2.5 : Hélios Arkoudas

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<< Général Arkoudas

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<< Général Arkoudas. Madame la Ministre Marthe Lupei est arrivée.

— Faites-la entrer. >>

Le chef militaire de haut rang à la moustache poivre-et-sel, auquel le Commandant Ingmar Larsson avait précédemment garanti qu'il traquerait le félin noir sans relâche, se tenait debout devant une fenêtre dont la vitre de l'un des deux vantaux horizontaux à ouverture oscillante avait visiblement été fracassée. Le dégât avait été soigneusement calfeutré par trois tranches de film plastique transparent ; du papier collant les joignait entre elles et liait le tout aux montants du dormant ; le résultat, bien qu'esthétiquement disgracieux, suffisait pour obstruer le passage du vent.

L'homme, dont les deux épaulettes étaient chacune épinglées d'un soleil d'or aux rayons ondulés, venait d'être informé de la venue d'une personnalité politique via la communication d'un jeune soldat au travers de sa montre-bracelet. Il avait raccroché. Il tenait entre les doigts de sa main dextre la jambe d'un verre de vin blanc liquoreux. Songeur, il glissa un instant l'index de l'autre main sur le film plastique de la baie, générant un léger bruit de frottement. Il avait vue sur l'immense cour d'un quartier militaire où une vingtaine d'hommes habillés en treillis étaient occupés à courir deux par deux.

Il prit une gorgée. Deux autres soldats pénétrèrent silencieusement dans son bureau et déposèrent des amuse-gueules sur sa table basse et circulaire avant de repartir. Quand il entendit venir à lui des bruits de pas qui différaient de ceux produits par des bottes, il cacha son verre à moitié rempli dans la niche d'une autre table, soit celle dédiée au travail. Sur la surface du meuble en question traînaient divers objets ; quelques transparents A4, un stylet, deux moniteurs, un stamnos à figures noires représentant Morphée volant dans les airs et répandant ses pavots, un vieux sablier d'une vingtaine de centimètres, une fleur de lotus d'orient en tissu ou encore une dague à double tranchant dont la poignée était constituée de feuilles d'or et qui, avec la lame, était ciselée de motifs floraux. L'emblème représentant le soleil anthropomorphe, soit celui de l'hélicoptère de Larsson, figurait en position centrale sur le mur derrière la chaise de cette table de bureau ; il s'accompagnait de l'adage latin Hoc volo, sic jubeo ; sit pro ratione voluntas ; une vitrine murale fixée sous celui-ci protégeait un bâton, suspendu horizontalement sur deux fils, sur lequel s'enroulaient en sens inverse deux serpents en bronze à platine glauque dont les deux têtes finissaient par s'embrasser ; sur le même pan se trouvait une vieille photographie d'un homme posant fièrement à côté d'un plat de moussaka juché sur un guéridon ; un cadre à médailles était accroché plus loin, ces dernières étant au nombre de dix-huit.

Une élégante sexagénaire - dont le visage respirait encore une certaine fraîcheur, tout aussi plastique fut-elle - fit son entrée dans le bureau. Sa chevelure étaient courte, effilée et grisonnante ; elle était vêtue d'un blazer vert pomme et portait autour du cou un long collier composé de trois chaînes de perles argentées.

<< Et bien ... Il y a eu du grabuge ici. >> constata-t-elle d'emblée au vu de l'état de la fenêtre d'oscillation.

Elle adressa au Général un sourire certainement affecté qui révélait les diastèmes de ses incisives blanches.

<< ... J'ai trébuché ... se justifia-t-il.

— Bonjour, Général Arkoudas.

— Madame la Ministre ... >>

Il rabattit le store vénitien de la baie détériorée, orientant les lamelles horizontales de façon à laisser passer la lumière. Il présenta à la dame politique le siège sur lequel elle était invitée à s'asseoir, devant la table basse située à quelques pas de son meuble de travail, et vint s'installer face à elle.

<< Et bien ... Vous tirez une drôle de mine, cher ami. Vous avez des soucis ?

— Ce n'est rien ... C'est le métier. >>

Elle sortit un transparent A4 de sa serviette en cuir.

<< Bien ... Votre forme ne risque pas de s'améliorer avec le rapport sur le budget que je dois vous présenter. >>

Elle tapota deux fois, du bout de l'index, sur le support qui s'illumina dès lors instantanément, affichant un tableau contenant des colonnes de chiffres arabes.

<< Désirez-vous boire quelque chose ? proposa-t-il.

— Un café, volontiers. >>

Il appela quelqu'un via l'objet circulaire qu'il portait au poignet pour s'occuper du service. Elle profita de l'occasion pour grignoter un amuse-gueule.

KATZEN - Tome 1 : Mémoire morte [Wattys2021]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant