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-Vous semblez bien sûr de vous, fit-il.

-Depuis le temps, j'ai l'habitude.

-Ah ! Vous avez donc... grandi ici ?

C'était la première fois qu'il lui posait une question un peu personnel. Il avait hésité, aussi veilla-t-il à répondre d'un ton naturel et enjoué.

-Pas ici, mais juste en face. Pas si loin que ça, donc.

-Vous voyez bien que vous avez des racines. C'est juste que les vôtres sont un peu plus étendus que celles de la plupart des gens.

Il battit des paupières. Ouvrit la bouche. La referma. Fixa le jeune homme. Et finit par recouvrer l'usage de la parole.

-Je n'y avais jamais pensé. Mais vous avez raison. J'aime cette région. Il a ses défauts mais je ne me verrais pas vivre ailleurs.

-Pourquoi votre mère est-elle allée vivre à Spokane, alors ?

-Elle en a eu assez de la pluie. Quand j'étais à Wazoo, pour mes études, elle venait me voir de temps en temps. Il faisait trop chaud pour moi, mais à elle, ça lui allait très bien, quitte à supporter un hiver plus rigoureux. Du coup, elle a pris sa retraite là-bas.

-Elle ne s'est jamais... remariée ?

-Non.

Pixis arriva avec un immense plateau garni de saumon fumé, de patates douces (Sasha en patate) 😂 cuites au four, d'un assortiment de fromages, de crackers et de pomme que Livai supposa être celles de son verger.

-Il faudrait que je lui présente Pixis. Ça la déciderait peut-être à revenir, malgré la pluie.

-Ça déciderait qui ? demanda Pixis, qui ne savait pas de quoi il parlait.

-Ma mère. Elle prépare toujours la même chose à manger : du bifteck et des pommes de terre à l'anglaise. C'était ce que mon père préférait.

-Un grand classique, dont je vous propose ce soir une version plus sophistiquée.

Livai se mit à rire. Tandis qu'ils prenaient place autour de la table, il déclara :

-Elle aimerait sûrement apprendre à cuisiner comme ça.

-Vous devriez donner des cours de cuisine, Pixis, suggéra Ren, qui ne plaisantait qu'à moitié.

-Pensez-vous ! Personne ne voudrait prendre des cours avec un vieux schnock comme moi.

La fourchette à la main, Livai, qui se régalait, s'empressa de le détromper.

-Qu'ils goûtent d'abord, et vous verrez s'ils ne s'inscrivent pas !

-C'est une excellente idée, renchérit Ren. La prochaine fois que le club de jardinage se réunit, vous pourriez vous charger du déjeuner et montrer vos talents aux adhérents. Vous risquez d'avoir une trentaine d'élèves d'un coup.

Livai n'en revenait pas de la vitesse à laquelle le jeune homme avait réagi. À partir d'une simple suggestion, il avait élaboré un projet qui tenait la route. Jaeger lui avait dit qu'il avait souvent aidé Jean à collecter des fonds mais Livai n'aurait jamais pensé qu'il avait un sens des affaires aussi aiguisé.

Identité secrète.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant