Chapitre 165 : 1979 : Boudin de porte
Jour 5
Un réveil strident tira Mona de son sommeil. Elle tâtonna dans l'obscurité pour l'éteindre. Un instant plus tard, Brad se levait. Mona profita de son absence dans le lit pour s'étaler un peu plus.
Pourquoi était-elle encore toute nue ? Quelqu'un pourrait au moins me prévenir dans ces moments-là !
– Ne te rendors pas, petite Momo, lança Brad en enfilant maladroitement un pantalon. Toi aussi, tu travailles.
– Ah oui, c'est vrai, murmura-t-elle sans ouvrir les yeux. J'avais oublié.
Il lui fallut de longues secondes pour enfin émerger, Brad était sous la douche lorsqu'elle lui annonça qu'elle rentrait chez elle pour se préparer. Après quelques larcins à l'épicerie en bas de chez elle, Mona rejoignit le placard à balai au rez-de-chaussée. Sa deuxième matinée de travail lui parut aussi angoissante que la première. Mona avait pris le temps de faire quelques tentatives magiques d'enfoncement de clou moldu, sans succès. Elle se dit que Rogue pourrait sûrement l'aider jusqu'à ce qu'elle se souvienne qu'elle avait dû abandonner Rogue aux mains de Brad la veille.
Vers midi, la boutique ferma brièvement pour la pause déjeuner. Mona hésita à interrompre son travail pour rejoindre Kathy. Incertaine, elle continua à empiler des boudins de tissu sur les étagères. Tout en les manipulant, elle se demanda à quoi ces objets servaient.
Je pourrais faire une blague, mais vous me trouveriez encore pervers.
« Chien de porte », c'était ce qu'il y avait d'inscrit sur le papier carton attaché à l'objet. Mais cela n'aidait pas beaucoup Mona. Ce boudin en tissu était-il destiné à être suspendu à la poignée de la porte ? Non, cet objet fluorescent et encombrant avait forcément une utilité. Mona finissait toujours par comprendre à quoi servaient les objets les plus imposants du magasin. Par chance, quelques clients semblaient aussi dubitatifs qu'elle devant certains objets. La faute au design des années 70 selon Kathy. D'ailleurs, la jeune moldue approchait de Mona et pourrait peut-être répondre à ses interrogations muettes.
– Te voilà ! lança-t-elle. On va manger ?
– Oui, répondit Mona. Le temps de prendre ma veste.
– Je t'accompagne.
Mona dissimula son malaise. Elle n'avait pas eu le temps de fabriquer de la fausse monnaie moldue. Aux toilettes, elle dut se résoudre à utiliser du papier toilette pour son enchantement. Elle imagina la réaction du serveur lorsqu'il rouvrirait la caisse enregistreuse après que les effets de l'enchantement soient passés.
Si ça se trouve, tu vas le faire virer !
Comme la veille, Mona laissa Kathy passer devant à la cafétéria. Elle prit un plateau, une assiette et des couverts, les faisant glisser sur la rampe.
– Hier aussi, il y avait steak frites au menu, remarqua Mona.
– C'est une cafétéria, répondit Kathy. Ils ne vont pas faire dans l'originalité.
Mona ne répondit pas. Une cafétéria semblait être un sous-restaurant, et le steak frites, un plat sans imagination. Était-ce le mets le plus moldu qui soit ?
– Un steak frites ! annonça Mona à l'homme derrière le buffet.
– La cuisson ?
Mona le regarda sans comprendre.
– Cuit, c'est mieux, dit-elle finalement.
– Un steak bien cuit, annonça l'homme à travers une petite fenêtre derrière lui.
La cuisson ! L'homme lui avait demandé quelle cuisson elle voulait pour son steak ! Évidemment que les moldus ne mangeaient pas de viande crue, ils étaient semblables aux sorciers sur bien des points.
Je te parlerai du carpaccio un jour.
Mona avança derrière Kathy, permettant aux clients de passer leur commande. Quelques secondes plus tard, on tendit à Kathy son assiette de poulet, et Mona récupéra son steak frites. À la caisse, elle hésita avant de tendre son faux billet. Sa culpabilité augmenta encore lorsqu'on lui rendit la monnaie. Elles s'installèrent à une table.
– Ma mère t'a fait des compliments, dit Kathy. Elle m'a même félicitée en disant que je n'avais pas exagéré ton talent. Pour une fois que je ne faisais pas les choses de travers.
Paniquée à l'idée d'en avoir trop fait, Mona ne perçut pas le ton amer de son amie.
– Je connais juste deux ou trois astuces, répondit-elle en rougissant.
– Ma mère était épatée, ajouta Kathy. Elle trouve que les produits que tu renvoies en rayon ont l'air neufs.
– Je me suis occupée des choses simples jusqu'à présent, tenta Mona. À partir de maintenant, je serai sûrement moins performante.
– Évidemment, fit Kathy en engloutissant une bouchée de poulet.
Lorcan ? Que fais-tu dans ce corps ?
– Comment ça se passe avec tes parents ? demanda Mona. L'ambiance est toujours aussi tendue ?
– Non, répondit Kathy. Maintenant que je connais la boutique, je n'ai plus besoin de leur parler, alors je les évite. Depuis qu'ils ont arrêté de me faire des reproches toutes les demi-heures, je commence à les apprécier. Mon père, encore plus depuis qu'il est coincé à la maison.
– Ils attendent sûrement plus de toi que des autres vendeuses, suggéra Mona.
– Oui, fit Kathy. Ils devraient s'estimer heureux que je ne hurle pas sur les clients qui m'agacent. Enfin... pas toujours. Ou alors, ils ne m'entendent pas.
Ouh la vilaine !
– Ils ne réalisent pas tes efforts, ajouta Mona en souriant.
– Non, les ingrats !
L'après-midi, Mona travailla avec Gary. Armée d'une étiqueteuse, elle devint rapidement experte dans l'art d'étiqueter les produits. En fin de journée, elle récupéra un canapé, un objet qu'elle ne pouvait réparer sans que la magie ne soit évidente. Elle prétendit que quelqu'un viendrait l'aider pour le récupérer et le transforma à la taille d'un dé à coudre avant de filer en vitesse. En transplanant dans le placard à balai, Mona se sentait encore plus épuisée que la veille. Elle n'aspirait qu'à une chose en cet instant : se coucher dans les bras de Brad.
Quand je pense que j'honore ce voleur de fleur d'un jeu de mots. Je suis bien magnanime.
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Un jour, Mona Moon sera une rebelle
FanfictionQui a envie de lire l'histoire d'une gamine pas très drôle, pas très intelligente, pas super canon, pas très causante, pas très spirituelle et sans aucune ambition ? Non, sérieusement, ça vous tenterait, vous ? Quoique, c'est peut-être ça le truc...