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Mathieu eut le droit à des antidouleurs si forts que son esprit était complètement ailleurs. Il comprenait dorénavant le besoin de Madeline de s'enfuir dans un autre monde. C'était agréable, sans inquiétude, son corps insensible et sa tête nuageuse. Toutefois, c'était à la fois anxiogène tant il avait l'impression d'avoir aucun contrôle sur ses mots et ses gestes.
Le diagnostic, lui, avait été clair. Il avait une forte irritation des yeux qui nécessitaient un traitement. L'alcool jeté était une liqueur bien trop forte et l'absence de rinçage avait aggravé la situation. Toutefois, les conséquences n'étaient que temporaires et, à part une vision trouble et une douleur, il s'en sortait bien.

Walid l'aida pour monter dans la voiture tandis que le jeune homme passait d'humeur en humeur. Néanmoins, dans chaque phase, que ce soit l'euphorie ou la tristesse, la seule personne, la seule pensée qui semblait intemporelle, ancrée encore et encore était Madeline. Il ne cessait d'en parler, de la demander et son ami avait peine à lui répéter qu'elle était chez elle et indisponible.

« S'il te plait, arrête. J'vais péter mon crâne si j'entends encore son prénom. » Mathieu ouvrit sa sacoche pour se sortir une cigarette mais Walid lui prit. Il reçut un regard noir peu impressionnant du fait de ses pupilles dilatées. « Pas de clope dans ma voiture. »

« Laisse moi lui envoyer un message au moins. »

« Nan, tu vas faire n'importe quoi. Elle doit sûrement dormir à cette heure ci et de toutes les façons, tu veux pas qu'elle te voit comme ça, crois moi. » Mathieu souffla de tout son cœur. « J'te comprends' surtout après les mots de Lisko mais là t'as besoin de dormir chez toi. »

« Regarde au moins si elle m'a pas envoyé un message. »

« T'es complètement accro. C'est dingue. » Il le fit néanmoins, sachant que le blond n'avait jamais été ainsi, si vulnérable. Il avait été dans le même cas, quelques années plus tôt. Toutefois, il avait menti, caché ses sentiments à Jelila, la blessant à maintes reprises. Il regrettait encore et contrairement à lui, son ami semblait tout donner pour ne pas faire les mêmes erreurs. « Elle t'a envoyé un message pour te demander si ça allait et qu'elle ne dormait pas.. Bla bla bla.. »

Elle lui proposait de venir chez elle parce qu'elle se sentait horriblement seule malgré la présence fantomatique de Julian autour d'elle. Elle luttait contre la prise d'un comprimé et espérait, égoïstement, que la présence de Mathieu l'empêcherait. Il ne lui en restait plus qu'un et elle avait conscience qu'aucun médecin ne lui en donnerait.

« C'est quoi le Bla bla bla ? Elle écrit jamais pour rien dire, donne. » Il tenta de reprendre son portable mais ses mouvements étaient bien trop ralentis et maladroits. « Maes ! »

Celui ci souffla tout en levant les yeux au ciel, amusé par son comportement. « Ok ok ok, elle a envie que tu viennes la voir. »

« Alors si Madeline veut, j'y vais, que tu le veuilles ou non. » Walid céda et suivit les directions approximatives de Mathieu pour l'emmener à destination. Ils s'arrêtèrent devant l'immeuble et ce dernier fut pris d'une énième vague d'émotion. Pour sûr, plus jamais il ne prendrait d'antidouleur. Il avait l'impression que tous ses filtres avaient disparu. « Merci pour le trajet, les urgences et... pour m'avoir défendu devant Lisko. »

« Je vous ai surtout séparé. Tu devrais lui parler, c'est ton meilleur ami. »

« C'était. »

« Arrête, tu peux pas prendre une décision comme ça. Il faut que vous parliez, posément. Je suis sûr qu'il peut comprendre. »

« C'est à lui de venir. C'est à lui de s'excuser. » Il ouvrit la portière, refusant de continuer cette conversation. « Qu'il dise que je la mérite pas, je l'entends. C'est un fait mais il n'a pas le droit de la dénigrer surtout en connaissant toute l'histoire. »

« Toute l'histoire ? Est-ce que j'aurai le droit de savoir un jour ? » Mathieu hocha la tête. « Ok, bon, vas y. Et j'te le répète, c'est pas une question de mérite mais de qui tu veux être. Regarde toi et regarde comment tu étais il y a encore un mois. T'assume tes sentiments. Elle demande à te voir. Et si ça se passe bien entre vous et que ça vous convient à tous les deux alors tu t'en bats les couilles du reste, ok ? Je t'assure que ça vaut le coup, peu importe comment cette histoire tournera. »

Il ne répondit pas, le remerciant par un simple regard avant de fermer la portière. Il monta jusqu'à l'appartement de Madeline, loupant de marches et se prenant les murs tant sa vision perturbait son équilibre. Il toqua doucement contre sa porte, ne souhaitant pas la réveiller si jamais elle avait réussi à s'endormir. Toutefois, ce n'était pas le cas, elle avait fait les cent pas puis avait terminé par sentir son corps se tordre de l'intérieur. Alors que Julian n'avait jamais été dans son appartement, il avait réussi à s'y imposer, prenant le manque de morphinique comme occasion pour la torturer. N'ayant aucun moyen pour ressortir sa douleur, son esprit avait décidé de lui donner un temps de sursis. Ainsi, comme lors de ses agressions, elle s'était extraite de son propre corps jusqu'à ne plus ressentir aucune émotion et sensation.

Cette épisode s'éteignit en voyant le blond à sa porté, en voyant son visage mais surtout ses yeux injectés de sang et ses paupières gonflées, elle oublia Julian et tout le reste, même la brûlure des coupures qu'elle s'était faite sur sa cuisse, simplement pour ressentir quelque chose.

« Merde, ça va ? » Elle s'approcha pour attraper sa mâchoire et le forcer à descendre à sa tête à sa hauteur. « Ca c'est pas un excès de joints ! »

« Un verre d'alcool en pleine gueule. »

« Par qui ? Une ex ? » Etrangement, ce fut elle qui se mit à rougir, espérant secrètement que la réponse soit négative.

« Non, par Lisko. Même si il a agi comme une putain d'ex, c'était bien lui. » Face à la mine inquiète de la brune, il se força à sourire et déposa un léger baiser, presque imperceptible sur son front. « Mais je vais bien. Walid m'a emmené aux urgences et le médecin m'a donné la dose. J'suis complètement... défoncé, alors pas de douleur. Ca à l'air plus impressionnant que ça ne l'est vraiment. Promis. »

Elle s'enfonça contre son torse et il l'enlaça, tendrement, soulagé de la sentir enfin contre lui, après cette semaine éreintante et cette soirée interminable.

Toutefois, celle-ci n'était pas terminé et Madeline le savait alors qu'elle ressentait dans son dos le sachet en papier de Mathieu, rempli d'anti-douleur.

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