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Comblée grâce à la matinée, Madeline accepta la proposition de Mathieu et lui envoya un message pour avoir le numéro de Jelila. Elles prirent rendez-vous à la salle de sport pour l'après-midi, s'y rejoignant directement. La brune lutta contre l'envie d'annuler au dernier moment tandis qu'elle était sur le chemin, inquiète que la séance ne se passe pas bien. Toutefois, elle ne céda pas à son angoisse et la repoussa au plus loin jusqu'à arriver.
Elles se retrouvèrent devant le lieu, hésitantes, ne sachant se reconnaître. Elles ne s'étaient jamais rencontrer et le malaise était bien présent.


« Jelila ? » Elle acquiesça, un sourire bienveillant sur les lèvres. « Super ! J'avais peur de demander à une dizaine de personne si c'était bien toi. » Elles rirent toutes les deux, allégeant l'atmosphère.


Jelila l'invita dans la salle et lui expliqua le fonctionnement tout en se dirigeant vers les vestiaires. Elles se changèrent rapidement, Madeline se dépêchant au mieux pour camoufler sa cuisse entaillée. L'accompagnatrice ne put manquer sa gêne mais n'en fit aucun commentaire. Elles rejoignirent une petite pièce où peu de personne était. Elles firent une séance en silence, chacune de leur côté, s'échangeant quelques mots lorsque leur pause était en commun. Leur discussion restait superficielle. Elles avaient vite passé le sujet des études, du travail, de Walid puis de Mathieu mais pour ce dernier, l'échange s'était éteint par la brune, gênée de n'avoir aucun réponse à ces questions.

Ils n'avaient pas pu discuter après le baiser et elle n'avait aucune idée des conséquences de celui-ci. Elle lui avait dit ne pas être prête et c'était toujours le cas. Pourtant, elle ne s'était pas sentie aussi vivante depuis des mois, peut-être même des années. Plus les jours passaient, plus elle se sentait tomber amoureuse, elle n'en avait plus aucun doute. Néanmoins, elle avait connaissance de tous les freins imputés à son passé. Elle ne pouvait nier leur présence et la douleur qu'ils provoquaient.

Madeline profita des douches de vestiaires pour se délasser mais surtout se changer en toute pudeur, retraçant du bout des doigts les plaies. Ce n'était pas son premier comportement autodestructeur mais celui-ci, visible, n'était qu'un signe pour ne plus réitérer une proximité avec le blond. Elle sortit de ses pensées seulement lorsque Jelila toqua contre la porte. Elle ne put retenir un sursaut, éteignant le mitigeur brusquement.


« Madeline, t'en as encore pour longtemps ? »

« Non, cinq minutes. J'ai juste à m'habiller, désolée. »

« Est-ce que tu veux aller au studio de Mathieu ? Walid y est et je le rejoint. On peut y aller ensemble. » Elle hésita, son cœur faisant un dérapé. « Il va pas être content si tu viens pas, c'est sûr... »

« ...Oui, sûrement. » Elle se força à rire tout en se séchant à toute vitesse, griffant par la même occasion le début de cicatrisation de sa peau. Toutefois, la douleur fut presque une dose de courage. « On y va alors !" »


A peine elle fut sortit de la douche qu'elle était embarquée dans un Uber. Jelila bien trop impatiente de voir son petit ami. Madeline en fut presque jalouse, rêvant de cette innocence amoureuse, certaine qu'elle n'y toucherait jamais, même pas du bout des doigts. Comme si le destin voulait le lui répéter un peu plus la jeune femme à ses côtés, se redressa, une nouvelle idée en tête.


« Ca te va si on s'arrête au grec ? Walid sera content si je lui achète un truc à manger. » La brune chercha à rétorquer. Seulement, elle ne lui laissa le choix, se penchant en avant pour demander au conducteur de s'arrêter devant le restaurant. Il accepta, gagnant autant tout en ayant une course plus courte.

« Je préférerai aller directement au studio, si ça te dérange pas. On pourra toujours te déposer avant. »

Jelila fronça les sourcils, presque outrée de l'abandon. « Non, viens, s'il te plait. Tu feras plaisir à Polak et en plus, j'veux pas être toute seule alors qu'il fait noir dehors. »


Cette fois, elle n'eut aucun argument et accepta seulement. Elles descendirent, ainsi, devant le restaurant. Heureusement pour Madeline, il n'y avait peu de monde mais surtout, il n'y avait aucune personne du squat. Toutefois, elle continua de regarder les alentours comme s'ils pouvaient apparaître à tout moment pour tout lui prendre, à nouveau.


« C'est quoi ton problème ? » Jelila serra légèrement son bras pour l'interpeller. « T'as envie de pisser ou quoi ? »

« Non, ça va, y a rien. J'suis juste fatiguée. »

« Dans dix minutes tu vas retrouver Mathieu, j'suis sûre que t'auras oublié toute ta fatigue.0 Madeline se força à sourire, consciente que la jeune femme à ses côtés n'avait aucune conscience de ce qui se passait réellement dans sa vie. Le soulagement ne vint qu'à moitié lorsqu'elles eurent la commande en main. Toutefois, en voyant la rue, la brune ne put avancer. « Allez, j'sais que t'es crevée mais on a juste cent mètres à faire. »

« On peut passer par la rue adjacente... »

« ...Madeline, s'il te plait, j'veux juste rentrer. »


Elle hocha la tête, consciente de ses caprices. Elles avancèrent alors toutes deux, silencieusement, toutes les deux refroidies par leurs incompréhensions. Elles passèrent le bar sans accro. Toutefois, tandis qu'elle pensait s'en sortir, quelqu'un l'interpella dans son dos.


« Madeline ? » Elle ferma les paupières tout en se raidissant. Elle connait cette voix pour l'avoir entendu contre son oreille beaucoup trop de fois. Elle put entendre ses pas, sentir son parfum alors qu'il s'approchait. « Bah putain, ça fait longtemps. » Elle se retourna, suivant le mouvement de Jelila. Néanmoins, elle fut incapable de répondre, incapable de prendre une inspiration tant son corps s'était replié pour se protéger. « Tu viens plus au squat ? » La nonchalance du meilleur ami de Julian fut insoutenable. « Tu devrais revenir, on s'amusait plutôt bien, non ? » Elle baissa le menton, essayant au mieux de cacher ses larmes. « Bon, j'dois y aller, peut-être qu'on se recroisera. Après tout, je suis du quartier. »


Elle ne put cacher sa surprise. Pendant tout ce temps, toutes les fois où elle avait été au studio, il était dans les parages, vivant sa vie à quelques mètres de là. Elle comprenait mieux leur présence dans le bar, c'était en fait celui le plus proche de l'appartement de ce dernier. Elle fila à toute vitesse, laissant presque Jelila derrière, prise d'une nausée immense. Elle ne put se retenir plus longtemps et se cacha dans la pénombre d'un coin de rue pour vider ses tripes. L'acide la faisant pleurer un peu plus. Jelila posa une main dans son dos, la faisant sursauter.


« Merde, c'était quoi ça ? »

« N'en parle à personne. »

« Qu..quoi ? »

« N'en parle à personne, surtout pas à Mathieu, s'il te plait. » Elle essuya son menton de sa manche, reprenant son calme comme si de rien était. « J'vais bien, pas besoin d'en faire une histoire. »

« Non, tu...tu vas pas bien, Madeline. » Elle serra la mâchoire, une nouvelle vague de larmes nouée dans sa gorge. « Et j'suis désolée mais je ne mentirai pas. Il doit savoir. Et si c'est pas toi qui le dit, ça sera moi. »

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