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À l'hôpital, le miroir de la salle de bain ne donnait à Madeline qu'un reflet partiel d'elle-même. Elle s'était même demandée s'ils ne faisaient pas exprès, pour éviter que toutes les victimes ou que tous les malades ne se voient vraiment. Dans son appartement, la lumière au dessus du miroir ainsi que sa grandeur lui permettait de se voir de la tête jusqu'à ses hanches. Ce fut suffisant pour qu'elle perde le fil de la réalité. Elle était nue devant son lavabo, frigorifiée, sans pansement, à contempler chaque parcelle de sa peau. Sa lutte contre Julian était claire et il semblait qu'il n'avait épargné aucune cellule de son corps.
Mathieu, lui, était dans le salon, sur son téléphone distraitement, impatient et nerveux, se retenant depuis une vingtaine minutes maintenant de toquer contre la porte. Il avait conscience de son besoin d'intimité et de temps pour elle mais ce silence dans l'appartement le rendait complètement dingue. Finalement, il ne put lutter contre lui-même plus longtemps et se leva pour la rejoindre.

« Madeline ? » Elle sursauta et attrapa sa serviette rapidement. Pourtant, il était seulement resté derrière la porte, attendant sa réponse ou mieux, son invitation. Elle s'enroula dans sa serviette avant d'ouvrir, passant seulement son visage. « Hey... » Il passa son pouce sous ses yeux remplis de larmes. « Désolé, je m'inquiétais. »

« Je m'étais pas vu comme ça. » À ses propres mots, son menton tremblota. « Je ressemble...à... »


Elle ne termina pas sa phrase, baissant le visage honteusement. Il l'avait regardé ainsi, abîmée et marquée par les mains d'un autre homme. Il tenta de l'interpeller mais le nœud dans sa propre gorge l'empêcha de dire un mot. A la place, il décala les mèches encore trempées de son visage. Elle ouvrit un peu plus la porte jusqu'à apparaître entièrement. Il en profita pour passer sa main dans sa nuque pour l'inviter à se loger contre lui. Son t-shirt s'imbiba d'eau mais il ne bougea pas, fermant les paupières pour apprécier un peu plus le moment.


« J'ai préparé un petit déj de compet mais il va falloir que tu quittes ton reflet pour t'habiller. » Il déposa un baiser sur son crâne. « Les plaies...ça va disparaître, Maddy. C'est pas le plus important. J'vais faire tes pansements et l'infirmière passera ce soir pour le reste. »

« Mais...je...ressemble à un monstre. »

« C'est faux. Tu ressembles à une guerrière. »

Elle secoua la tête, ses pleurs noyant son visage dorénavant. « J'ai jamais voulu devenir une guerrière. J'voulais juste être comme les autres, rien de plus. » Il acquiesça, conscient que personne ne souhaitait vivre ces horreurs et que, même si elle en devenait plus fort, un traumatisme restait un traumatisme. « J'voulais pas de tout ça. »

« Et j'aurais aimé que tu n'es à vivre tout ça. » Il s'éloigna légèrement, embrassa son front. Elle en profita pour reculer et s'asseoir sur le bord de la baignoire. La douche l'avait épuisée ainsi que toutes les émotions qui en avaient découlé. « Tu veux un coup de main ? »


Elle accepta d'un geste et il attrapa son haut, l'aidant à l'enfiler tout en gardant la serviette en dessous jusqu'à ce qu'elle soit complètement recouverte. Il fit de même pour son bas, se mettant accroupi face à elle. Madeline en profita pour passer une main dans ses cheveux. Il n'en avait pas pris soin et le blond était plutôt d'un jaune douteux. Dans d'autres circonstances, elle aurait pu en rire mais la raison de son manque de tenue l'en empêchait. Il avait passé plus d'une semaine à ses côtés, à l'hôpital, se faisant passer au dernier plan voir sur aucun. Et encore aujourd'hui, il était là, l'aidant à s'habiller, préparant des repas ou, actuellement, appliquant les soins prescrits par le médecin sur son visage.


« Je trouve que tu cicatrises bien. » Il passa son doigt plein de crème sur ses plaies. « Si je te fais mal, tu me le dis. » Il badigeonna, mettant une couche si épaisse qu'on ne voyait presque plus rien. « Je galère. »

« Tu veux que je le fasse moi-même ? » Il refusa par son silence, continuant ses soins. Il avait ce besoin immense d'être utile, de l'aider à guérir. « Je trouve que tu te débrouilles bien. »

« T'es pas objective, Maddy. » Elle ne put cacher son sourire alors qu'il était si prêt de son visage. « Il ne manque plus que ton pansement au ventre. Tu viens dans le salon ? »


Elle hocha la tête et elle le suivit. Elle s'allongea puis souleva son haut. Mathieu n'avait jamais vu sa cicatrice et il sentit ses propres tripes se tordre. Néanmoins, il ne fit aucun geste pour le lui montrer et prit place à son côté pour continuer ses soins. Elle frissonna à son contact, ses doigts se faisant léger alors qu'il était effrayé de lui faire mal.


« Tu me chatouilles. » Ses joues prirent une teinte rosée. Il en pouffa silencieusement, adorant toujours son honnêteté. « Ne te moque pas de moi. » Il se pencha au-dessus d'elle pour croiser entièrement son regard. Et l'ambiance changea. « Je t'aime, tu sais, toujours autant. Toi et moi, c'est toujours pareil. Pas vrai ?»

« C'est toujours et ça sera toujours toi et moi. Et moi, je t'aime, encore plus. » Il caressa tendrement. « T'es..je sais que tu vas détester que je te dise ça mais...j'suis fier de toi. Tu m'impressionnes tous les jours par ta force, ta résilience...et malgré tout ce qui s'est passé...tout ce qui se passe...t'es...tu restes toi-même, sincère et...douce." Il bafouillait, de long silence s'imposant alors qu'il réfléchissait à ses mots. Pourtant, Madeline l'écoutait attentivement, obnubilé par ses lèvres ou ses yeux. Elle tira sur sa nuque jusqu'à ce que leur front se touche. Elle avait envie qu'il l'embrasse, envie d'un moment de tendresse pour effacer toute la violence tatoué sur sa peau, tous les soins accumulés, tous les jugements entendus. Il sentit son besoin de tendresse et délaissa un simple baiser sur ses lèvres. « Toi et moi. »

« Toi et moi. »

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