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Madeline partit dès qu'elle eut les yeux ouverts, s'excusant un million de fois pour son sommeil. Elle s'était précipitée pour rentrer et heureusement pour elle, Julian dormait. Elle lui expliqua qu'elle avait été chez elle et la gueule de bois du jeune homme lui permit d'être tranquille.

Néanmoins, le soir ne fut pas la même chose et il semblait qu'il faisait tout pour la pousser dans ses retranchements. Elle avait tout essayé pour le fuir mais il continuait, encore et encore, de l'insulter ou de lui faire du mal quand personne ne regardait. Il voulait la punir de son absence mais surtout pour ses menstruations qui l'empêchaient de s'assouvir.
Finalement, elle avait terminé par boire beaucoup d'alcool pour ne plus entendre ses mots et ne plus sentir ses mains. Elle termina par s'enfuir, sans même s'en rendre compte et erra dans les rues parisiennes. Et, puisque le destin semblait avoir tout prévu, elle se retrouva devant le studio de Mathieu. Elle ne toqua pas, restant bêtement devant tout en réalisant où elle était. Elle ne fit pas demi-tour et un homme un peu plus âgé l'interpella.

« Euh..ça va ? » Elle le regarda, les prunelles restant dans le vide comme si elle n'était pas vraiment là. « T'as besoin de quelque chose ? » Il claqua des doigts devant son nez, espérant la faire réagir mais elle semblait complètement ailleurs comme si les paroles de Julian étaient trop fortes dans sa tête pour entendre le monde extérieur. « Vas y t'es perchée. »

Il la laissa à la même place et elle resta muette. Toutefois, il ne l'abandonna pas réellement et rentra seulement pour prévenir les autres. Ils sortirent tous comme si elle était un phénomène amusant. Quand Mathieu comprit qui elle était, il leur ordonna de rentrer d'un ton suffisamment sec pour qu'il n'ait besoin de négocier. Il la rejoignit rapidement presque à petites foulées. Lorsqu'il se positionna devant elle, elle ne prit pas la peine de le regarder, continuant de fixer un point invisible.

« Madeline ? » Il se pencha légèrement à la recherche de ses prunelles et elle n'eut le choix que de s'y ancrer. Elle sourit en sa direction mais il n'en fut aucunement convaincu. « T'as pris un truc ? »

« Non, je crois pas. » Elle haussa les épaules. Après tout, la plupart du temps, c'était Julian qui lui donnait quelque chose, dissimulé ou non. Elle ne se souvenait plus si ce soir, il lui avait donné un comprimé. « Je sais pas comment je me suis retrouvée ici. » Elle scruta les alentours, complètement perdue. « Enfin, si, j'ai marché. J'ai mal aux pieds. D'ailleurs. » Cette fois, son ton léger l'agaça. Elle fit la moue en voyant son regard noir et ses dents serrées. « Désolée, je vais rentrer. »

« Non, pas comme ça, pas dans cet état. » Il se retourna pour montrer le studio mais elle ne le suivit pas immédiatement, retirant d'abord ses escarpins avant de le rejoindre. Il ne l'attendit pas et elle dut trottiner à ses côtés.

« Tu vas me faire un cocktail ? » Cette fois, il pouffa silencieusement tout en secouant la tête. Elle n'en avait pas envie et il savait que c'était seulement pour détendre l'atmosphère. Il rentra en marche arrière pour la regarder, perdant un peu de son sérieux. « Ou m'entraîner à ouvrir une bière avec.. les dents ? »

« Hors de question. »

Il cacha un rictus en pinçant ses lèvres. Il lui ouvrit la porte et l'invita à entrer. Avec la lumière, il pouvait voir l'hématome sur sa pommette et ses yeux rouges écarlates. Néanmoins, alors qu'il ouvrait la bouche pour faire un commentaire, elle secoua la tête vivement pour l'en empêcher. Elle n'avait aucunement envie de l'entendre lui donner des conseils ou pire, la juger. Il resta alors silencieux sans pour autant quitter des yeux sa peau à la recherche d'une autre blessure. Ce ne fut pas du goût de Madeline qui recula d'un bon pas, espérant que la distance retiendrait son évaluation.

