Un jour, Mona Moon sera une rebelle

Chapitre 173 : 1979 : Le monde figé

Chapitre 173 : 1979 : Le monde figé

Elle s'assit sur son nouveau canapé rafistolé. Après quelques secondes d'ennui, elle attrapa son calepin où elle avait noté tous les sortilèges qu'elle et Rogue avaient inventés ces dernières années. Le cahier était rempli jusqu'à saturation : le moindre espace blanc avait été gribouillé, les marges noircies, et même les couvertures intérieures étaient couvertes de notes.

Mona sourit en songeant qu'elle allait devoir en acheter un autre. Peut-être serait-il judicieux de tout recopier au propre avant que ses souvenirs ne s'effacent. Elle tomba sur les pages consacrées au levicorpus. Elle avait été minutieuse : les notes débordaient de détails.

Alors qu'elle se remémorait le savon que Rogue lui avait passé après que James lui eut jeté son propre sortilège, on frappa à la porte.

Mona hésita un instant, se demandant si Brad, incapable de supporter la séparation, avait fait demi-tour. Mais ce n'était pas le son habituel de son « toc-toc ».

Ça sent mauvais. Tous les ans, il t'arrive un truc du genre « Pendons-nous tous en chœur », et je crois bien que ce coup-ci, c'est pour maintenant.

Elle ouvrit la porte, la main prête à dégainer sa baguette à la moindre alerte.

C'était Lily.

Mona poussa un soupir de soulagement, mais elle vit aussitôt les yeux humides de son amie. Sans un mot, elle ouvrit davantage la porte pour la laisser entrer.

– L'Ordre surveille une maison, commença Lily sans préambule. Nous étions discrets, et nous faisions ça à tour de rôle. Deux par deux. Ce midi, c'était James et Remus qui s'en chargeaient, puis Fabian et Gideon ont pris le relais.

Mona ne comprenait pas. Ou plutôt, son esprit refusait de comprendre. Lily s'apprêtait à dire des choses qu'elle ne voulait surtout pas entendre. Le monde devait s'arrêter, se figer, maintenant.

– Ce soir, nous avions une réunion chez ta grand-mère. Elle nous prête sa maison à l'occasion, poursuivit Lily, la tête basse. J'y suis allée et Meredith Prewett était encore là, alors qu'elle ne devait plus s'y trouver. Fabian et Gideon auraient dû prendre sa place.

De grosses larmes roulèrent lentement sur les joues de Lily. Il n'en fallut pas plus pour déclencher celles de Mona.

– Un autre membre de l'Ordre est arrivé juste après, continua Lily. Il a donné l'alerte pour Fabian et Gideon. Moi, je suis partie vérifier que James et Remus allaient bien. Ils devaient mettre en place des protections contre Waha autour de la maison de Remus. Nous sommes retournés là-bas tous les trois. Mais...

Sa voix se brisa, les mots mourant dans sa gorge.

– C'était déjà fini depuis longtemps, reprit-elle. Ils se sont battus férocement, c'était impressionnant. Tout autour semblait avoir été broyé. Ils sont morts. Fabian et Gideon.

Mona sentit son corps s'évanouir, comme si sa conscience se dérobait. Ce fut seulement en portant une main tremblante à sa bouche qu'elle réalisa combien elle tremblait violemment.

– Dumbledore est arrivé juste après, dit Lily. Il nous a demandé de transmettre la nouvelle. Je me suis dit que tu voudrais peut-être l'annoncer à tes parents... et à ta grand-mère.

Mona acquiesça silencieusement. Depuis l'arrivée de Lily, elle n'avait pas prononcé un mot.

– Tu veux que je vienne avec toi ?

Mona imagina un instant la réaction de ses parents en voyant une fille de Moldus pénétrer dans leur grande maison de la rue Constantinople. Elle secoua la tête en signe de refus.

– Je t'attends, alors ? demanda Lily.

Une nouvelle fois, Mona fit non de la tête. Elle ouvrit la porte et regarda Lily sortir. La jeune femme continuait de parler, proposant sûrement son aide ou ajoutant des détails. Mais Mona n'entendait rien. Ses oreilles s'étaient bouchées.

Lorsqu'elle referma la porte, Mona se dirigea lentement vers la cheminée. Elle prit une poignée de poudre de cheminette et entra sous l'âtre.

– Rue Constantinople ! lança-t-elle.

Sa voix tremblait, comme étranglée. Ouvrir la bouche lui avait coûté. Les muscles crispés de sa mâchoire semblaient hurler de douleur.

Elle atterrit dans le salon familial. Tutic, l'elfe de maison, époussetait une étagère.

– Bonjour, mademoiselle, dit l'elfe avec un sourire ravi.

Mona ne répondit pas. L'elfe comprit aussitôt que quelque chose n'allait pas, et son sourire disparut.

– Je vais chercher vos parents.

Mona le regarda partir sans bouger. Elle n'osa pas faire un pas dans le salon. Les pas précipités de sa mère dans l'escalier résonnèrent bientôt. Mais ce fut son père, probablement dans son bureau quelques instants plus tôt, qui apparut le premier.

– Qu'est-ce qui se passe ? demanda Edgar. Tutic a l'air paniqué.

Mona jeta un coup d'œil à l'elfe qui se tenait derrière Magda. Il n'avait pas l'air particulièrement stressé, quoiqu'il semblait étrange, les pupilles de ses yeux singulièrement dilatées.

– Une amie à moi, commença Mona, également proche de Fabian et Gideon...

Elle s'arrêta, incapable d'aller plus loin.

Magda attira une chaise et s'assit doucement, sans quitter sa fille des yeux.

– Ils ont été attaqués, reprit Mona. Par des Mangemorts.

– Où ça ? coupa Edgar. Chez eux ? Dans un lieu public ?

– Non, répondit Mona. Dans un endroit... où ils étaient susceptibles de se faire attaquer.

Edgar leva les yeux au ciel, profondément agacé.

– Ils... Fabian et Gideon... ils sont morts, lâcha Mona.

Finalement, c'était assez simple à formuler. Malgré son hésitation, Mona trouvait ses mots : simples, clairs. Ils sortaient. Elle arrivait à les prononcer ensemble. Jamais elle ne se serait crue capable de le faire. Magda se mit à trembler comme sa fille l'avait fait devant Lily.

– Plusieurs... personnes, hésita Mona, dont Dumbledore, sont déjà au courant. Ils préviennent tout le monde. Mais mon amie s'est dit que...
– Oui, oui, coupa Edgar. On a compris.

Magda se leva brusquement et se tourna vers son époux.

– Il faut que tu ailles prévenir ta mère ! dit-elle aussitôt. Tu dois le lui annoncer toi-même, ça ne peut pas encore venir d'un membre du ministère. Meredith est très fragile. Tu dois lui dire qu'elle a perdu deux de ses enfants. Et rester avec elle, pour être sûr qu'elle ne...