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Madeline sursauta alors que son meilleur ami rentrait dans son appartement sans toquer. Il avait l'habitude de venir, vivant plus chez elle que chez lui. Elle ne prit pas la peine de l'accueillir et ce fut lui qui s'avança pour embrasser son crâne comme salutation. Il secoua devant elle les bouteilles d'alcool, un grand sourire sur les lèvres avant de s'asseoir à ses côtés. Il avait mauvaise mine et sa coupe de cheveux réalisée pendant sa dernière ivresse n'accentuait que plus cet aspect. Elle passa une main dans ses mèches qui retombaient sur son front, essayant de le recoiffer au mieux mais rien n'y faisait, elles restaient indisciplinées.

« Il faut vraiment que tu ailles chez le coiffeur, Thomas. » Il ouvrit la bouteille de rhum et leur servit plusieurs shooters, déjà prêts sur la table, toujours prêts. « D'habitude, je te le fais mais là, je suis pas sûre de pouvoir rattraper ça, » Il lui tendit un verre qu'elle but d'une traite, frissonnant tandis que lui n'eut même pas une petite grimace.

« Elle m'a encore lâchée. »

Elle souffla, désespérée. Il était complètement accro à son ex petite amie mais aussi à l'amour avec un grand A. Il courrait après hommes et femmes à la recherche d'un peu d'attention et de confiance en soi. Il l'avait alors trompée pour des personnes sans importance, seulement pour se sentir important. Bien entendu, elle ne lui pardonnait pas mais continuait inlassablement de retourner vers lui pour fuir ensuite. Il sortit un sachet de la poche arrière de son jeans. Il s'y trouvait des petites gélules où il en donna une à Madeline et en prit deux.

« Il faut que je me prépare. »

Elle n'avait pas envie de sortir et encore moins de faire la fête mais elle savait que le cachet ferait son effet et que ça irait. Alors, elle se leva et prit une douche.  Elle se prépara rapidement, enfilant une robe et se maquillant. Elle n'eut besoin que d'une petite demi-heure mais lorsqu'elle arriva, Thomas avait bu la moitié d'une des bouteilles et se tenait la tête entre ses mains. Elle n'avait besoin de voir son visage pour savoir qu'il pleurait. Elle s'approcha lentement et l'enlaça, il enfonça son visage contre son ventre, se laissant aller quelques minutes avant que ses larmes ne sèchent d'elles-mêmes, évaporées par la drogue, l'alcool et l'amour de son amie.

« On va aller danser et ça ira mieux, ok ? » Elle passa une main dans ses cheveux blonds avant de les embrasser. « C'est promis. Ce soir, tu n'auras qu'à dormir ici. »

« T'es sûr ? » Il leva le menton pour la regarder. Il pouvait voir ses pupilles se dilater au fur et à mesure des minutes. Elle hocha la tête et les commissures de ses lèvres se levèrent comme s'il ne venait pas de s'effondrer quelques minutes plus tôt. « Trop bien ! Merci ! » Il la lâcha pour leur servir d'autres verres. « Tu as du retard, il faut que tu boives avant de partir. »

Il n'attendit pas une réponse et lui donna son shooter. Ils trinquèrent tout deux et burent encore et encore jusqu'à ce Madeline lui fasse un signe de refus, la nausée brûlant son estomac. Elle se sentait dorénavant ailleurs comme dans un monde parallèle où elle jouait à la troisième personne, survolant son propre corps et se sentant invincible. Il dut l'aider à mettre ses escarpins pendant qu'elle riait de ses propres pertes d'équilibre. Ils descendirent les escaliers en se tenant fortement à la rambardes, ricanant et trébuchant, l'euphorie transformant leurs actes.
Ils prirent le métro, main dans la main et la tête de la jeune femme sur l'épaule de Thomas. Ils se connaissaient depuis des années parce qu'ils avaient été ensemble au lycée puis avaient pris la même faculté, seulement pour être encore à deux. Ils étaient inséparables, comme un frère et une sœur, et malgré les disputes et les désaccords, ils gardaient ce lien indestructible.

« Si jamais elle est là... »

Elle l'interrompit avant qu'il ne s'enfonce dans un nouveau coup de blues. « Si jamais elle est là, tu viens me chercher et on part. »

Il hocha la tête, entrelaçant leurs mains pour y embrasser le dos. Ils arrivèrent enfin à leur destination. C'était une maison assez rustre, abîmée par les nombreuses locations étudiantes et les fêtes. C'était un squat connu et reconnu depuis des années et c'était rare qu'un jeudi ou un week-end se passe sans que Madeline et Thomas ne viennent. Ils entrèrent à leurs aises et furent salués par plusieurs connaissances. La jeune femme n'eut le temps de se retourner que son ami avait déjà disparu. Elle souffla de frustration, soudainement seule, mais se dirigea vers la cuisine pour se servir. Elle attrapa une bière, certaine qu'un alcool plus fort mettrait fin à sa soirée. Elle chercha du regard un décapsuleur mais n'en trouva aucun. Elle grogna si fortement qu'un homme en fut interpellé.

« Besoin d'aide ? » Elle tourna la tête pour le regarder. Il tenait une cigarette entre ses lèvres mais ses yeux étaient camouflés d'une casquette. Elle baissa les yeux sur sa bouteille et lui tendit. Il sortit son briquet et fit sauter la capsule. « Et voilà. »

« J'ai vraiment besoin d'apprendre à faire ça. » Elle regarda sa bière comme s'il venait de faire un tour de magie. Il en attrapa une pour lui et elle tapota sur le comptoir. « Apprends-moi ! »

Il ria silencieusement, comme un léger souffle, tout en secouant la tête. « Ok ok. » Il lui montra le geste puis la laissa le faire. Cette fois, son rire fut franc alors qu'elle manquait à chaque mouvement de se couper avec la capsule ou de faire tomber la bouteille. Si Madeline n'avait pas été aussi prise par les substances dans son sang, elle aurait sûrement réussi mais à la place, elle abandonna tout en pestant. « Il faut un certain talent. » Il haussa les épaules tout en bombant le torse. « Si t'as besoin, appelle-le pro. »

Elle n'eut le temps de rétorquer face à sa taquinerie que l'hôte de la soirée entrait. Il attrapa la jeune femme pour se coller à son dos, l'enlaçant sans retenue. Madeline le repoussa d'un geste mais il la serra un peu plus pour embrasser son cou. Finalement, il se délia avant de se servir un verre d'alcool. Mathieu s'en alla, se rendant compte qu'il était de trop. Elle le regarda partir, du moins, jusqu'à ce que sa bière mousse toute seule. Elle mit sa bouche sur le goulot pour retenir la catastrophe.

Et tout le reste ne fut qu'un brouillard épais, remplis de larmes, de cris et de peines.

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