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Le cottage qu'il lui louait était une dépendance de la maison, une petite grange qu'il avait lui-même transformé en un confortable 2 pièces. Il avait eu de la chance qu'il soit libre et à un prix raisonnable. Le loyer était si modique qu'il soupçonnait Pixis de lui avoir fait une fleur.

-Pour le dîner, j'ai prévu des artichauts farcis et des darnes de saumon, déclara-t-il. Ça vous tente ?

-Et comment ! Tout cela m'a l'air délicieux. J'apporte le vin.

C'était la seule chose qu'il consentant à recevoir de lui en échange de ses invitations. Ils avaient pris l'habitude de dîner ensemble une fois par semaine environ, aussi le jeune homme gardait-il toujours sous la main une ou deux bouteilles.
Pixis était amateur de bon vin mais il n'était pas nécessaire de lui offrir un grand cru pour lui faire plaisir.

-D'accord, dit-il. Je sais que vous avez très bon goût en la matière.

C'est seulement une fois qu'ils eurent dîné, alors qu'ils finissaient une bouteille de pinot grigio qui s'était révélé fort honorable, que le jeune homme se décida à parler à Pixis de l'homme qu'il avait rencontré au café. Il n'était pas sûr d'avoir envie qu'un autre locataire vienne s'installer ici, d'où sa réticence. S'il y avait une chance pour qu'il retrouve un peu de sérénité un jour, c'était ici, chez Pixis, et il n'avait pas besoin qu'un étranger vienne troubler sa tranquillité. D'un autre côté, il savait que cela arrangerait bien Pixis de louer son poste d'amarrage pour une semaine ou deux.
Il n'avait pas le droit de décider pour lui.

-Un client, au café, m'a demandé si je connaissais un mouillage à louer. Il a des travaux à faire sur son bateau et tout est complet, apparemment.

-Oui, ça ne m'étonne pas. La marina est toujours pleine en cette période de l'année, déclara Pixis en le regardant par-dessus la monture de ses lunettes. Vous lui avez parlé de mon emplacement ?

-Vaguement.

Sachant Pixis capable d'accepter juste pour lui faire plaisir, il ajouta vivement :

-Ce type, je ne le connais pas particulièrement. Il est venu 2 ou 3 fois au café, c'est tout.

-C'est un type bien ?

-Je n'en sais rien. J'ai un peu parlé avec lui et c'est vrai qu'il m'a paru sympathique. Cela dit, la première fois que je l'ai vu, je ne sais pas pourquoi mais... j'ai eu la trouille.

Pixis posa son verre en fonçant les sourcils.

-La trouille ? Mais pourquoi donc ?

Il haussa les épaules, regrettant d'en avoir trop dit. A force de se méfier de tout le monde, il en devenait paranoïaque. Si il s'était installé ici, à Port Murphy, c'était justement pour ça. La ville était si petite que tout le monde se connaissait et qu'un étranger était tout de suite repéré.

-Pour rien. Je suppose que ce type est très bien. Je suis prudent, c'est tout.

-Oui, j'avais remarqué, dit Pixis en détendant.

-A vous de voir, reprit-il. Je ne lui ai rien promis.
D'après ce que j'ai compris, ce ne serait pas pour longtemps.
Une semaine ou deux, pas plus.

Pixis le scruta si longtemps qu'il se surprit à retenir son souffle. Pourvu qu'il ne cherche pas à savoir pourquoi je me montre aussi méfiant, songea-t-il, mal à l'aise.

-Il vous a dit ce qu'il avait comme bateau ? demanda soudain Pixis.

-Un bateau à moteur. Un 12 mètres.

-Ça devrait aller.

Il acquiesça, expliquant :

-C'est parce que vous aviez un 12 mètres que j'ai pensé à vous.

-L'emplacement est un peu étroit. Il vaut mieux savoir s'y prendre. Mais s'il a l'habitude, la manœuvre ne devrait pas lui poser de problème.

-Je ne lui ai pas posé de question. Je ne voulais pas lui donner de faux espoirs. Je préférais vous en parler d'abord.
D'ailleurs, je ne lui ai même pas donné votre nom.

Identité secrète.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant