Parti 6

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-C'est une amarre formidable, dit Livai.

-Oui, approuva Ren en le regardant attacher son bateau avec une dextérité que seule une longue pratique avait pu lui conférer. Vous avez un joli bateau. Pixis m'a dit qu'il appartenait à votre père.

En le voyant sursauter, il comprit qu'il venait d'aborder un sujet sensible.

-En effet, répondit-il d'un ton contraint.

-Je suis désolé. Je sais ce que c'est que de perdre un être cher.

Il savait par Pixis que le père de Livai était dans la police et qu'il était mort dans l'exercice de ses fonctions.
D'une certaine façon, ça l'avait rassuré d'apprendre que son père avait été un type bien. Rien ne prouvait, bien sûr, que le fils ait suivi le même chemin. S'il prenait l'exemple de sa famille, son frère, Thom, avait été son héros mais leur père les avait abandonnés quand ils étaient adolescents et, bien qu'il ait eu ses raisons et que depuis beaucoup d'eau ait coulé sous les ponts, cette blessures le faisait toujours souffrir.

-C'est chouette que vous l'ayez récupéré et que vous en preniez soin en souvenir de lui, dit-il en regrettant de ne pas posséder quelque chose qui appartenait à Thom.

Livai se figea et le dévisagea quelques instants sans rien dire. Il devait se demander ce qu'il lui prenait. Après lui avoir battu froid, voilà qu'il lui faisait des compliments !

-Je me donne un mal de chien pour qu'il soit dans l'état où il voulait toujours qu'il soit.

-C'était un perfectionniste si je comprends bien ?

-Quand il s'agissait de son bateau, oui.

Il avait l'habitude de ce genre d'individus. Ils étaient souvent invivables.

-Pixis prétend qu'un bateau est un gouffre dans lequel on engloutit beaucoup d'argent et beaucoup de temps, et même sa vie entière, si on n'y prend garde.

-Est-ce la raison pour laquelle il n'en a pas ?

-Oui. Il en avait un autrefois mais il l'a revendu pour acheter plus petit, puis encore plus petit, pour finir aujourd'hui avec un Christ-Craft dont il se sert pour la pêche.

Livai jeta un coup d'œil au bateau en fibre de verre échoué sur la plage, tout près de l'amarre.

-C'est un canot de ce genre qu'il me faudrait. Ça m'éviterait de ramer, dit-il.

-Ramer est bon pour la santé.

-C'est ce que je n'arrête pas de me dire.

-Il faut croire que c'est vrai. Vous êtes en forme.

Il eut l'air surpris. Il aurait pourtant pu difficilement ne pas remarquer. Certes, ce n'était qu'une de ces étiquettes qu'on collait aux gens de manière un peu simpliste. Il y avait les timides, les chauffards, les excités. Mais il aurait fallu être aveugle pour ne pas voir qu'il était musclé. Ramer lui avait drôlement développé les épaules.

-Oui, je n'ai pas trop à me plaindre.

Comme il fixait un point derrière lui, il se retourna et vit Pixis sortir de sa maison et se diriger vers eux.

-Pixis vit ici depuis longtemps ? demanda Livai.

-La maison appartenait à ses parents, qui la tenaient eux-mêmes de leurs parents. C'était une ferme, à l'époque.

-Ça n'a pas vraiment changé, fit-il en regardant le jardin que cultivait Pixis derrière la maison.

Identité secrète.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant