Identité secrète.

15

Spontanément, il demanda :

-Vos lunettes vous servent-elles à voir de loin ?

Il eut l'air de trouver sa question bizarre.

-Pourquoi ?

Il haussa les épaules.

-À cause de la visière, elles risquent de vous gêner. Mais si vous ne pouvez pas faire autrement...

Il hésita longuement. Puis, d'un geste brusque, comme s'il craignait de changer d'avis, il enleva ses lunettes.

Ce qui prouve bien qu'il n'en a pas besoin, songea Livai.

Sans ces grosses lunettes qui lui mangeaient le visage, il était beaucoup mieux. S'il avait choisi une monture aussi peu seyante, ce n'était pas pour rien.
Il enfila le casque et attacha la courroie sans aucune difficulté. Il avait déjà pris le coup de main.
Livai l'imita. Il n'en revenait pas de voir à quel point le jeune homme avait changé en l'espace de quelques mois. Il ne s'agissait pas seulement de son apparence physique, mais aussi de son mode de vie tout entier. Lui qui habitait dans un manoir louait à présent un minuscule cottage, lui qui conduisait une berline dernier cri allait maintenant à son travail à pied, lui qui ne faisait probablement rien de la journée trimait à présent 6 jours par semaine dans un café.
Mais, curieusement, cela n'avait pas l'air de le gêner beaucoup. Il ne se plaignait jamais de son sort.

-On y va ? demanda-t-il.

Le casque bleu roi acquiesça. Derrière la visière, il distinguait mal le visage de Ren, mais il sentait qu'il n'était pas tranquille.

-On fait comme l'autre fois. Si vous avez peur, vous me le dites et on s'arrête. On pique-niquera sur le bord de la route.

À ses yeux, il devina qu'il souriait.

-Comment suis-je censé vous le dire ? demanda-t-il.

Il faillit lui répondre de le serrer plus fort mais se ravisa, jugeant plus prudent de ne pas jouer avec le feu. Le trajet jusqu'au café, avec lui collé contre lui, l'avait mis dans tous ses états et il n'avait pas duré plus de cinq ou six minutes.
Alors que serait-ce cette fois ?
Si ce gamin l'excitait, cela prouvait qu'il n'accordait pas tant d'importance que cela au physique.
Ou alors qu'il était vraiment en manque.

-Tapez-moi sur la tête, dit-il pour répondre à sa question et aussi parce qu'il avait grand besoin que quelqu'un lui remette les idées en place.