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Mathieu s'installa dans sa voiture dans un silence pesant. Il reposa sa tête en arrière, les yeux clos tout en essayant de trouver un peu de force pour faire ses obligations. Il s'était retenu dans son inquiétude face à Madeline, ne voulant pas la brusquer alors qu'il semblait s'être diagnostiqué une propre obsession envers elle. Il partait, la laissant se reposer, doutant qu'elle n'y arrive mais certain qu'il ne servait à rien en étant à ses côtés.

Finalement, il alluma le moteur et partit en direction de l'appartement de sa mère. Ce n'était pas très loin et il en fut presque déçu, appréciant conduire telle une méthode de méditation. Il rentra dans le bâtiment avec hésitation, comme si son fort intérieur pouvait ressentir que quelque chose n'allait pas. Il fut surpris de ne pas la voir dans le séjour, ni même dans la cuisine. Les sourcils froncés et le cœur brûlant, il ne put s'empêcher d'errer dans chaque pièce jusqu'à la trouver, allongée dans son lit, en sueur et un seau à ses pieds. Il passa une main sur son épaule et elle sursauta. Lui, eut un flashback de Madeline et regretta son départ, avec elle, même si les temps étaient durs, le présent semblait en arrêt comme si le monde les laissait profiter.


« Qu'est-ce que tu fais là, bon sang ? »

« Bonjour à toi aussi. » Il se força à sourire tandis qu'elle se redressait. Elle avait encore perdu du poids et ses muscles, peu nombreux, semblaient bien trop douloureux pour être mobilisés. « J'voulais prendre des nouvelles vu que tu réponds à aucun message. »

« J'suis fatiguée Mathieu. » Ses yeux étaient plein de larmes et il ne sut dire si elles étaient liées à la souffrance, la nausée ou une évolution négative. Il n'eut besoin de choisir puisqu'elle continua. « Mes examens sont pas bons. »

« Comment ça ? » Il comprenait, certes, mais son cerveau refusait d'y croire.

« Mon cancer avance. Ils changent de traitement mais celui-ci est... costaud. » Il l'aida à marcher jusque dans la cuisine où elle se laissa tomber sur une chaise. « J'veux bien un café, s'il te plait. » Il le fit, dos à elle, prenant cette issue pour laisser un souffle de peine. « Ca va aller, ne t'inquiète pas. » Il lui tendit une tasse. « Il faut que tu rentres, tu as besoin de dormir. Je t'ai jamais vu aussi fatigué. »

« J'vais bien maman. » Elle but une gorgée qui la fit tousser. Mathieu se précipita vers elle pour frotter son dos, espérant l'apaiser. « Ca va aller. »

« Rentre chez toi, tu veux bien. »


Il fronça les sourcils, surpris de son attitude mais surtout blessé. Il savait qu'il n'était pas chez lui ici mais le fait qu'elle le renvoyait avec si peu de gratitude le rendait mal à l'aise. Il avait fait des études pour elle et même s'il n'était pas devenu un grand médecin, il avait contribué de nombreuses fois aux factures, même aux siennes tout en vivant chez sa grand-mère. Il avait tout fait pour la rendre fier et le voilà, refouler de chez elle, refusant de le voir sans raison apparente. Il partit dans sa chambre, prit son plus beau foulard avant de lui mettre, sachant qu'elle adorait en avoir. Il lui sortit quelque chose à manger avant qu'elle n'insiste une énième fois pour son départ.


« Va te reposer Mathieu, je suis sérieuse. Tu as besoin de dormir si tu veux continuer dans la musique. »

« Ca se passe bien pour le moment, tu sais, pas d'inquiétude. »

« Je sais, je me suis renseignée. » Elle se leva, embrassa sa joue pour le raccompagner. « Mais je veux un fils en pleine santé plutôt que populaire. »

« T'inquiète pas maman, je m'en vais. J'ai compris. »


Il reprit sa veste et sortit pour rejoindre sa voiture. Il prit la route, son cœur se déchirant tandis qu'il s'éloignait de sa mère. Il rentra chez lui, du moins, chez sa grand-mère et comme si la vie continuait de le tourmenter par plaisir, il tomba sur un courrier posé sur la table de la cuisine. Habituellement, il ne lisait jamais les courriers ne lui étant adressé mais la Marianne sur le papier l'interloqua, à la lecture, il comprit la gravité des faits. Leurs biens allaient être saisis et si ce n'était pas suffisant, ils prendraient leur appartement. Il n'eut le temps de relever le nez que sa grand-mère arrivait.


« Tiens un petit revenant. »

« Salut mamie. » Elle frotta son bras d'une main chaleureuse.

« Enzo m'a dit que ta musique marchait bien, félicitations. » Son sourire fut réconfortant et pendant un instant, il se sentit comme quelques années en arrières alors qu'elle l'accueillait à bras ouverts pour lui éviter le foyer ou la rue. Elle prit la lettre et la déchira avant de la jeter à la poubelle. « Te préoccupes pas de ça. »

« Ils vont saisir tes meubles, toutes tes affaires. »

« Je sais lire. » Elle secoua la tête tout en préparant le café. « On va se débrouiller, comme d'habitude. »

« Sauf que d'habitude, il y a mon salaire, mamie. Et papa s'est fait viré de son taff et... »

Elle tenta de la faire taire d'un geste de mains mais, de toute manière, il n'insista pas et s'éloigna, portable en main. Antoine répondit immédiatement.

« Flav' c'est moi. Je... t'embête pas longtemps, je voulais juste savoir quand est-ce que j'aurais un peu de thune ? Ma grand-mère a besoin d'un coup de main et... »

Il le coupa rapidement. « Pour le moment, on a rien, seulement de l'argent pour rembourser ton projet et en faire un second. »

« J'peux pas avoir une avance ? On risque de finir à la rue. »

Antoine resta silencieux quelques secondes. Il avait déjà sa réponse mais appréhendait seulement la réaction du blond. « J'suis désolé mais là, j'peux rien faire. Est-ce que tu veux que je te dépanne personnellement ? J'ai de l'argent de côté. »

« Non, c'est bon, je vais me débrouiller, merci Flav. »

Il raccrocha sans plus attendre avant de sortir de l'appartement. Il toqua chez un ancien ami avec qui il travaillait auparavant, de ceux dont on ne fréquente que lorsqu'on est perdu, sans issu, sans rien avoir à perdre. Il répondit, une roulée entre les lèvres et une nouvelle cicatrice sur la pommette par une énième bagarre de quartier.


« Tiens, Polak, ça va ? » Ils se firent une accolade et l'homme l'invita à entrer. « Ca fait un bail mec, ça va ? »

« J'ai besoin de travailler pour toi, juste une fois, j'ai quelques soucis de thunes. »

« C'est urgent ? » Il hocha la tête. Ils se connaissaient depuis des années. Mathieu avait toujours été sérieux mais surtout ses intentions n'avaient jamais été d'avoir de beaux vêtements, la belle vie ou pour se donner une image, il avait toujours été de ceux qui voulait de l'argent pour payer les factures, pour ne plus avoir à dormir dans une voiture ou une cage d'escaliers. « J'ai un échange à faire cette nuit, j'peux t'y mettre et annuler l'autre gars. »

« T'es sûr ? J'veux pas mettre l'autre dans la merde ou quoi ? »

« Non, c'est bon, t'inquiète. J't'envoie tout par texto. Si tu peux, prends un gars avec toi, sinon, je t'en trouverai un. »


Mathieu acquiesça seulement avant de le remercier.

La nuit risquait d'être longue.

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