Identité secrète.

Parti 2

Il enleva le badge sur lequel était inscrit (Ren) et le jeta sur la table à côté de ses clés. Le trafiquant auquel il avait acheté de faux papiers d'identité n'avait pas beaucoup de nom à lui proposer. Comme il voulait travailler, il lui fallait en plus un numéro de sécurité social, ce qui rendait le choix encore plus limité. Il avait eu la chance de tomber sur un prénom qui lui était familier. Endosser l'identité de quelqu'un qui était probablement mort ou pas encore en âge de travailler lui avait, cependant, posé un cas de conscience.
Mais, tant qu'il ne percevait aucune prestation, le mal n'était pas bien grand, lui semblait-il.

-Ren !

C'était la voix enjouée de son logeur, Pixis Dot. Il était presque toujours de bonne humeur, à tel point que c'en était presque suspect. Il se demandait si cette gaieté ne cachait pas quelque chose, un fond de tristesse ou de mélancolie, sentiments que lui-même éprouvait souvent. Il avait perdu sa femme 10 ans plus tôt, après 40 ans de vie commune, et ne s'en était toujours pas remis. Il avait dû vraiment beaucoup aimer son épouse pour la pleurer encore après tout ce temps, songea-t-il parfois rêveusement.
Mais il savait que, dans 10 ans, lui-même pleurerait toujours son frère. Thom n'avait pas fini de lui manquer. Tout ce qu'il pouvait espérer, c'était qu'un jour il arriverait lui aussi à combler tant bien que mal le vide qu'il avait laissé dans son existence.
Pixis avait une vie bien rempli qui ne lui laissait guère le temps de s'apitoyer sur lui-même. Il allait de l'avant, vaille que vaille. Compte tenu de la menace qui planait au-dessus de sa tête, pour lui ce serait plus difficile. Il s'appelait désormais Ren Parker (nom inventé) et n'était pas fâché de s'être débarrassé de son ancien patronyme. Il faisait parti de son passé, de cette vie à laquelle il avait définitivement tourné le dos une nuit de tempête. Ren Parker lui plaisait bien plus qu'Eren Jaeger Kirstein.
Un frisson le parcourut tandis que les souvenirs l'assaillaient.
Ce qui s'était passé cette nuit-là ressemblait tellement à un cauchemar qu'il avait encore du mal à croire qu'il n'avait pas rêvé. Il avait couru droit devant lui et, à un carrefour, tandis qu'il attendait que le feu passe au vert, il s'était rendu compte qu'il tremblait comme une feuille et que ses vêtements étaient trempés. Du sang de Thom.
La disparition de celui qu'il avait toujours considéré comme un pilier de son existence, comme un héros, le laissait complètement désemparé. Quand il était petit, Thom s'occupait de lui. Il ne rechignait jamais à partager ses jeux. Plus tard, quand il avait commencé à sortir, il avait tenu son rôle de grand frère, le protégeant des brutes et des mauvais garçons.
Il lui manquait. Pas plus que Pixis n'arrivait à oublier sa chère épouse, il ne parviendrait à oublier Thom. Il le pleurerait toujours.

-Ren ? Vous êtes là ?

Deux coups légers frappés à la porte accompagnaient ces paroles.

-J'arrive ! cria-t-il en allant ouvrir.

Pixis avait soixante-douze ans mais il ne faisait pas du tout son âge. On lui donnait 10 ans de moins. Il était costaud et très dynamique. Ren lui enviait son infatigable énergie. Il s'activait du matin au soir, ce dont temoignaient sa maison et son jardin, remarquablement bien entretenus. Passionné d'art topiaire, il bichonnait les 2 chevaux végétaux qui gardaient son allée. Les arbres fruitiers de son verger faisaient également l'admiration de toute la ville et, comme Pixis cuisinait très bien, il ne laissait jamais rien se gâcher.