Perte de contrôle

Chapitre 28

-Chad-

Après avoir terminé les tâches que M. Gordon m'eut données plus tôt, je sortis enfin de l'hôtel et rejoignis ma voiture. Une 206 bleue qui, malgré son allure, une porte arrière enfoncée et des griffures non négligeables sur la carrosserie, roulait très bien !

Une certaine anxiété me prit alors que je m'installai au volant pour aller chercher ma mère à son travail. Je me maudissais de l'avoir laissé faire ! Elle était malade et elle continuait à vouloir travailler ! J'avais bien vu qu'elle avait caché certaines lettres dans un tiroir du meuble du salon alors que j'y entrais. En m'arrêtant à un feu rouge, je me demandais ce que ça pouvait être. Sûrement des factures. J'en étais presque sûr. Et cela expliquait son besoin acharné de vouloir travailler !

J'écrasai la pédale d'accélération furieusement. Je pouvais très bien payer ces foutues factures ! Après tout, si je travaillais, ce n'était pas pour rien ! Et puis, si cela ne suffisait pas, je pouvais toujours arrêter le stage et accumuler un deuxième travail.

Je soupirai. Ma mère n'avait jamais voulu qu'on l'aide. Elle avait toujours voulu se débrouiller seule et nous voir, Nestine et moi, profiter de la vie et ne manquer de rien. Sauf que je n'étais plus un enfant, maintenant ! Je comprenais qu'il y avait d'autres priorités que de m'acheter une nouvelle paire de baskets ou la dernière console. Je comprenais très bien qu'il faille abandonner l'école pour gagner de l'argent. Or, ma mère ne me laisserait jamais faire une telle chose. Elle se sacrifierait jusqu'à son dernier souffle. Sauf que là, c'est moi qui ne la laisserais pas faire. Il fallait qu'elle se repose et qu'elle me laisse m'occuper de notre famille. J'étais l'homme de la maison, maintenant.

Ma mère travaillait dans une entreprise de produits de beauté. Ça aurait pu être très glamour, si elle n'était pas debout toute la journée, face à un tapis qui recrachait les produits auxquels elle collait les étiquettes.

Je me garais sur le parking, au milieu d'une horde d'autres voitures, et attendis patiemment son arrivée en réfléchissant à ce que j'allais lui dire.

Enfin, je vis les portes de l'usine s'ouvrir et un attroupement de personnes en sortir, dont ma mère. Elle avançait vers le parking en discutant avec une de ces collègues de travail. Je la voyais agiter ses mains de temps à autre tout en avançant tranquillement vers la voiture, sûrement animée par la conversation. Ma mère était de nature à prendre son temps.

Lorsqu'elle entra sur le parking, elle dit au revoir à sa collègue tout en me montrant du doigt et me rejoignit un peu plus rapidement.

Elle semblait plutôt bien aujourd'hui. Ses traits, bien qu'ils aient pris un coup de vieux à la mort de mon père, semblaient être détendus et un sourire ne quittait pas son visage. Cela me fit oublier mon inquiétude. Cependant, je comptais bien lui demander d'arrêter son travail tout de même.

— Tu n'avais pas besoin de venir, me reprocha-t-elle en s'asseyant à côté de moi.

Autrement dit, elle ne voulait pas m'embêter avec ça.

—Si, répondis-je tout simplement en enclenchant la première.

Elle ouvrit le clapet au-dessus de sa tête pour se regarder dans le petit miroir et arrangea son chignon qui partait dans tous les sens.

Depuis la mort de mon père, je ne l'avais jamais revu maquillée ou même les cheveux détachés. Ni en robe, d'ailleurs, alors qu'elle en mettait souvent avant. Aujourd'hui encore, elle s'était contentée d'un simple t-shirt noir, d'un jean et de baskets. Elle avait aussi banni les talons. Même si ma mère restait la plus belle à mes yeux, je trouvais dommage, qu'elle ne prenne pas le temps de prendre plus soin d'elle. Mon père n'aurait sans doute pas aimé qu'elle se lâche ainsi.