Un jour, Mona Moon sera une rebelle

Chapitre 158 : 1979 : Rencart arrangé

Chapitre 158 : 1979 : Rencart arrangé

Après un dernier coup d'œil dans le miroir, elle passa une lourde et longue cape sur sa robe. Le Chemin de Traverse devenait de moins en moins sûr. Mona préférait cheminer incognito vers cet inconnu qui ne le serait bientôt plus. Elle transplana à quelques pas de la Ménagerie Magique, là où elle avait acheté Dame de Fane.

Où elle s'était fait arnaquer, plutôt. Qui a remarqué que le pigeon n'est pas rentré depuis hier soir ? Je vous parie que Rogue l'a plumé et le déguste en ce moment. Ou pire, que la Dame est devenue sa nouvelle petite amie. Pauvre bête.

Mona s'arrêta un instant devant la devanture du restaurant La Tourelle. De la lumière semblait émaner de la peinture et des pierres. Elle chercha du regard qui Magda pouvait bien lui avoir collé cette fois. Ne voyant aucun homme seul à une table, elle avança sous le porche. Le portier lui ouvrit la porte, un autre homme lui prit sa cape, et une jeune femme réclama son nom.

– Votre ami n'est pas encore arrivé, dit-elle. Je vais vous conduire à votre table.

Mona jeta un coup d'œil à l'horloge du hall : 19 heures précises. Si son prétendant arrivait en retard, elle pourrait décrier cet affront comme une insulte aux Moon et ainsi l'écarter. L'hôtesse désigna une table un peu à l'écart, où Mona s'installa, scrutant discrètement les alentours. Elle échangea un signe furtif avec une cliente : Narcissa Black. Face à elle se trouvait Lucius Malefoy. L'annonce de leurs fiançailles était attendue depuis plusieurs mois dans la haute société sorcière.

Mona observa Narcissa : si différente de ses sœurs, Bellatrix et Andromeda.

Ouais ? et ? on s'en fout ! pourquoi je narre ça moi ?

En présence de toute cette bonne société, Mona resta droite comme un piquet sur sa chaise, mains jointes sous la table. Elle songea à partir lorsqu'elle vit l'hôtesse revenir, accompagnant un homme.

Oh piting !

Sous l'effet de la surprise, Mona entrouvrit la bouche, réduisant à néant ses efforts pour paraître respectable. Comment Edgar et Magda avaient-ils pu penser qu'organiser un rendez-vous avec un Mangemort était une bonne idée ? Ignoraient-ils les soupçons pesant sur lui ? Fabian et Gideon ne communiquaient-ils jamais avec leur frère aîné ?

Non, tu ne le savais pas ? Ben, maintenant, tu sais.

Mona se leva à son approche, hésitant entre fuir et le saluer dignement. Le regard échangé entre lui et Lucius Malefoy convainquit Mona de rester. Lorsque Gaïden Wilkes arriva devant elle, elle tendit une main. Gaïden sourit nerveusement avant de lui faire un baise-main requis, puis ils s'assirent.

Bienvenue au XVIIᵉ siècle. Le voyage ne vous a pas paru trop désagréable ? Vous ne l'avez pas senti ? C'est ce qui fait la qualité des voyages temporels des Moon.

– Je crois que c'est la première fois que je te fais un baise-main, dit-il.
– On ne s'est jamais vus en dehors de Poudlard non plus, répondit Mona, nerveuse. L'école a ses propres règles.
– Tu te trompes. Nous nous sommes vus une fois, en dehors de l'école.

Mona le regarda dans les yeux une seconde, cherchant rapidement à quoi il faisait allusion.

– Ça date, dit-il d'un ton rassurant. C'était juste avant notre première année...
– Sur le Chemin de Traverse, compléta Mona. Oui, je m'en souviens.
– Tu étais la première fille de notre année que je rencontrais.

Et vu que c'était la première, tu t'es dit que tu allais développer tes premiers sentiments amoureux pour elle.

L'hôtesse leur apporta les cartes, qu'ils examinèrent en silence.

– Tu as choisi ? demanda Gaïden après un long moment.
– Oui.

Il fit signe au serveur, qui prit leur commande.

– Donc, reprit Gaïden lorsqu'ils furent de nouveau seuls. Que fais-tu depuis la fin de Poudlard ?

Rien, elle s'emmerde, elle vole les Moldus, elle s'emmerde, répare des meubles avec la magie, elle s'emmerde, voit ses copines, s'emmerde, copule avec son voisin de palier, s'emmerde, assiste à des mariages, s'emmerde, voit sa famille, s'emmerde en voyant sa famille...

– Rien de très palpitant, répondit Mona. Et toi ?

Elle se mordit la langue en voyant le sourire de Gaïden s'évanouir.

– J'ai fait de nouvelles rencontres.

Voldemort en personne. Sacrée rencontre, en effet.

– Et... tu as des nouvelles des autres élèves de notre promotion ? demanda-t-elle, la voix plus aiguë.

Mauvaise question. La plupart ont fait de nouvelles rencontres, eux aussi.

On leur apporta leurs plats principaux, car ni l'un ni l'autre n'avait pris d'entrée.

– Ils vont bien, répondit-il vaguement. Je les vois de temps en temps, hormis Grace et toi.
– On reste entre filles, dit Mona avec un faux sourire.

Entre non-Mangemorts, surtout.

Ils mangèrent en silence jusqu'à la dernière bouchée.

– Et Regulus ? demanda Mona alors que leurs assiettes étaient retirées. Tu l'as vu avant qu'il disparaisse ?

Gaïden s'essuya longuement la bouche avant de répondre.

– Oui, je l'ai vu au début du mois de juillet, juste après Poudlard, dit-il.

Il marqua un temps d'arrêt avant de reprendre.

– Beaucoup pensent qu'il a fui la guerre, ou encore que Sirius l'aurait assassiné.
– Je ne pense pas, lâcha Mona avant d'avoir pu s'en empêcher.

Gaïden redressa la tête vers elle, la scrutant avec un regard neuf.

– Tu ne savais pas que c'était moi qui te rejoindrais ? demanda-t-il.
– Non, avoua Mona. Ma mère m'a fait la surprise.

La Magda a une drôle de conception des surprises à faire à sa fille.

– Ma mère m'a demandé de venir, espérant qu'avec toi je m'assagirais, dit-il. Que j'aurais une vie plus... calme.

Mona ne répondit pas.

– Elle ne sait pas qu'être associé, de près ou de loin, à une Moon, ce n'est pas une idée judicieuse de nos jours, ajouta-t-il.
– Pardon ? fit-elle, surprise.
– Tu ne sais pas ? demanda Gaïden, réellement étonné.
– Quoi donc ?

Gaïden ouvrit la bouche pour répondre, mais se figea soudain. Une grimace de douleur tordit son visage. Mona recula instinctivement, laissant sa baguette glisser de quelques centimètres hors de sa manche. Elle aperçut alors Lucius Malefoy, assis à une table voisine, lui aussi en proie à la même souffrance.

– Je vais devoir t'abandonner, dit Gaïden après quelques instants. Dommage, nous n'aurons pas eu le temps de goûter au dessert.

Le sang de Mona se glaça alors que Gaïden se levait précipitamment. Allait-il payer l'addition ? Mona n'avait pas les moyens de régler le restaurant.

– J'ai passé une excellente soirée, dit-il en repoussant sa chaise sous la table. J'espère avoir été un convive agréable.
– Tu peux rassurer ta mère, répondit Mona. Tu as été un parfait gentleman.

Elle accentua légèrement le dernier mot, espérant qu'il se souviendrait de l'addition.

– Oui, dit-il. Merci. Je vais justement m'occuper de la note.

Mona retint un soupir de soulagement et lui tendit la main. Gaïden la saisit pour lui faire un baise-main, puis s'éloigna rapidement en direction de l'accueil. Mona resta plantée debout quelques secondes, vérifiant qu'il réglait bien la note. Une fois qu'il quitta le restaurant, Mona balaya la salle du regard. Narcissa Black observait elle aussi la porte par laquelle Lucius venait de partir. Ses yeux trahissaient une certaine tristesse. Elle croisa le regard de Mona, et les deux femmes échangèrent un sourire poli.