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Madeline attendit qu'il n'y ait plus de bruit de l'autre côté pour se lever, gardant autour de ses épaules le plaid mais restant pieds nus. Elle erra dans les lieux, observant les vestiges de la soirée. Sans même y réfléchir, elle chercha dans les comptoirs un sac poubelle pour jeter les déchets. Elle rangea les bouteilles d'alcool sur l'étagère et ouvrit la fenêtre pour aérer. Elle rejoignit enfin Mathieu qui, pour ne pas changer, était devant son ordinateur, téléphone en main à pianoter. Elle toqua contre l'encadrement pour l'interpeller et il leva la tête en sa direction, souriant malgré sa cigarette encore neuve entre ses lèvres. Il retira son casque.

« Salut. » Elle resta immobile. « Entre. » Elle le fit et prit place sur le fauteuil à ses côtés alors qu'il le tendait en sa direction. « Bien dormi ? » Elle hocha la tête, se recroquevillant dans le siège, complètement enroulée dans le plaid. « T'étais dans un sacré état. »

« Je sais. Je me souviens même pas être venue jusque ici. » Elle secoua la tête, se détestant. Elle avait abusé sur l'alcool, elle en avait conscience mais elle n'avait pas supporté les gestes et les mots de Julian. Elle avait eu besoin de fuir, mentalement puis physiquement. « Tes amis ont dû me prendre pour une folle. »

« Tu devrais... »

« Non, s'il te plaît. » Il s'ancra dans ses prunelles. Elle avait l'air complètement perdue.

« Tu devrais quitter Julian. » Il vit son menton trembler et ses yeux se remplirent de larmes mais il continua. « Il est pas bon pour toi. »

« Tu crois que je le sais pas ? Je suis pas stupide, Mathieu. » Il se mordit l'intérieur de la joue, se sentant soudainement stupide de lui avoir dit cette évidence sans avoir préparé une solution. « C'est pas aussi simple que tu le crois. »

« Alors, dis-moi. » C'était une supplication.

« J'ai pas envie de parler de ça maintenant. » Il eut envie de rétorquer, de se mettre même en colère et de la menacer de la mettra à la porte pour toujours. Néanmoins, il repensa à la vidéo, à son inconscience complète pendant que Julian et son ami profitait d'elle comme si elle n'était qu'une poupée. Il se souvenait de leurs recherches de drogues pour l'assommer la seconde fois. Il comprit que ce n'était pas une question de choix et qu'il n'avait aucune idée de ce qu'il se passait réellement dans cette maison. « T'es dans la lune. » Elle avait quitté son ton froid. Il en quitta le sol pour ses yeux, un léger sourire sur les lèvres grâce à elle et ses taquineries. . « Tu passes ton temps ici. »

« Ouais, j'essaye de.. réussir dans le rap. » Elle acquiesça tout en le fixant, complètement à l'écoute si bien qu'il se sentit en confiance pour continuer. « Je fais déjà de la musique avec un groupe de potes mais j'ai envie d'essayer tout seul...mais c'est une galère. Alors je passe mon temps ici pour m'améliorer et bosser à fond. » Il haussa les épaules avec nonchalance pour alléger ses propos. « Mais ça me plaît, j'aime bien le studio. »

« Ta famille ne te dit rien ? Ils doivent moins te voir, du coup. »

« Non, ça va. Après, tu sais, mes parents sont divorcés alors ils font un peu leur vie. » Il se tourna entièrement vers elle, abandonnant écran d'ordinateur et de téléphone. « Les tiens sont encore ensemble ? »

« Oui, mais je les vois pas beaucoup. Ils habitent loin. » La manière dont elle le disait montrait le peu de proximité qu'elle avait avec eux et il ne put qu'acquiescer, se rendant compte que lui serait incapable de vivre loin de sa famille. « Tu as des frères et sœurs ? »

« Un demi frère et une demi sœur. Enfin, dont je partage les mêmes parents. Ils sont beaucoup plus jeunes que moi alors.. c'est une relation un peu différente . Tu vois ? » Elle hocha la tête. « Et toi ? »

« Deux grands frères mais c'est comme.. mes parents. Ils vivent tous dans le même coin et moi.. moi je suis là. J'ai décidé de partir. » Elle ne put continuer de soutenir son regard et attrapa un bout de plaid pour le glisser entre ses doigts inlassablement. « Je suis partie avec Thomas, mon meilleur ami. Il est comme un frère, même. » Il resta silencieux, la laissant contempler ses souvenirs. « Lui et moi, on se voit plus beaucoup en ce moment. Il vient encore au squat mais.. je sais pas.. c'est plus pareil. » Un léger rire jaune s'échappa de ses lèvres. « Il m'ignore, comme si je n'existais pas. »

« Est-ce que tu sais pourquoi ? » Il avait murmuré, espérant ne pas rompre sa confession.

« Je crois que c'est à cause de..de la vidéo. »

Il se redressa comme si ses mots venaient de le réveiller. « Quoi ? Comment ça ? » Elle haussa les épaules continuant de triturer la couverture plutôt que de le regarder. « Mais il ne faut pas avoir un QI très élevé pour voir que t'étais pas consentante, c'est une blague ? » Elle ferma ses paupières, espérant pouvoir fuir dans sa tête et ne pas entendre ses mots. « T'étais complètement inconsciente et ils ont profité de toi. »

« Arrête. »

« Et putain, ça se voit que Julian te frappe ! Regarde ta pommette ! Et.. et la dernière fois c'était ton cou ! » Il s'était levé, continuant son monologue tout en faisant les cent pas, la colère prenant le dessus sur l'incompréhension. La seule personne sur qui pouvait compter Madeline l'avait trahie. Thomas était une des raisons de l'abandon de la jeune femme, Mathieu en était certain. « C'est pas un ami ! Tu devrais vraiment faire attention à tes fréquentations. » Elle avait dorénavant ses mains contre ses oreilles pour ne plus l'entendre. Son attitude le fit enfin s'arrêter. « Hé, hé. » Il repoussa son fauteuil pour s'accroupir face à elle. Il prit ses poignets, le plus doucement possible. « Je suis désolé. Hé, je suis désolé. »

« J'ai jamais voulu. » Elle éclata dans un sanglot, qui réverbéra contre le cœur de Mathieu, y brisant chaque barrière. « Il m'a forcé et m'a drogué dès la première fois mais personne me croit. Thomas pense que je veux être avec lui et... et même la police.. la police ne me croit pas, personne me croit. Et ça s'arrêtera jamais. Il continuera de me faire du mal, encore et encore jusqu'à ce que je meurs sous ses coups ou d'une overdose. »

« Moi, je te crois. » Ses mots lui firent ouvrir les yeux. « Je te crois. »

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