3.2 : Mégaclès

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Un quartier militaire au sommet d'une colline de feuillus et traversée par une vieille ligne de chemin de fer comprenait divers groupes de corps de bâtiments ; il était entouré d'une solide clôture grillagée surmontée de rubans barbelés et, égalem...

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Un quartier militaire au sommet d'une colline de feuillus et traversée par une vieille ligne de chemin de fer comprenait divers groupes de corps de bâtiments ; il était entouré d'une solide clôture grillagée surmontée de rubans barbelés et, également, de vieilles murailles médiévales ; l'enceinte était protégée par des hommes et des miradors disposant de tourelles aux canons à gros calibres ; une enseigne posée devant l'entrée principale et bien gardée indiquait, en langue luxembourgeoise, Oesling Universitéit Campus. À l'intérieur, une série d'immenses hangars abritaient quelques hélicoptères de transport, des chasseurs, des tanks et une demi-dizaine de drones acariformes. Outre une gare de trains, une partie des sous-sols disposait d'artères de circulation et d'un immense parking où se garaient la plupart des automobiles, motocyclettes et camions à usage militaire.

À l'extérieur de l'enceinte, une immanquable statue d'une douzaine de mètres en béton armé dominait les lieux ; elle représentait la tête d'un coq - avec son cou et son plastron - levée vers le ciel, le bec béant comme s'il était occupé à entonner un chant.

Un mât en aluminium haut de sept mètres, destiné à accueillir un drapeau absent, était fiché dans le sol de l'immense cour intérieure du site ; c'est sur cet espace découvert que donnait vue la fenêtre à ouverture oscillante endommagée du bureau du Général Arkoudas, située au deuxième et avant-dernier étage du plus long édifice du complexe.

Une curieuse dame d'un âge qui devait se situer entre cinq et six décennies errait seule à proximité du long poteau, titubante, dans un peignoir de bain jade en tissu éponge qui couvrait sa robe de nuit, les pieds dans des pantoufles et les mains dans les poches du vêtement ample ; elle avait les cheveux châtains mais légèrement grisonnants, plutôt courts, bouclés et gras ; son regard était vitreux.

<< Arrête, arrête ! >> criait-elle dans le vide.

Un groupe de soldats cagoulés était occupé à réaliser des exercices d'étirement à une centaine de mètres du singulier personnage, sans lui porter la moindre attention. Plus loin encore, au pied de la porte du garage d'un petit bâtiment dont les murs jaunes ne dépassaient pas un étage et qui était surmonté d'un toit aux ardoises en fibrociment, trois jeunes hommes étaient en train de décharger des cages pour rongeurs d'un camion militaire bâché. Le premier, qui réceptionnait les contenants grillagés à l'arrière du véhicule, était un jeune métis qui était revêtu d'un coupe-vent beige et kaki. Le second, qui portait le même vêtement, était un roux bien en chair ; il se chargeait de déposer les objets dans le garage avec l'aide du troisième. Ce dernier devait avoir cinq années de plus que les deux autres qu'il semblait diriger ; il était habillé d'une blouse blanche, contrairement à eux ; ses cheveux étaient vénitiens et ébouriffés, son visage était pâle et creusé. Dans chaque cage se trouvaient deux à cinq jeunes rats de différentes espèces.

Arkoudas sortit de l'entrée principale du plus long édifice du quartier, là où il avait son bureau ; il descendit les quelques marches extérieures et se mit à cheminer dans la cour, en pleine communication avec le Commandant Larsson au travers de sa montre-bracelet.

<< Oui ... Continue à me tenir au courant de l'évolution de la situation, Ingmar. Je te conseille de lancer un avis de recherche au plus vite.

— Je vais faire ça tout de suite.

— À tout à l'heure. >>

Il raccrocha et releva la tête.

<< Arrête ! >> répéta l'étrange femme en peignoir, au loin.

Il la remarqua enfin et poussa un soupir. Il trottina jusqu'au groupe de garçons aux cages à rat et s'adressa à celui qui les encadrait.

<< Bonjour, Docteur Moen.

— Général Arkoudas, bonjour.

— Mon fils est-il là ?

— Il est dans le camion.

— Je vous l'emprunte ... >>

Le chef militaire jeta un œil sous la bâche couvrant le plateau-ridelle où, dans la pénombre et la poussière, un quatrième garçon s'occupait de passer les contenants grillagés aux trois autres. Il semblait encore adolescent ; son corps était svelte mais néanmoins correctement dessiné ; une paire de lunettes était posée devant ses yeux modestement bridés ; la chevelure impeccablement coiffée de sa tête ronde était lisse et noire.

<< Mégaclès ...

— Oui, papa ?

— Descends, s'il te plaît. >>

Son collègue métis grimpa à son tour dans le plateau-ridelle : << Je le remplace ! >>

Le jeune homme lunetté sauta alors hors du véhicule. Le Général adressa un signe de la tête au Docteur Moen et éloigna sa progéniture du groupe.

<< Pourrais-tu t'occuper de ta tante, s'il te plaît ? Tu es le seul qui parvient encore correctement à maîtriser ses crises ... Ramène-la à ses appartements. >>

Le dénommé Mégaclès repéra la dame en question qui se trouvait toujours à proximité du mât.

<< Le lever des couleurs commence dans quelques minutes. Elle ne doit pas rester ici plus longtemps. insista le militaire.

— Je m'en occupe tout de suite. >>

L'adolescent s'en alla la retrouver au pas de course. En chemin, il remarqua du coin de l'œil une jeune femme qui l'épiait à partir d'un bureau de secrétariat, au second étage du plus long immeuble du quartier. Elle avait les cheveux blonds, légèrement ondulés, coupés au carré et couverts d'un béret incarnadin ; il s'agissait de la personne qui apparaissait dans le film que le matou avait projeté dans le pénitencier liégeois.

Il rejoignit la dame au peignoir de bain et lui adressa un large sourire qui, curieusement, pouvait autant relever de la familiarité que du dédain.

KATZEN - Tome 1 : Mémoire morte [Wattys2021]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant