KATZEN - Tome 1 : Mémoire morte [Wattys2021]

2.1 : Le rendez-vous à Cracovie

Le film présentait en plan américain une femme d'une trentaine d'années aux cheveux blonds et légèrement ondulés qui, coiffés d'un béret incarnadin, s'arrêtaient au cou. Elle se trouvait apparemment dans une petite pièce au papier-peint bleu pâle, peut-être un studio, en pleine discussion avec l'animal.

<< Très bien ... Voilà comment ça va se passer ... commença-t-elle. Tu retrouveras Corvus dimanche après-midi à Cracovie, au pied du Beffroi de l'hôtel de ville, sur la place du marché. Je pense que tu ne pourras pas le rater.

— Il va de soi que je vais avoir du monde à mes trousses ...

— Avec ton audace, tu es pleinement capable d'y parvenir ... Tu connais la région comme ta poche ... Ça va, tu as bien enregistré cette indication ?

— Oui, oui ...

— Efface ce document dès que possible ... Personne ne doit apprendre que je t'ai aidé si tu te faisais capturer ... >>

L'image devint tout bleue, marquant la fin du film.

<< Qui est cette dame ? interrogea le forçat en rallumant les diodes électroluminescentes intégrées au plafond avant de s'asseoir sur la chaise sur laquelle il avait accroché sa veste.

— ... Je l'ignore ... Je ne comprends rien de rien ... Je ne sais même pas qui est le Corvus dont elle parle.

— Cracovie ... C'est la Pologne ...

— Le fichier d'enregistrement date d'hier ... mais je ne me souviens absolument de rien. Quel jour sommes-nous ?

— ... Mercredi.

— Il me reste quatre jours pour atteindre Cracovie. Je ne vois pas d'autre moyen pour comprendre ce qu'il se passe ...

— ... J'ai l'impression que je suis en train de rêver. >>

L'animal, après avoir baillé, effectua quelques pas sur le lit.

<< Il faut que tu m'aides ...

— ... Ne m'en demande pas trop ...

— J'aurai probablement besoin d'un coup de pouce pour partir là-bas ...

— ... C'est totalement hors de question ! J'ai déjà deux amis qui sont morts pour rien, tu ne crois quand même pas que j'ai envie de finir comme eux ? Tu pars où tu veux, tu es libre, ce n'est pas moi qui vais te retenir, mais moi je ne vais pas gâcher ma vie pour cette histoire de fou !

— Je suis désolé pour tes amis ...

— ...

— ... Quand je me suis réveillé, tu m'as dit que nous étions en prison ... Alors, comment se fait-il que tu étais dehors ?

— Je suis aux travaux forcés.

— Donc tu es un forçat, c'est ça ? >>

Zoran leva les yeux vers le plafond et posa ses mains sur ses joues : << ... Je suis en train de parler avec un animal ... Qu'est-ce que c'est que cette histoire ?

— Réponds à ma question ...

— ... Tous les jours de la semaine, quand des citoyens tombent en incapacité de travail, souvent pour une cause de maladie, c'est aux prisonniers que l'État Suggéré fait appel pour compenser les effectifs. C'est comme cela que ça fonctionne ici !

— En tant que prisonnier ... tu es surveillé par une machine volante, c'est bien cela ?

— Oui ... Nous l'appelons geôlier. Si nous nous éloignons d'une distance minimale de lui ou s'il détecte chez nous un geste malheureux, il peut soit nous sanctionner, soit nous exécuter. C'est comme cela qu'il est programmé. Cela n'a rien d'anormal. Ce sont des règles à respecter si nous voulons un jour obtenir la liberté.

— ...Et ... tu as un bracelet électronique ?

— J'ai un implant sous-cutané serti à la colonne vertébrale. Si le geôlier décide de m'exécuter, il le fait exploser et je meurs presque instantanément.

— Sérieusement ?

— Ça a l'air un peu dangereux, expliqué comme ça, mais on s'y habitue ... >>