-Chad-
Je regardais ma mère dormir sur ce lit d'hôpital. Les rayons du soleil qui entraient par la fenêtre faisaient ressortir la peau blafarde de son visage creux. Ses paupières vacillaient de temps à autre, sûrement animées par un sommeil agité.
Je frottai mon visage de mes deux mains pour en chasser la fatigue et regardai l'heure. Il était seize heures, déjà. Depuis ce matin, je n'avais pas bougé d'une semelle. J'avais passé mon temps à veiller sur ma mère ou à observer le vieux monsieur sur le lit d'à côté. Quand il s'était réveillé, il s'était contenté de me sourire. J'avais pu remarquer qu'il lui manquait une dent, devant. Pas très élégant. Il s'était ensuite plongé dans sa lecture et ne s'était interrompu dans celle-ci que pour manger avant d'entamer une petite sieste. Je me demandais s'il avait de la famille lorsque je sentis une main se poser sur mon épaule. C'était Nadia avec une tasse de café à la main.
— Tiens, c'est pour toi.
Je la remerciai en prenant le café. C'est tout ce que j'arrivais à avaler tant mon ventre était noué.
— Où est Ness' ? voulus-je savoir.
— Chez moi, avec ma mère. Elle m'a dit que tu devais venir manger à la maison ce soir. Ça ressemblait plus à un ordre qu'à une proposition, donc...
Je souris difficilement. Mon cœur n'y était pas.
— Merci, me contentai-je de dire.
Nadia prit une chaise à côté de moi et regarda ma mère avec des yeux pleins de chagrin. Ses yeux dont je la charriais tout le temps car ils étaient vraiment bridés comme une chinoise alors qu'elle n'était en aucun cas asiatique. J'aurais voulu détendre l'atmosphère en plaisantant sur ça mais je n'en avais pas le courage.
— Alors, qu'est-ce qu'il a dit, le médecin ?
J'avais délibérément caché ce détail devant Nesrine, ce matin. Je n'avais pas voulu l'effrayer. Le cœur serré, je me revoyais devant le médecin dans sa blouse blanche, fixant les stylos accrochés à sa poche. Ça me forçait à me concentrer sur quelque chose et ne pas me laisser submerger par la panique. Il m'avait débité son charabia de médecin avant que je le coupe sèchement pour lui dire que je ne comprenais rien. Il m'avait alors dit ses paroles :
— L'état de votre mère s'est aggravé. Je crains qu'il ne faille commencer un traitement plus fort. Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour la sauver mais il faut que vous soyez préparé au pire...
— Au pire ? Vous voulez dire qu'elle va mourir ?
Je poussais un long soupir, rejetant ce souvenir encore trop chaud dans mon esprit.
— Ça va aller, assurai-je.
— Chad...
Elle me prit la main, les larmes brillaient au fond de ses yeux foncés.
— Je savais depuis longtemps qu'on en arriverait là. Je suis prêt à tout.
— On peut pas être prêt à ça... souffla-t-elle.
Et pourtant je l'étais. Après l'accident de voiture qui avait causé la mort de mon père, les médecins avaient détecté un cancer chez ma mère. J'avais fait des recherches sur Google et j'étais forcé de reconnaître que cette foutue maladie était une merde, une grosse merde ! Je ne pouvais pas me voiler la face. Il y avait de gros risques que cette saleté emporte ma mère à son tour et je ne pouvais rien y faire. Rien. À part continuer à être fort comme mon père l'aurait sûrement souhaité et à m'occuper de ma petite sœur comme le souhaitait sûrement ma mère. Je n'avais jamais abordé ce sujet avec elle et elle n'avait jamais pris les devants pour le faire. Sans doute ne voulait-elle pas gâcher nos moments à parler d'une fatalité.
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Perte de contrôle
Fiksi UmumElsa est la fille de Benjamin Saphyr, grand PDG de la chaîne hôtelière de renommé mondiale. Née avec une cuiller d'argent dans la bouche, elle a tout pour être heureuse. Et pourtant, un jour, sa bulle de bonheur a explosé et, depuis, elle n'a de ces...