Parti 4

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Le remords provoque chez les gens toutes sortes de réactions bizarres, songea Livai. Il était bien placé pour le savoir. Des réactions bizarres, il en avait depuis bientôt vingt ans.


Las de ressasser toujours les mêmes pensés, il décida de laisser le passé où il était et de se concentrer sur le présent. Plus précisément sur le jeune homme qu'il était chargé de surveiller. Et qu'il attendait depuis déjà un bon quart d'heure. Du banc sur lequel il s'était assis, a l'abri d'un arbre centenaire, il pouvait admirer la marina et les collines qui se trouvaient derrière.
Il savait qu'il se rendait au café à pied. Il avait entendu un client lui poser la question.

J'adore marcher, avait-il déclaré. De là où j'habite, cela ne fait que 2 kilomètres et demi. Je traverse le parc et longe la marina. C'est beau, tranquille, et...

Sacrément humide, avait renchéri un autre client.

Oui, c'est vrai, avait-il répliqué avec un sourire adorable.
Mais ça ne me gêne pas. S'il ne pleuvait pas, les pelouses ne seraient pas aussi vertes.

Cette façon qu'il avait de positiver avait paru suspect à Livai. S'il faisait les trajets à pied, n'était-ce pas plutôt parce qu'il n'avait pas de voiture ? Il était parti de chez lui avec trois fois rien. D'après son frère, il avait emporté la liasse de billets que son mari cachait dans le tiroir de son bureau. Il y avait un peu moins de mille dollars. Une broutille pour Eren, qui dépensait sans compter. Son frère pensait qu'avec aussi peu d'argent il ne pourrait pas aller bien loin.
Mais, quand sa voiture avait été retrouvé à proximité d'une gare routière, il avait eu l'idée de contacter un détective dans le nord-ouest parce que c'était là qu'Eren et lui avaient passé les meilleurs vacances en famille de leur vie.
Ce Thomas Jaeger était un peu étrange, quand même. Livai s'attendait à une réaction plus enthousiaste de sa part. Il pensait qu'il sauterait dans le premier avion, toutes affaires cessantes.
Il semblait si pressé de retrouver son frère !
Certes, maintenant que Livai avait localisé le jeune homme, il n'y avait plus d'urgence.
Bien joué ! se rengorgea-t-il, fier d'avoir rondement mené sa mission. Ce boulot commençait à lui plaire. Peut-être parce que, cette fois, il avait reçu une avance confortable et qu'il n'aurait pas à courir après sa paie, comme cela lui était si souvent arrivé.
Jaeger était peut-être très pris par ses affaires. De grosses affaires, apparemment. Il payait si bien que Livai avait calculé que ce travail allait non seulement lui rapporter de quoi remettre en état le Peacemaker, mais aussi lui permettre de prendre quelques semaines de congés. Il n'avait vraiment pas à se plaindre. Cette mission avait été un peu fastidieuse par moments, mais elle n'avait présenté aucune difficulté et, surtout, elle ne lui avait pas semblé dégradante, comme les enquêtes qu'il menait d'habitude.
Dans ce métier, il y avait un peu de tout, et quand on avait besoin de gagner sa vie il ne fallait pas faire le difficile.


Encore heureux que tu n'ais pas de loyer à payer, de crédit automobile, d'abonnement au câble, d'homme et d'enfants à nourrir !


Il se leva et fit quelques pas dans la direction opposé à celle qu'avait pris le jeune homme. Comme cela, au moins, il était sûr de ne pas le manquer.

Identité secrète.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant