Identité secrète.

7⃣

Il avait donc repéré qu'il avait une moto. Il n'en fut pas surpris. Il avait remarqué que rien ne lui échappait.

-Absolument, dit-il

-Vous la transportez sur votre bateau ?

Il acquiesça.

-J'utilise une rampe construite exprès pour faciliter le chargement et le déchargement quand le bateau est à quai.
Mettre la moto dans le canot est toujours possible mais, pour ramer, c'est plus compliqué.

Il sourit à cette pensée. Il se détourna et reposa la théière quasi vide sur la plaque chauffante. Puis il entreprit de refaire du thé et du café. Il réfléchissait, hésitant encore à lui faire confiance. Livai aurait bien voulu savoir qui était ce type qui avait un mouillage. Il se demandait pourquoi le jeune homme prenait autant de précautions avant de lui présenter. Était-ce son petit ami ?
Cette question en appelant beaucoup d'autres, il préféra le laisser de côté pour l'instant. Mais il le turlupinait malgré lui. Que lui importait, pourtant, qu'il ait noué une relation sentimental ? Ce n'étaient pas ses affaires.
Il lui fit brusquement face et déclara :

-Je vais en toucher deux mots à mon ami. Peut-être acceptera-t-il de vous rencontrer.

-Merci. C'est très gentil à vous, dit-il d'autant plus chaleureusement que cela semblait avoir beaucoup coûté au jeune homme.

Il était très content de lui lorsqu'il sorti du café. Il avait retrouvé la personne qu'il recherchait depuis des semaines et il était sain et sauve. Il était d'autant plus fier qu'il avait réussi à l'identifier malgré les stratagèmes qu'il avait employés pour ne pas être reconnu. Livai s'imaginait déjà en train d'annoncer la nouvelle à son client. Avec l'argent qu'il allait toucher, il allait pouvoir rembourser ses dettes. Il aurait même de quoi voir venir, ce qui lui éviterait de prendre le premier boulot qui se présenterait.
En fin de compte, il n'était pas si mal tombé. Cette mission l'avait changé de son train-train habituel. Il n'y avait rien de palpitant à traquer un mari volage, à démasquer un fils indélicat ou une fille toxicomane. Retrouver un jeune homme qui avait pris la fuite dans un accès de désespoir et lui amener son frère, qu'il croyait mort 8 mois plus tôt, c'était quand même nettement plus intéressant. Il risquait fort de prendre goût à ce genre d'affaires.
Il se surprit de nouveau à regretter de ne pas pouvoir tout dire au jeune homme. Mais son frère lui avait bien recommandé d'attendre. Il avait expliqué à Livai qu'après ce qui s'était passé, s'il ne l'avait pas devant lui en chair et en os, jamais il ne croirait qu'il avait survécu. De plus, il voulait être là pour voir la tête qu'il ferait lorsqu'il se présenterait à lui. C'était son droit, songea Livai. Après tout, Jaeger était son frère et s'il avait du temps et de l'argent à perdre...
N'empêche que c'était cruel de laisser croire au jeune homme que son frère était mort, tué par son mari, qui avait tiré sur lui à bout portant.