I - Chad

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Vite ! Vite ! Vite ! En courant, je traversai la cour de récréation, contournai le toboggan et passai sous l'abri avant d'atteindre la porte de l'établissement. Toujours d'un pas pressant, je traversai les couloirs, saluant les institutrices et ATSEM que je rencontrai sur mon chemin. Lorsque je vis le blouson bleu sur le porte-manteau, je l'attrapai et me dirigeai vers la salle de classe. En jetant un coup d'œil à l'intérieur, mon regard se porta directement sur Kelio. Je souris immédiatement. Voir mon petit garçon après une journée de travail me faisait toujours cet effet. Comme si rien d'autre au monde ne comptait. Rien d'autre que son petit sourire qui lui gonflait les joues, son regard concentré sur la voiture avec laquelle il jouait, ses petites mains qui la poussaient avec précision sur le tapis représentant les routes d'une ville. Même couché, la tête sur un bras, à la seconde où j'étais apparu dans la chambranle de la porte, il m'avait capté. Il leva aussitôt ses yeux dorés vers moi.

— Papa !!!

Il lâcha son jouet et se précipita vers moi, attirant l'attention de sa maîtresse qui avait la tête dans des documents.

— Je suis vraiment désolé, m'excusai-je alors qu'elle se levait de son bureau.

J'attrapai Kelio au vol et le serra dans mes bras avant d'embrasser sa joue.

— Ne vous inquiétez pas, M. Sayad.

Elle vint vers moi en souriant, tout en enfilant sa veste. Je me sentis gêné. Je l'avais sans nul doute retenu alors qu'elle avait à faire.

— J'étais en réunion et je n'ai pas vu l'heure passer, m'expliquai-je en sortant le bonnet de Kelio de la manche de son blouson.

— Oh, je comprends. Ce n'est rien, j'avais quelques dossiers à revoir. Mais en parlant de réunion, je vous rappelle que celle du conseil est la semaine prochaine.

Ah oui ! J'avais carrément oublié ! Entre le taf et Kelio, j'avais déjà bien à faire, il avait fallu que je me présente comme délégué de parents d'élèves. En même temps, la scolarité de mon fils était aussi une chose qui m'importait beaucoup.

— Oui, ne vous en faites pas, j'y serais. C'est pour la coopérative, c'est ça ?

— Entre autres, oui, me sourit Mme Ansone.

Elle s'entoura d'une épaisse écharpe puis baissa les yeux sur Kelio qui prenait la parole.

— Laisse, papa, je vais faire tout seul ! me dit-il alors que je m'apprêtais à lui enfiler son vêtement.

Je haussai un sourcil puis sourit. Chaque jour, mon petit bonhomme me rendait fier. Il grandissait beaucoup trop vite.

— Bien...

— Eh oui, M. Sayad, c'est un grand garçon que vous avez là !

Je le regardai mettre son blouson et tant bien que mal, il y arriva. Pour moi, c'était comme s'il venait de gravir l'Everest !

— T'as vu ! J'ai réussi tout seul !

Je le pris dans mes bras pour que nos regards se croisent.

— Je suis fier de toi !

— C'est très bien, Kelio ! Bientôt, c'est tes chaussures que tu arriveras à mettre tout seul ! l'encouragea la maîtresse.

Kelio lui sourit, fier de lui. Je recouvrai ses cheveux de son bonnet. D'ailleurs, faudrait que je l'emmène au coiffeur. Dès qu'ils prenaient quelques centimètres, ils avaient tendance à faire de légères ondulations. Ma mère trouvait ça mignon.

— Bon, tu dis au revoir, bonhomme !

— Attendez, je vais vous raccompagner. Laissez-moi juste fermer ma salle de classe, me proposa la maîtresse de Kelio tout en s'exécutant.

Perte de contrôleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant