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Madeline attendit sur le trottoir d'en face du studio pendant des heures. Elle était complètement gelée et éreintée mais elle resta patiente. Après le court échange avec Mathieu devant le fast food puis les baisers de Julian, elle avait trouvé l'excuse d'une nausée exagérée et de règles douloureuses pour partir du bar. Son petit ami l'avait alors laissée partir, comme si elle était en cet instant inutile. Il ne l'avait pas raccompagné et ne lui avait donné aucun argent pour rentrer en taxi, la laissant se débrouiller par elle-même.
Elle avait alors filé jusqu'à Mathieu, sans même y réfléchir, seulement perdue et beaucoup trop seule. Elle attendit le départ de Lisko avant d'avancer et de toquer contre la porte, hésitante. À peine elle avait touché le bois, qu'elle paniqua et fit plusieurs pas en arrière mais n'eut le temps de prendre la fuite que Mathieu ouvrait la porte.

« Mad.. » Il s'arrêta, comme s'il cherchait à cacher sa surprise. « J'pensais pas que tu viendrais. Surtout dès ce soir. » Il remarqua la rougeur de sa peau à cause du froid. « Rentre, viens. » Elle hocha la tête et passa, ses mains entrelacées devant elle comme si tout son corps souhaitait montrer sa timidité. « Tu veux boire un truc ? »

« Ça va, c'est gentil. » Malgré son refus, il sortit une cannette de soda qu'il lui tendit. « Merci. »

Elle regarda la boisson comme si quelque chose n'allait pas. Il ne pipa pas un mot, la regardant seulement alors qu'elle la tournait dans tous les sens pour vérifier qu'il n'y avait pas de fuite. Finalement, elle prit une serviette de papier sur la table et l'essuya encore et encore. Depuis Julian, elle était effrayée d'y trouver une quelconque drogue, que ce soit dans sa nourriture ou dans ses boissons. En conséquence, elle avait perdu beaucoup de poids et même si elle en avait conscience, ce bloquage restait présent dans sa tête. Mathieu n'en fit aucun commentaire, la laissant frotter une dernière fois avant de l'ouvrir. Elle but quelques gorgées avant de la reposer.

« Merci. » Il voulait lui demander pourquoi elle était finalement venue mais il s'en retint de peur de la froisser. Il chercha dans les alentours quelque chose pour la recouvrir, voyant sa peau rouge de froid mais ici, il n'y avait aucune couverture ou plaid. Il partit dans son studio pour attraper une veste. Il retourna vers elle et lui tendit. Elle n'hésita pas une seconde à s'habiller plus chaudement. « Je vais finir par faire une collection de tous les vêtements que tu me donnes. » Il répondit par un simple sourire pincé. « Merci. » Il prit place sur le fauteuil en face d'elle, incapable de ne pas la regarder alors qu'elle semblait s'effacer de jours en jours.

« Tu veux manger un truc ? » Elle secoua la tête, si elle avait déjà réussi à boire, c'était un exploit. Lui demander de manger était un challenge un peu trop grand. « T'as mangé au grec ? »

« O..ouais. » Elle mentait et il le vit rapidement par ses yeux fuyant et sa voix aiguë. « Je.. devrais y aller. Je sais pas pourquoi je suis venue.. je... » Elle se leva, prête à lui rendre sa veste mais il se redressa à son tour face à elle, tout en cherchant une excuse pour qu'elle reste, ici, en sécurité.

« Tu sais que je fais de la musique. » Il eut envie de se frapper le cerveau tant cette phrase était inutile. Pourtant, elle n'en ria pas, acquiesçant seulement tout en l'écoutant. « Tu veux  écouter ou voir le studio ? Sauf si tu dois rentrer.. je veux pas te mettre dans la merde. »

« Non ça va. » Elle n'avait plus peur de Julian. Du moins, c'est ce qu'elle se disait, convaincue d'avoir vécu le pire avec lui. « Je veux bien que tu me montres, ça m'intéresse. »

Ils se dirigèrent tout deux dans le petit studio. Il n'y avait pas grand chose à voir et de toute manière, Madeline n'y connaissait strictement rien. Néanmoins, elle l'écouta expliquer le matériel et raconter des anecdotes. Il fut interrompu dans son monologue par un coup de téléphone. Il proposa à la jeune femme de s'asseoir et s'éclipsa quelques instants. C'était son ami, Alpha qui avait écouté son projet et qui avait donné des contacts pour peut-être le sortir mais surtout en gagner de l'argent. Son cœur se mit à palpiter avec force, son destin allait sûrement changer. Il s'alluma une cigarette tout en attendant le verdict.

« Je te réveille pas ? »

« Non, je suis encore au studio. » Le silence fut lourd entre eux, comme si Alpha n'osait briser Mathieu qui donnait tout pour s'en sortir. « T'as des nouvelles ? »

« Ouais, écoute... j'ai pas de bonnes nouvelles, j'suis désolé mais ils veulent pas. » Mathieu inspira profondément dans un soubresaut, il avait l'impression d'avoir reçu un coup dans le ventre. « Mais c'est pas fini, Flav est à fond pour te soutenir, tu le sais, et.. peut-être qu'il voudra te soutenir jusqu'au bout.. tu vois ? »

« T'inquiète, ça va, je m'en doutais. »

« On se voit demain soir ? Ça te va ? On passera te voir à ton studio. »

« Comme tu veux mais c'est pas nécessaire. Ça va. »

Il n'insista pas plus parce que de toute manière son ami ne le laissa négocier. Il raccrocha en premier et resta un instant tout seul, les paupières closes et les poings fermés jusqu'à blanchir ses phalanges.
Soudainement, il réalisa que Madeline était toujours présente, à l'attendre dans l'autre pièce alors, il respira profondément pour retrouver son calme et cacher ses émotions. Tous ses efforts furent vains puisque lorsqu'il entra, la jeune femme s'était endormie dans le canapé, assise, la tête tenue par sa main. C'était sûrement inconfortable mais Mathieu n'en fit rien, restant immobile, oubliant presque de respirer tant il ne voulait pas la réveiller. Il reprit place à son fauteuil, écoutant des productions, incapable d'écrire alors qu'un énième obstacle se posait devant lui.

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