« Désolé. »

Elle leva les yeux au ciel et croisa les bras devant elle. « J'étais sure que t'allais dire ça. »

« Qu'est-ce que tu veux que je dise ? » Elle baissa le menton, les lèvres pincées, touchée. « C'est bien ce que je pensais. »

Il inspira profondément pour retrouver un peu de calme. Son indifférence le rendait fou. Il voulait qu'elle se batte ou au moins, qu'elle lutte. Seulement, il ne savait pas ce que c'était que d'être à sa place, être utilisée encore et encore jusqu'à ce que sa voix s'éteigne complètement et que ses muscles se paralysent. Madeline n'était plus que l'ombre d'elle même, une sorte de personnage vivant à la troisième personne, ne ressentant que le vide. La douleur, elle, était dorénavant à distance, presque superficielle.

« Suis-moi. » Elle n'argumenta pas et le suivit jusque dans le petit studio de Lisko. « Tu peux te reposer ici. »

« Je suis en cellule de dégrisement, en fait. » Elle déposa ses escarpins à l'entrée avant de s'asseoir sur le canapé. Il partit quelques secondes avant de revenir, un plaid en main. Il était encore neuf et dû arracher l'étiquette. Il l'avait acheté ce matin, après son départ, juste au cas où. Elle s'installa confortablement sous son regard pendant qu'il attendait qu'elle soit allongée pour partir. « Merci. »

« Si t'as besoin, je suis dans le salon ou dans mon studio. » Elle hocha la tête, remontant la couverture jusqu'à son nez. « Ça va ? »

« Oui. Je... » Elle trouvait ça étrange de se trouver ici. Certes, ils avaient créé une bonne relation et étaient des connaissances. Néanmoins, de là à venir jusqu'ici, à la recherche d'un oasis, l'effrayait. Elle avait Thomas et elle aurait dû aller le chercher lui, et personne d'autres. « Ça va. »

Il hocha la tête et la laissa seule. Il n'eut la chance de se réintégrer dans le groupe que Antoine, un ami, l'interpella. Il avait l'air frustré et Mathieu eut envie de fuir. Seulement, il allait devenir son manager alors ce n'était pas forcément le meilleur choix. Il resta alors devant lui, prêt à se prendre une soufflante.

« Tu sais que tu dois te concentrer sur la musique. » Il fronça les sourcils, ne comprenant aucunement le lien entre les deux. Il aidait Madeline parce qu'elle semblait avoir confiance en lui, parce qu'il lui avait laissé la possibilité d'y croire. « Elle a l'air d'être un problème ambulant. Et je t'ai dit de ne plus te mettre dans la merde si tu veux que j'investisse. »

« Tu la connais pas, qu'est-ce que tu... »

« C'est facile de voir quand les gens sont toxiques. » Il eut envie de lui dire que ce n'était pas le cas. Du moins, il n'en avait pas l'impression. Selon lui, c'était son environnement qui l'était. « Et puis qu'est-ce que ça peut te foutre ? Tu t'intéresses à elle ? »

« Ça n'a rien à voir avec ça. »

« Alors quoi ? » Le ton monta d'un cran alors que Mathieu évitait la conversation, simplement parce qu'il n'avait pas les réponses. « Polak ? »

« Qu'est-ce que tu veux que je dise ? Je fais seulement ce que je pense juste. » Antoine essaya de rétorquer quelque chose mais il n'avait plus d'argument. « S'il te plaît , Flav, fais-moi confiance. Je me concentre vraiment sur la musique, je te le jure. Demande aux gars, je passe mes journées et mes nuits ici. »

« Je te fais confiance. Ne me déçois pas. »

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