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Il se demandait comment il allait réagir. Certains personnes trouvaient cela sympa de vivre sur un bateau, mais pour d'autres c'était du grand n'importe quoi. À en juger par le sourire qui se dessina sur ses lèvres, il appartenait au premier groupe. Il avait une très jolie bouche. Repensant aux photos que lui avait envoyés le frère du jeune homme, Livai en conclut qu'il avait renoncé apprendre soin de la peau, ainsi qu'à tout les jeunes hommes font.

-Ça doit être chouette, dit-il.

-Exit les racines ! lança-t-il un peu par provocation, car c'était justement ce que bien des hommes lui reprochaient.

Mais quel besoin avait-il de le sonder sur la question ?

-Exit les liens ! rétorqua-t-il gaiement, du tac au tac.

Tiens ! En voilà un qui a l'air de trouver ça bien, songea Livai, un peu étonné.

-Il y en a un, quand même, auquel je tiens, précisa-t-il.
Tout les deux mois environ, je vais rendre visite à ma mère.

Il n'arrivait pas à croire qu'il avait osé lui parler de sa mère.
Certes, ce genre de confidence le faisait généralement monter dans l'estime des hommes qu'il cherchait à séduire et avait en outre l'avantage d'être vrai. Mais ce jeune homme était le frère de son client, rien de plus. Il ne l'intéressait qu'à ce titre. Peut-être aurait-il été attiré par celui qu'il avait été, songea-t-il en repensant aux photos. Mais, tel qu'il le voyait aujourd'hui, il ne lui faisait ni chaud ni froid.


Je suis vraiment un pauvre type, se dit-il en soupirant intérieurement.

Il fallait qu'il soit tombé bien bas pour oublier l'un de ses grands principes : ne jamais se fier aux apparences.

-Où habite votre mère ?

-Loin de la mer. A Spokane.

-En bateau, ça ne doit pas être évident.

-Je prends le car.

Il tiqua, et il se demanda si c'était parce qu'il avait ravivé en lui le souvenir de sa fuite, en car et en pleine nuit. En tout cas, il passa vite à autre chose.

-Vous en auriez besoin pour combien de temps de ce poste d'amarrage ?

-Une semaine ou deux. J'ai tout l'entretien du bateau à faire. J'aurais déjà dû m'en occuper avant.

Sa mission était pour ainsi dire terminé. Il ne lui restait plus qu'à informer son client qu'il avait retrouvé son frère. Mais Livai n'était pas pressé de partir. Il se plaisait bien à Port Murphy. C'était tranquille, et le front de mer avait beaucoup de charme.

-Vous en connaissez un ? demanda-t-il, car il gardait le silence.

-Peut-être. Mais le propriétaire est méfiant. Il ne voudra rien entendre tant qu'il n'en saura pas un peu plus sur vous.

-Sur moi ? Mais quel mal pourrais-je lui faire ? Il n'a strictement rien à craindre de moi.

-Ça, c'est vous qui le dites. Il ne vous croira pas sur parole.

-A qui se fiera-t-il, alors ?

-A moi, bien sûr.

Livai se carra sur son siège. Assis sur son tabouret, il était pratiquement à la même hauteur que lui, debout derrière le comptoir. Il fallait qu'il se tienne droit, comme sa mère le lui avait si souvent recommandé. Il posa ses coudes sur le comptoir.

-Il vous fait confiance, si je comprends bien ?

-Absolument.

Intéressant, songea-t-il. Qui était cet homme dont il s'était fait un ami en l'espace de quelques mois ? Livai savait depuis combien de temps il était à Port Murphy. Il avait commencé les recherches à Seattle et craint qu'il ne se soit terré quelque part en banlieue ou mêlé au demi-million de citadins que comptait la ville elle-même. Par acquit de conscience, sans trop y croire, il avait cependant enquêté à la gare routière.

Identité secrète.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant