Chapitre 12

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-Elsa-

J'étais assise devant le piano depuis un petit moment déjà, à fixer la porte par laquelle était sorti Chad.

Cet abruti avait vraiment fini par m'amuser et ça faisait bien longtemps que je ne m'étais pas sentie aussi légère après une conversation. Sans être bourrée, je veux dire. Comment avait-il réussi à accomplir cet exploit ? J'étais pourtant dans un drôle d'état quand il m'a surpris. 

Même si j'avais honte qu'il m'ait vu comme ça, j'étais presque reconnaissante que le hasard l'ait mis sur mon chemin. Parce qu'il l'avait fait ! Il avait réussi à changer mes larmes en rires. Je souris malgré moi. Il n'avait même pas essayé de comprendre ou de me harceler de questions. Comme l'aurait sûrement fait Aaron.

Et puis, en jetant un coup d'œil au piano, mon cœur se serra. Peut-être que Chad avait réussi à me faire oublier un instant la raison pour laquelle j'avais eu besoin de me retrouver seule, mais je n'y échappais plus désormais.

Au moment de quitter l'hôtel, j'avais croisé mon père et, malgré la discussion assez tendue, de la veille, je m'étais dit que ce serait bien de rentrer tous les deux pour une fois et de partager un dîner ensemble. Animée par un enthousiasme soudain, je l'avais rejoint dans son bureau pour lui révéler mes projets avant qu'il ne m'explique rapidement qu'il avait un rendez-vous d'affaires. Ok, ce n'était pas si grave, surtout que ce n'était pas la première fois qu'on ne mangeait pas ensemble.

Seulement, après ce week-end plutôt intense, j'avais réalisé que ma mère ne comptait pas revenir, que mon petit frère grandirait loin de moi et que, ça je le savais déjà depuis longtemps, je ne comptais plus jamais revoir ma sœur, et donc qu'il ne me restait que lui, mon père, qui ne m'accordait même pas une heure de son temps pour partager un foutu repas.

Conclusion, j'étais bien seule ! Du coup, autant l'être véritablement. Je m'étais enfermée dans cette salle et le piano m'avait attiré comme un aimant. Mon grand-père m'avait toujours dit que ce n'était pas les notes seules qui créaient des mélodies mais que c'était surtout nos émotions. Ce soir, j'en étais intimement persuadée. Quand j'avais joué les notes, la musique m'avait envahi d'une façon telle que j'avais laissé mes sentiments me submerger. Me croyant seule, j'avais laissé toute ma peine déferler sans pouvoir m'arrêter de jouer. Ça m'avait fait du bien, sur le moment, mais là, la douleur était revenue. Elle ne s'était qu'endormie pendant quelques minutes. À présent, je ne pouvais plus retenir mes souvenirs. Toutes les disputes entre mes parents se mêlaient aux bons moments que j'avais passés avec ma famille.

C'est vrai qu'on n'était pas la famille parfaite mais on était bien tous ensemble. Ma mère faisait en sorte de nous réunir tous les soirs autour de la table où on racontait nos journées. Elle arrivait même à obliger mon père à se joindre à nous. C'était le seul moment où on le voyait réellement nous porter de l'attention.

Avec un pincement au cœur, je compris que ça avait toujours été ma mère le pilier de la famille et tout s'était écroulé quand elle avait décidé de s'en aller. Je me demandais quand tout avait commencé. Ce besoin de partir de la maison. Ce besoin d'aller voir ailleurs...

J'écrasai mes doigts sur les notes du piano provoquant un son grave. Pertinemment, je savais aussi que ma mère avait commencé à s'éloigner de mon père quand elle séchait elle-même nos dîners, quelque temps après le décès de mon grand-père. J'étais loin de me douter qu'elle se rendait à un tout autre sorte de dîner... Des dîners romantiques avec son amant...

Je me levai et contournai le piano pour prendre la bouteille de Jack. Je l'ouvris en repensant aux paroles de Chad. Quand était la dernière fois que j'avais été raisonnable ? Ça devait faire une éternité ! J'approchai le goulot à ma bouche en songeant à la façon dont Chad m'avait décrite et j'en eus des frissons. Plus que le fait qu'il ne n'avait pas traité de pauvre fille minable, il avait l'air de ressentir véritablement de la peine pour moi. Ce que je ne comprenais pas. Après tout, il ne me connaissait pas plus que je ne le connaissais.

Perte de contrôleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant