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« Qu'est-ce que c'était, Madeline ? »

Elle se délia de lui, les larmes aux yeux et la fatigue tombant sur ses paupières. La vengeance s'effaçait pour laisser place à la douleur, celle qui était autant émotionnelle que physique. Elle eut un vertige mais refusa l'aide de Mathieu qui semblait ne plus savoir comment agir. Alors, il l'abandonna à peine une seconde pour reprendre la bouteille et sentir le restant. C'était acide, bien pire que ses cocktails, mais surtout, c'était imbuvable et empoisonné. Il se retourna pour lui demander pourquoi elle avait une sorte de potion mortelle. Toutefois il abandonna l'idée et se précipita vers elle tandis qu'elle se tenait à peine debout.

« Merde, qu'est-ce que tu fais ? » Elle essayait de se débattre, comme s'il était un inconnu ou pire Julian. La confusion prenait tous ses sens et sa raison, le manque de sommeil et de nourriture et l'excès de boisson énergisante lui jouant des tours. « J'veux juste t'empêcher de tomber. »

« Arrête. » Il l'accompagna dans sa chute, Madeline se laissant choir dans ses bras, son front moite contre son torse. « T'avais pas le droit de faire ça. » En passant ses mains autour d'elle, il sentit ses os et l'absence de ses courbes. Il ne l'avait jamais touchée ainsi auparavant mais c'était certain, il l'avait suffisamment observée pour savoir. « Pourquoi t'as fait ça ? »

« Qu'est-ce que tu comptais faire, hm ? Le...boire ? » Elle secoua la tête. Elle ne partirait pas sans vengeance, sans voir Julian souffrir et la supplier de lui pardonner pour ses actes. Elle voulait l'humilier puis l'anéantir. « Madeline, dis-moi. » Elle refusa, honteuse de son échec ou peut-être même de l'acte prémédité. Elle n'avait jamais été du genre violente mais, pourtant, elle était là, prête à commettre le pire. « Laisse moi te ramener chez toi, tu veux bien ? »

Cette fois, elle acquiesça, consciente qu'elle ne pourrait rentrer seule en étant si faible. Mathieu l'aida à se redresser avant de prendre son téléphone. Il envoya un message à Lisko, lui demandant de ne pas l'attendre mais surtout de ne pas parler de leur rencontre à quiconque. Il n'eut à argumenter que son ami acceptait, toujours prêt à le soutenir malgré des décisions douteuses. A peine avait-il quitté la conversation qu'il commandait un Uber, certain que Madeline ne pourrait rejoindre son appartement en prenant le métro ou en marchant.

Heureusement pour elle, la voiture arriva rapidement et ils purent s'installer à l'arrière. La brune ferma les paupières et reposa sa tête sur Mathieu. C'était inconscient mais doucereux et réconfortant. Il ne fit aucun mouvement, fixant le siège du chauffeur tout en se sentant perdre le fil de ses pensées. Celles-ci semblaient vouloir toujours se concentrer vers le poids contre son épaule, les cheveux bruns chatouillant son cou, l'odeur sucré...qu'il n'arrivait à nommer.

« Ne t'endors pas avant qu'on arrive. Il faut que tu ouvres les portes. »

Elle hocha la tête tout en se redressant et le blond crut sentir qu'on lui arrachait un bout de chaire en même temps. Lorsqu'ils arrivèrent, Mathieu l'aida pour rejoindre son appartement. Il n'avait aucune idée de si elle en était capable ou non mais il avait besoin d'être sûr qu'elle arrive en un seul morceau. Elle ouvrit la porte et se précipita vers le canapé pour s'y recroqueviller. Lui, regarda les alentours. L'appartement était dans un mauvais état, le réfrigérateur était vide et des cannettes jonchaient les lieux. Il comprenait mieux son parfum sucré et il en fut nauséeux d'inquiétude.

« Depuis quand est-ce que t'as pas mangé ? »

Elle grogna tout en tirant sur le plaid pour se recouvrir. « Merci de m'avoir ramenée mais tu peux rentrer chez toi. » Il s'approcha, s'asseyant sur la table basse face à elle, avant de prendre la couverture pour dévoiler son visage. Elle garda les yeux fermés et les lèvres pincées. Toutefois, il pouvait voir qu'elle se débattait intérieurement pour ne pas le regarder rien qu'aux clignements de ses paupières.

« Tu sais que tu peux compter sur moi. » Elle voulut lui dire qu'il n'était pas là depuis plusieurs semaines, qu'elle s'était retrouvée seule avec ses démons. Néanmoins, il ne lui devait rien, elle le savait. Il n'était que de passage, une simple étoile filante qui éclairait sa nuit quelques secondes. « Madeline. » Elle refusait de lui dire son idée de vengeance qui l'avait obsédée, jusqu'à en oublier de vivre. L'échec de sa mission avait réveillé une honte immense qu'elle ne souhaitait pas partager. « Est-ce que tu veux bien me regarder au moins ? » Elle secoua négativement la tête et il abandonna pour fouiller dans les placards, espérant que quelque chose s'y trouve pour lui donner mais surtout que ça lui donnerait une occasion de répondre. Il tomba sur des compotes à boire et en fut soulagé comme s'il venait de trouver de l'or. Il reprit place devant elle. « Regarde ce que j'ai trouvé. » Cette fois, elle fut pris au piège et ouvrit les yeux pour voir ce qu'il avait. « Une compote... non périmée... fermée. Elle a son capuchon et... » Il se souvint de la manière dont elle secouait le contenant pour s'assurer qu'il n'y avait pas de fuite alors il le fit, la pressant dans tous les sens précautionneusement. « Pas de trou. »

« J'ai pas faim. » Il l'ignora et ouvrit le couvercle pour prendre une gorgée.

« Elle est bonne. C'est à ton tour maintenant. » Elle hésita un instant mais il ne la pressa pas, attendant seulement qu'elle prenne la compote et y goûte. « Alors ? »

« Merci. » Elle resta allongée, à boire silencieusement.

« J'sais pas ce que tu partais faire avec cette bouteille mais... mais je crois que si on s'est croisé, c'est pour une bonne raison. C'est pas juste une coïncidence, c'est pas possible. » Madeline et Mathieu, c'était loin d'être une coïncidence, ils en avaient conscience tout deux. C'était comme deux aimants qui finissaient toujours par se retrouver malgré la distance. Ce soir-là en était seulement une autre preuve. « On vient juste de rentrer, tu sais, et tu connais un peu Lisko... il a voulu un grec direct et je lui ai proposé de venir avec lui parce que j'avais besoin de bouger. Je déteste y aller, putain, mais là.. là j'en ai eu envie et t'étais sur ma route. »

« C'était un mélange d'acide et de détergents dans la bouteille. »

« Qu'est-ce que tu voulais en faire ? »

« Je voulais le jeter sur Julian. Je voulais qu'il souffre, qu'il devienne si laid qu'il ferait fuir toutes les filles. J'voulais que plus aucune d'entre nous tombent dans ses filets » Il baissa le menton, regrettant presque d'avoir foiré son plan. « J'voulais le faire souffrir comme il m'a fait souffrir. »

« Je... j'suis désolé de t'avoir empêché d'assouvir ta vengeance mais je crois pas que ça soit une solution. »

Elle reposa la gourde sur la table. « On ne le saura jamais, à cause de toi. J'ai tellement envie de te détester, sincèrement. »

Elle venait de clôturer la conversation et Mathieu ne put trouver qu'une issue.

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