Perte de contrôle

Chapitre 33

-Elsa-

Après qu'il eut prévenu ses amis, et récupéré ma veste dans la pièce où nous avions joué au chamboule tout, Chad nous conduit à sa voiture. Alison allait bien rire, en découvrant son épave. Sauf que... la voiture n'était plus cette carcasse bleue sur roues, mais une grosse berline noire reluisante dans la nuit. Je haussai un sourcil de surprise en le regardant ouvrir la portière côté conducteur. Voyant mon étonnement, il sourit, amusé :

— Ce carrosse vous convient-il mieux ?

J'entrai dans la voiture sans faire attention à sa remarque. Quand je m'installai sur le siège passager, je pris la casquette qui était dessus, pour ne pas l'aplatir avec mes fesses. Alison, qui était plongée dans son portable, ne fit aucun commentaire et monta à l'arrière. Alors que Chad démarrait, elle lui indiqua l'adresse de chez elle, puisqu'on avait conclu qu'il serait préférable que je ne rentre pas chez moi cette nuit. Surtout après avoir vu les nombreux appels de mon père... En voulant ranger la casquette dans la boîte à gant devant moi, je me mis à rire.

— Qu'est-ce qu'il y a ? demandèrent Alison et Chad, en même temps.

— C'est vraiment écrit "Chad", sur ta casquette ? réussis-je à articuler, entre deux gloussements. T'as peur d'oublier ton prénom ?

— J'ai surtout peur que t'aies forcé sur l'alcool ! répliqua-t-il.

J'arrêtai de rire.

— Je tiens l'alcool plus que vous ne vous l'imaginez !

J'attendais tout particulièrement une remarque d'Ali, mais elle s'était replongée dans son portable. Chad, lui, était concentré sur la route. Je reportai alors mon attention sur la casquette noire de Chad, dont la visière était blanche. Les lettres étaient cousues en fils blanc sur le devant.

— Je suis sûr que tu l'aimes bien, en fait, dit Chad en voyant que je l'avais toujours entre mes mains.

— Pas trop mon style. Oh, Ali, à qui tu parles, comme ça ? voulus-je savoir, en me rendant compte qu'elle ne quittait pas l'écran de son portable.

Je me tournai vers elle et, enfin, elle releva la tête dans ma direction.

— À Julien. Il voulait savoir où j'étais et il vient de me proposer un dîner.

Je me retournai à nouveau face à la route. Juste le fait d'entendre son prénom me répugnait. En tout cas, il allait tenir sa parole... Malheureusement, cela ne me réjouissait pas, puisque ça voulait dire qu'Ali allait se faire plaquer incessamment sous peu...

— Hum, d'accord, marmonnai-je.

J'entendis presque Alison soupirer de lassitude. Si elle savait ce qui l'attendait à ce dîner... Bon sang, je n'aimais pas lui cacher des trucs, et encore moins quelque chose de si important ! Mais au plus profond de moi, j'essayais de me convaincre que c'était pour son bien. Elle prenait soin de moi et je me devais de faire de même.

Je rangeai la casquette dans la boîte à gant et jetai un coup d'œil à Chad. Je me rappelai alors de notre retour de chez ma mère, lorsque la nuit se couchait et que l'obscurité soulignait les traits saillants de son visage, comme maintenant. Comme s'il sentait mon regard sur lui, il tourna ses yeux vers moi et me gratifia d'un sourire, qui me parut bien réconfortant. J'étais maintenant persuadée que je faisais ce qu'il fallait pour Ali !

Une fois devant la villa immense d'Ali, celle-ci sortit de la voiture et composa le code afin d'ouvrir la grille. Chad s'engouffra dans le domaine, tout en regardant les lumières briller dans les branches des arbres alignés de part et d'autre du chemin, les statues dispersées ci et là, et enfin, la grande villa qui me faisait penser à un temple par ces colonnes colossales qui encadraient l'entrée.