Chapitre 42

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-Elsa-

Après deux jours passés hors de cet hôtel, je ne ressentais pas le besoin d'y remettre un pied. Mais voilà, j'étais à la veille de mon anniversaire, et je devais parler à mon père concernant mon compte bancaire. Je ne savais pas vraiment pourquoi j'avais choisi ce moment pour venir, mais je m'étais dit que plus tôt ce serait fait, plus tôt je serais fixée.
Soit il me rendait mon argent et il me laissait choisir ce que je voulais faire, soit il ne me le rendait pas et... Et quoi ? C'était bien là le problème. Je n'avais aucune idée de ce que j'allais faire, s'il ne me rendait pas cet argent. Travailler pour lui, toute ma vie ? Ou commencer une autre vie ? Je ricanai, me faisant sûrement passer pour une folle devant un couple de clients. Comme si je pouvais juste partir comme ça, sans rien dans les poches. Je n'étais pas si stupide que ça. J'étais même complètement réaliste à ce sujet, je n'arriverais pas à survivre sans ma dose de dépense quotidienne.

En repensant à ces deux jours, je ne pus que constater que ce n'était que la stricte vérité. Avec Livia, on avait dévalisé les boutiques, mangé dans les meilleurs restaurants, pris soin de nous dans un spa, après avoir fait un peu de sport. Je ne me voyais pas me priver de tout ça. Même si je savais que ce n'était pas vital, ça me faisait trop de bien pour abandonner. Et la preuve, je me sentais plutôt bien là, même si je comptais me confronter à mon père.

Peut-être qu'il s'agissait du fait d'avoir retrouvé ma sœur. Quoi que, je savais qu'on n'allait jamais retrouver notre relation d'avant. Mais peut-être que j'avais vraiment aimé passer du temps avec elle, même si j'avais aussi ressenti comme un malaise. Pour commencer, il était difficile de reprendre comme si rien ne s'était passé, et je n'étais pas prête à me confier, à lui raconter mes histoires... Et de toute façon, si je lui racontais mes soirées, je doute que cela la réjouisse. Et puis, après tous ces mois, on avait toutes les deux changé, abîmées par les événements.

Moi, je n'étais plus aussi causante qu'avant tous ces départs chez moi. J'avais l'impression que l'époque où je la suivais partout en lui cassant les oreilles avec mes histoires était loin derrière nous. Qu'est-ce qu'il restait comme conversation maintenant, de toute façon ? Une mère absente, un père difficile, le manque d'un petit frère, des soirées à n'en plus finir, des garçons qui ne comptaient pas, un choix limité concernant mes futures décisions. Ce n'était pas trop réjouissant, valait donc mieux se taire.

Quant à elle, je voyais bien qu'elle essayait de paraître heureuse, de sourire et de plaisanter mais tant de fois, j'avais vu une ombre passer sur son visage, tant de fois elle était ailleurs, sûrement perdu dans ses pensées ou juste dans le vide. À ces moments là, je voyais à quel point elle était brisée, à quel point elle n'était plus celle que je connaissais.

On avait pourtant réussi à faire semblant que tout allait bien, et même à imaginer que mon anniversaire allait être une bonne soirée. 

En réalité, je sentais que ça allait être un désastre !

J'arrivai devant la porte du bureau de mon père. Elle était imposante, noire et rayée de bandes blanches, quand j'entendis une voix de femme. Je m'arrêtai net et m'approchai prudemment. La porte était entrouverte, mais je n'osais pas entrer.

— ...savais que cette relation n'aboutirait à rien, disait mon père.

— Peut-être que les choses ont changé.

Oh mon dieu, Mme Mathis ! Que faisait-elle dans le bureau de mon père ? Quelque chose me disait que je devais partir et le plus vite serait le mieux, mais la curiosité prit le dessus.

— Tu es mariée, répliqua mon père.

— Ça ne t'a pas arrêté jusqu'à maintenant.

J'entendis un raclement de voix, suivi d'un froissement de feuilles puis mon père reprit :

Perte de contrôleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant