lever son visage vers lui. Il la guida pour que ce soit dorénavant elle contre le mur. « Je t'interdis d'imaginer un monde sans toi et moi. » Madeline ne put s'empêcher de viser ses lèvres, rêvant de les embrasser alors qu'ils ne l'avaient pas fait depuis la rencontre maternelle. « J'refuse. »

« Mais on se parle plus. Tu m'en veux, je le sais mais...j'supporte pas d'être si près de toi tout en étant si loin. » Il caressa sa bouche du pouce.

« Je ne crois pas ce qu'elle dit. Je te connais et... » Madeline eut un mouvement de recul et retira sa main de son visage. On avait déjà trop parlé sur elle pour que ça continue. Il était temps qu'on l'écoute, qu'on l'accepte pour qui elle était, vraiment.

« Elle me connaît pas ! Qu'est-ce qu'elle dit ? »

« Maddie... »

« T'acceptes qu'elle dise des choses sur moi ? »

« Mais pourquoi tu en fais une affaire personnelle ? C'est ma mère, pas la tienne. Tu devrais t'en foutre ! »

« Parce que je t'aime ! » Il souffla face à cette conversation. Ils tournaient en rond, encore une fois. La brune pensa qu'il s'agaçait alors elle fit une nouvelle fois marche arrière, prenant sa carapace la plus épaisse. « Je vais demander à Lisko de me ramener. »

« Sérieusement ? » Mathieu eut l'impression qu'elle lui arrachait le cœur par petit bout. Ce sentiment d'abandon qu'il avait ressenti beaucoup trop de fois dans son enfance revenait de plein fouet. « Tu peux pas prendre la fuite dès qu'il y a un putain de problème ! Tu me repousses comme si on était rien ! J't'ai tout donné ! »

« Tu te trompes. Ça n'a rien à voir. » Cette fois, ce fut suffisant pour que les deux se mettent à pleurer. « J'ai juste besoin de réfléchir. Peut-être qu'on s'est mis ensemble trop vite. Après tout ce qui m'est arrivé, j'aurai dû me retrouver moi-même avant. »

« À d'autres ! Tu me feras pas croire tes conneries ! » Elle secoua la tête, refusant de l'écouter. Finalement, elle se retourna pour rentrer. « Madeline ! Maddie ! Si tu passes... Madeline, gâche pas tout ! »

« C'est pas une rupture. Je veux juste qu'on ralentisse. »

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