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Mathieu prit la route avec Walid qui malgré s'être rangé, avait refusé de laisser l'autre seul. De toute manière, il avait connaissance des risques, ayant déjà fait cette route des centaines de fois pendant sa jeunesse, avant même d'atteindre la majorité. Il était un bon allié et un ami fiable et le blond le savait, tout comme l'autre, avait conscience que la pareille lui était rendu sans hésitation.

Ils étaient donc partis ensemble vers vingt deux heures en direction du sud pour retrouver la frontière espagnole. Mathieu était derrière le volant, appréciant plutôt être en action pour ne pas penser à Paris et ses problèmes. Ils écoutaient la playlist de Walid en silence, chacun dans leur pensée. Ce dernier gardait les yeux sur son téléphone, non pas pour vérifier leur itinéraire mais pour prévenir sa petite amie de l'avancée de la soirée. Elle avait accepté qu'il le fasse malgré l'appréhension, seulement parce qu'elle connaissait le manque d'argent et le besoin de tout faire pour ses proches.

Le passager ricana à une photo de Jelila et le  blond ne put retenir une pointe de jalousie.


« Tu me dégoûtes avec ta tête de lover là. »

« T'es juste jaloux. » Il reçut un coup dans l'épaule et grommela dans sa barbe. « T'as des nouvelles d'ailleurs après ce matin ? »

« Non, elle doit sûrement se reposer. Elle a pas dormi de la nuit pour je ne sais qu'elle raison, à faire le ménage et... après elle a eu une douleur de dingue, des vertiges... »

« J'veux pas être... » Walid fronça le nez, hésitant. Il ne voulait pas blesser Mathieu mais si ce dernier était un peu naïf, lui, voyait clair. L'agitation de Madeline puis les sueurs, les douleurs, le regard vitreux n'étaient que des signes clairs de consommation de substances. Et le conducteur lui avait donné sa dose sans s'en rendre compte. « Mec, elle avait tous les signes de manque. »

« Non, ça n'a rien à voir. » Il refusa, secouant la tête. « Elle a des douleurs, elle prend un antid... »Seulement, en le disant, il comprit. « Elle a fini sa boîte plus tôt que prévu. J'ai.. » Il eut envie de s'effondrer, de crier, de faire demi-tour. Elle avait usé de sa faiblesse pour le duper et il ne s'en était aucunement rendu compte.

« Arrête toi, appelle la. »

Il le fit dès la première station d'autoroute. Il était trois heures du matin mais il s'en moquait, il avait besoin de l'entendre. Il était en colère, frustré mais surtout inquiet. Il se gara en vitesse et sortit de la voiture tout en s'allumant une cigarette et pianotant sur son portable. Walid, lui, fila dans la petite boutique pour prendre à boire et à manger.

Madeline était assise dans son salon, la boite de médicament à sa droite et un repas face à elle comme si le démon se reposait sur son épaule, susurrant à son oreille encore et encore jusqu'à ce qu'elle cède. Elle n'eut le temps de prendre un comprimé qu'elle recevait son appel. Elle répondit avec hésitation, consciente qu'il avait surement compris ses mensonges.


« Allo ? » Il resta silencieux, le cœur se débattant dans sa poitrine. « Mathieu, je... »

« J'ai compris. » Il ria jaune, lésé et ne pouvant le cacher. « Comment tu te sens ? T'en as pris combien ? »

Elle recroquevilla sur elle-même, la tête reposée sur un genou. « J'suis désolée. »

« C'est...pas important dans l'instant, Madeline. J'ai juste besoin de savoir comment tu vas. »

« Je... » Elle hésita à mentir, encore. Seulement, elle culpabilisait beaucoup trop. « Je vais pas bien. J'en peux plus Mathieu. » Il se laissa tomber contre la voiture comme si ses jambes le lâchaient. Il ferma les paupières, la crâne contre la carrosserie. « Je sens leurs mains tout le temps sur moi, leurs bouches, leurs... » Il la remercia presque égoïstement de ne pas dire le mot. « J'ai l'impression de devenir complètement folle et j'suis toute seule. Toute seule dans ce corps qui n'est plus le mien. Je déteste ce corps, entièrement, ce qu'il ressent et ne ressent pas. Et je déteste mon cerveau pour ne pas réussir à me faire oublier. Il n'y a que les médicaments qui m'aident. »

« Sauf que les effets disparaissent et ça devient pire. »

« Oui. »  Il l'entendit pleurer de l'autre côté et eut seulement envie d'être à ses côtés. « Mas je n'ai plus envie de ressentir. »

« J'peux même pas imaginer. J'aimerais avoir une solution à te donner. »

Sous ses paupières, il arrivait à la voir tant il l'avait observée auparavant. Ca le brisa un peu plus comme si le destin, pour une fois, les éloignait de la pire des manières. Le silence fut reposant entre eux durant quelques minutes tandis que Madeline reprenait son calme.

« Tu devrais dormir à cette heure-ci. »

« Toi aussi. »

« J'suis sur la route, toi, tu es chez toi. » Elle ne lui demanda pas pourquoi il conduisait à cette heure tardive et il en fut soulagé. « J'paris que t'es même pas dans ton lit. »

« J'arrive pas à dormir. » A ses propres mots, elle regarda les morphiniques à ses côtés. La solution était à ses côtés. Il le sentit et la coupa dans ses pensées.

« N'y pense même pas. Ne prend pas un cachet. Quand est-ce que t'as pris le dernier ? » Elle ne répondit pas, refusant de coopérer à cette discussion. « Je suis sur Paris demain midi. Est-ce que tu veux que je vienne à ton appartement ? Ou tu peux  venir au studio pour essayer de t'y reposer ? D'habitude, ça marche. »

« On verra. » Elle haussa les épaules même s'il ne pouvait le voir. « Pourquoi est-ce que t'es pas en ville, c'était pas prévu ? »

Il inspira subitement mais préféra lui dire la vérité. Il voulait qu'elle ait confiance. Seulement, il savait tout autant qu'il risquait de briser encore plus son image. « J'ai besoin d'argent alors... je donne un coup de main à un gars du quartier... »

« Oh.. » Il sentit à sa voix qu'il venait de lancer un froid.

« C'est exceptionnel. C'est pour... »

Il n'eut le temps de continuer que Madeline reprit. « Tu as raison, j'devrais essayer de dormir. »

Il se pinça les lèvres, conscient d'avoir creusé un fossé. Néanmoins, il n'arrivait à lui en vouloir, conscient qu'elle n'avait besoin d'ajouter des problèmes à sa liste. « Bonne nuit Madeline. »


Elle murmura quelque chose qu'il n'entendit pas mais ne prit pas la peine de  lui demander de répéter avant de raccrocher. A son visage, Walid comprit que l'appel n'avait pas eu une fin positif et n'en demanda rien, attendant seulement que Mathieu le fasse par lui-même. Après tout, ils avaient toute la route devant eux.

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