5.3 : Borkum

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Le sexagénaire, qui éclairait son champ visuel à l'aide d'une lampe-torche dynamoélectrique, referma la porte d'entrée de l'ancien établissement commercial à l'aide d'une petite clé de la seconde moitié du vingtième siècle

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Le sexagénaire, qui éclairait son champ visuel à l'aide d'une lampe-torche dynamoélectrique, referma la porte d'entrée de l'ancien établissement commercial à l'aide d'une petite clé de la seconde moitié du vingtième siècle. Des planches de bois avaient été clouées sur le battant de la structure afin d'en couvrir la large partie vitrée qui avait été partiellement brisée. L'homme, qui portait un polo noir et un pantalon treillis, était vraisemblablement anxieux. Des quantités de poussière, de plaques de plâtre tombées du plafond et de toiles d'araignées étaient disséminées dans le vestibule dans lequel s'étaient réfugiés, derrière lui, Zoran et le chat noir ; un porte-manteau et un escalier au tapis de velours se présentaient derrière une banque d'accueil en noyer ; sur les murs figuraient quelques graffitis indéchiffrables et des marques rectangulaires laissées par des tableaux volatilisés. Les invités pouvaient encore distinguer, dans la salle de restaurant attenante, des tables rondes aux nappes blanc cassé et quelques débris de verre au sol.

<< Comment t'appelles-tu ?

— ... Zoran.

— Zoran ? Ce n'est pas un nom germanique, ça ...

— Je suis Croate.

— Croate ... Qu'est-ce qu'un Croate vient faire ici ?

— Et bien ... Je me suis enfui d'un bateau et j'ai échoué sur cette plage.

— Quoi ? Tu t'es enfui d'un bateau ?

— ... Ben ... Oui ... Dans quelle ville sommes-nous ? >>

L'homme, manifestement complètement abasourdi, alla s'asseoir sur la banque d'accueil. Le faisceau de sa lampe-torche balayant un moment le sol carrelé, le matou eut le temps de constater que la surface était maculée de quelques traces de pneus.

<< ... Ho non ... Ce n'est pas possible ...

— Qu'est-ce qui ne va pas ?

— ... Tu aurais pu faire naufrage avec ton chat ailleurs ...

— Comment ça ? Où sommes-nous ?

— Tu es à Borkum ...

— Quoi ?

— Tu te trouves sur l'île de Borkum ! répéta sèchement le personnage à la coupe en brosse dans un haussement de ton qui fit sursauter les deux compagnons d'aventure.

— ... Une île ? >>

Le sexagénaire prit une profonde inspiration et reprit plus calmement : << Tu ignores ce qu'est Borkum ?

— ...

— ... C'est une île-prison située à une quinzaine de kilomètres au Nord de l'Allemagne continentale. Voilà où tu es. >>

Les yeux-caméras de l'animal s'écarquillèrent. L'homme au polo noir poursuivit : << Les forçats de la zone allemande ou autrichienne qui tentent de s'évader sont déportés ici ! Et tous les Allemands ou Autrichiens qui, avant l'application complète de la Suggestion, ont été condamné à la perpétuité pour un crime ou l'autre, ont également été lâchés ici ! J'ai moi-même été condamné à l'époque pour intelligence avec l'ennemi ... J'étais Lieutenant de l'armée autrichienne. Mon nom est Klaus Friedrich.

— ... Nous sommes en prison ?

— Oui. Des îles comme celle là, il y en a une pour pratiquement chaque zone de l'État Suggéré ! En zone française, c'est l'île d'Elbe qui a été transformée en prison ... En Espagne, c'est Ibiza. Mon pauvre garçon ... Si tu entres ici, tu ne sors plus ! Des méduses encerclent le littoral ! Elles t'ont laissé entrer mais elles ne te laisseront jamais repartir ! C'est le dernier endroit sur terre où tu aurais dû débarquer !

— Des méduses ?

— Oui, enfin ... Des robots gélatineux programmés pour parer à toute tentative d'évasion. >>

Le bruit des moteurs des quadricycles monta crescendo en décibels, ce qui signifiait que le groupe d'hommes que craignait le prisonnier était en approche.

KATZEN - Tome 1 : Mémoire morte [Wattys2021]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant