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-Pourquoi avez-vous quitté la Californie ?

Ren ne s'attendait pas à une question aussi directe. Ce matin, lorsque Livai était venu le chercher pour l'emmener au café à moto, il avait décliné son invitation. La balade de la veille lui avait plu, pourtant, mais il ne voulait pas prendre l'habitude de se faire conduire au travail. Et puis il avait besoin de marcher.
Livai avait alors obligeamment proposé de l'accompagner à pied. Ils avaient bavardé tout le long du chemin et il s'était senti en confiance jusqu'à ce qu'il revient brusquement à la charge avec cette question. Il s'en voulut d'avoir baissé sa garde.


Quel idiot ! déplora-t-il intérieurement.

-C'est à cause de la chaleur. Je ne la supportais plus.

-Et vos amis ?

Il faillit ricaner. Quels amis ? Il avait perdu de vu ceux qu'il avait avant de se marier, et ceux de Jean n'étaient pas des amis à proprement parler mais des connaissances que Jean avait triés sur le volet. Était éligible toute personne qu'il jugeait digne de briller dans les soirées qu'il organisait.
Toute personne susceptible de lui rendre service un jour.

-Je pense que je ne leur manque pas tant que cela.

-Je n'en crois pas un mot.

-Merci, répliqua-t-il en essayant de ne pas prendre son compliment au pied de la lettre.

Sans doute avait-il dit cela par politesse. Parce qu'il s'y sentait un peu obligé. Sa question n'avait peut-être rien de suspect, finalement. Livai cherchait seulement à lui faire la conversation. Peut-être...

-En dehors de la chaleur, qu'est-ce qui vous a poussé à quitter un endroit aussi paradisiaque ?

Ou peut-être pas, songea-t-il, de nouveau sur ses gardes.
L'insistance de Livai ne lui disait rien qui vaille.

-Oh, vous savez, la Californie, ce n'est pas, ou plutôt ce n'est plus ce que c'était, répondit-il. Je ne regrette rien, croyez-moi.

-Vraiment ? Le ciel bleu, les plages de rêve, les fêtes, les célébrités ; tout cela ne vous manque pas ?

À ces mots, un frisson glacé le parcourut. Il se mordit la lèvre tant il était troublé. Ce qu'il venait de décrire correspondait exactement à la vie qu'il menait là-bas.
Luttant contre la panique qui s'emparait de lui à la moindre alerte et qui - compte tenu des propos de Livai - semblait cette fois parfaitement justifié, il chercha désespérément une issue de secours.
S'il s'était écouté, il serait parti en courant. Mais pour aller où ? Au café ? Ils n'étaient plus qu'à 2 pas du Waterfront, et Livai le suivrait à l'intérieur.
À l'idée de devoir partir pour de bon, son cœur se serra douloureusement. Il commençait à se sentir chez lui, ici. Et Pixis était comme un parrain pour lui et le seul ami qu'il ait eu ces derniers années.

-Je suis sûr qu'il y a là-bas des gens qui seraient contents de vous revoir, poursuivait Livai d'un ton léger.

Il faillit lui crier que oui, qu'il y avait en effet quelqu'un qui serait content de le revoir et qui ne demandait qu'à finir ce qu'il avait commencé.

-Vous n'êtes pas à votre place, ici. Vous devriez briller dans les galas de charité et ce genre de mondanités, ouvert de sequins et de diamants.

Il sentit son cœur s'emballer. Il battait toujours plus vite quand Livai était dans les parages. Mais, cette fois, c'était moins sa présence que ses propos qui le troublaient. Il avait l'air d'en savoir beaucoup plus long sur lui qu'il ne l'aurait dû. Et à cela il n'y avait qu'une explication.
Jean avait fini par le retrouver.

Identité secrète.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant