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Madeline sortit rapidement de son cours, sac sur l'épaule et les poings serrés tout en regardant le sol. Elle avait entendu plusieurs personnes faire des commentaires sur elle pendant toute la durée de la classe et malgré l'envie de pleurer ou de partir, elle ne l'avait pas fait, se concentrant au mieux sur le professeur en face.
Lorsqu'il les avait congédié, elle n'avait pas perdu une seconde pour s'en aller vers la bouche de métro. Toutefois, elle croisa Thomas. Elle tenta de l'ignorer, trop blessée pour lui parler mais il l'en empêcha, s'imposant face à elle.

« Je vais louper mon métro. » Elle regarda l'heure sur son téléphone, si elle ne partait pas maintenant, elle devrait attendre vingt minutes et c'était hors de question. Elle voulait se loger sous sa couette, au plus vite. « Laisse-moi passer, j'ai pas envie de parler. »

« Sauf qu'il faut qu'on parle... on peut pas s'ignorer alors qu'on est meilleur ami. »

« Était, Thomas. » Elle l'avait murmuré mais il avait entendu. Il baissa la tête, touché. Ils n'avaient jamais été éloignés aussi longtemps et le jeune homme ne pouvait cacher que Madeline lui manquait. Du moins, ce qui lui manquait, c'étaient ses attentions et son écoute. Il avait non seulement perdu son amie mais aussi sa sœur, sa confidente et son premier soutien. « C'est terminé. »

« Laisse-moi au moins m'excuser, s'il te plaît. »

Elle se raidit, protégeant son cœur par une attitude si froide et détachée qu'elle l'effrayait presque. « Est-ce que tu me crois ? » Il fronça les sourcils, faisant semblant de ne pas comprendre. Elle voulait le frapper jusqu'à ce qu'il se réveille, qu'il admette enfin tout ce qu'elle avait vécu, c'est tout ce dont elle avait besoin, d'avoir son soutien, rien qu'une fois. « Est-ce que tu me crois maintenant... quand je te dis que Julian... » Elle fut incapable de terminer sa question, les mots refusant de se construire dans sa tête. Et le silence de Thomas fut de trop. Il n'y croyait toujours pas. Il préférait croire le populaire, l'aimé, plutôt que sa victime. Il donnait raisons à tous ces inconnus, de ceux qui disaient, il y a encore quelques minutes dans son dos que Julian pouvait se faire toutes les filles et qu'elle était forcément chanceuse pour qu'il ait même posé les yeux sur elle. « Je crois que j'ai eu ma réponse. Laisse-moi maintenant. » Elle le doubla mais il la retint encore une fois tandis qu'au loin une voiture s'ouvrait. « Thomas, putain ! »

« Si c'était vrai, pourquoi est-ce qu'il te chercherait désespérément? »

Elle n'eut le temps de répondre qu'un inconnu s'interposa entre les deux. Il ignora complètement le jeune homme et se positionna face à Madeline qui ne put cacher son effroi. Pourtant, il était plus jeune, sans aucun doute, que ça soit par sa taille ou son physique. Il devait avoir à peine quatorze ans et ce fut un point que Thomas prit à son avantage. Il le poussa pour reprendre sa discussion mais le cadet sortit un canif de sa poche pour lui montrer, il recula brutalement et fit demi-jour, abandonnant par la même occasion Madeline. Celle-ci essaya de partir mais le garçon l'interpella par son prénom. Il la connaissait et elle en fut intriguée.

« D'où est-ce que tu me connais ? »

Il se frotta l'arrière du crâne, mal à l'aise. « Je te connais par le biais de Polak. Il m'a payé pour s'assurer que t'allais bien. » Elle fronça les sourcils, ayant peine à le croire. Le gamin sortit de sa poche son portable pour montrer une photo de lui et Mathieu. « Il était sûr que tu me croirais pas. »

« Je... ok ? Eh bah... merci de l'avoir fait partir, je suppose ? »

Il haussa les épaules avant de repartir, la laissant hébétée mais certaine que, malgré son absence, Mathieu la protégeait à distance. À cette pensée, elle en eut les joues roses mais ses émotions prirent la fuite rapidement en se rendant compte qu'elle allait devoir attendre une vingtaine de minutes dorénavant. Elle se dirigea rapidement vers l'entrée, espérant qu'il ait du retard et qu'elle n'est pas loupée le premier métro. Heureusement pour elle, et grâce à son sprint et un énième problème sur la voie, elle put le prendre et rentrer chez elle à l'heure. Elle abandonna toutes ses affaires à l'entrée, se changea dans des vêtements confortables avant de se précipiter sous sa couette.

Elle n'eut le temps de fermer ses paupières et de se détendre qu'elle reçut un message. Elle ne put se retenir de regarder, effrayée que ce soit Thomas ou pire Julian mais c'était Mathieu qui lui demandait de l'appeler. Elle hésita parce qu'elle détestait parler au téléphone mais après tout, c'était pas n'importe qui alors elle fit l'effort, le cœur battant contre sa poitrine désagréablement.

« Allô ? » Sa voix fut tremblante, inquiétant Mathieu sans raison.

« C'est moi, ça va ? »

« Je... J'ai appris qu'un gamin à peine ayant atteint la puberté me surveille pour toi et... »

« C'était Julian ? Il sait pas me dire cet imbécile. »

« C'était Thomas. »

« Oh... » Il s'était éloigné du groupe pour pouvoir discuter avec elle. Ils se préparaient tous pour sortir et fêter son EP terminé. Maintenant, il fallait le sortir et le vendre mais ce n'était plus vraiment à lui de faire le plus dur. Il allait devoir sourire et répondre aux questions mais ça lui semblait beaucoup moins ardu que de passer ses jours au studio. Du moins, c'est ce qu'il pensait puisqu'avec le Panama Bende, il laissait toujours les autres parler à sa place. Néanmoins, cette fois, il ne pourrait pas se cacher mais c'était un problème pour plus tard. « Il m'a dit qu'il t'avait vu essayer de partir plusieurs fois mais qu'il ne te laissait pas alors, comme je lui ai demandé, il est intervenu. »

« Je n'apprécie pas que tu aies fait ça sans me le dire. » Elle l'entendît inspirer comme si elle venait de lui donner un coup dans le ventre. « Même si j'apprécie d'avoir eu une sortie. Thomas a été... odieux et si je pouvais perdre plus confiance moi, il aurait réussi. » Il fut incapable de répondre. Il ne le connaissait pas mais l'avait vu plusieurs fois au squat. Il n'avait pas une bonne impression de lui. Il avait abandonné maintes et maintes fois Madeline mais surtout, il ne l'avait pas cru, n'avait pas vu son état, même en étant dans son intimité, en étant son meilleur ami. « T'es toujours là ? »

« Ouais. » Elle l'entendît s'allumer une cigarette. « Désolé pour mon gars, je voulais être sûr que Julian ne revienne pas après sa branlée. Je m'en serai voulu. »

« Tu n'as pas. » Elle frotta l'ongle de son index contre le dos de son pouce jusqu'à rougir. « Après tout, tu me dois rien et tu as d'autres chats à fouetter. »

Il laissa un léger rictus s'échapper. « J'dois y aller, d'ailleurs, on va m'attendre. »

« La star de la fête doit toujours se faire attendre. » Cette fois, il pouffa sans retenu la remerciant intérieurement d'alléger son humeur avant qu'il ne retrouve les autres. « Bonne soirée, Mathieu, profite et encore bravo pour ton projet. Je sais déjà que ça va être un succès et t'as intérêt à me le donner en avant-première. »

« Je t'envoie un lien. » Il secoua la tête, un sourire sur les lèvres. « Bonne soirée, Madeline. »

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