12.10 : Une voix

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Un homme à la moustache en chevron et à la chevelure aux trois-quarts chenue, frisée et coupée à mi-longueur, était occupé à entretenir un rosier couvre-sol, accroupi dans un éblouissant jardin d'agrément à l'anglaise

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Un homme à la moustache en chevron et à la chevelure aux trois-quarts chenue, frisée et coupée à mi-longueur, était occupé à entretenir un rosier couvre-sol, accroupi dans un éblouissant jardin d'agrément à l'anglaise. À défaut d'une salopette, il portait une redingote militaire écarlate et perceptiblement encrassée. Il conversait avec un jeune homme debout et revêtu d'un lumineux gilet de costume mauve à rayures anthracite recouvrant une chemise blanche au col orné d'un nœud papillon ; ses manches étaient retroussées et ses longs cheveux dorés étaient noués. Des hussards ailés à proximité semblaient assurer leur sécurité.

Le chat, assis sur un siège d'observation du chasseur qui empruntait la route aérienne de Cracovie, revint de nouveau à ses esprits. Zoran tourna les yeux vers lui et l'interpella : << Tout va bien ? >>

L'animal acquiesça d'un hochement de la tête à défaut d'utiliser la parole, se voulant certainement discret par rapport à l'officier aux commandes de l'aérodyne.


<< Entendez-vous des voix, Madame Arkoudas ? >>

Aurore était allongée sur une chaise longue en cuir capitonné, les mains jointes sur l'estomac et les yeux rivés sur le plafond. Elle portait toujours son habituel peignoir de bain en tissu éponge. Une jeune femme albinos à la corpulence mince, aux cheveux tressés et aux lunettes reposant sur le nez, était assise auprès d'elle, prenant des notes manuscrites avec son index sur un transparent A4 soutenu par un porte-bloc. Toutes deux se trouvaient seules dans un étroit cabinet qui, dépourvu de fenêtres, était éclairé par une luminosité uniquement artificielle ; une horloge de cheminée mécanique qui faisait retentir un cliquetis à chaque seconde et une gravure sur vieux papier - représentant un serpent lové autour d'un œuf - encadrée sur le mur y étaient les seuls éléments décoratifs.

<< J'entends une voix ... Une seule voix ... Je ne sais pas comment je fais pour l'entendre ...

— Mais ... avez-vous identifié qui vous parle exactement ? >>

La sibilante respiration de la quinquagénaire fit patienter la réponse.

<< Je ne suis pas sûre.

— Est-ce un fantôme ?

— ... Je ne pense pas ...

— Est-il réel, selon vous ?

— ... Oui.

— ... Pouvez-vous le voir ? >>

La sœur aînée des Arkoudas maintint le silence.

<< ... On m'a racontée que vous vous étiez plainte que cet individu vous frappait ... >>

Elle resta muette.

<< Est-ce votre époux ?

— ... Non. >> s'exprima-t-elle enfin.

La thérapeute, à son tour, s'abstint de répliquer, songeuse. La patiente s'esclaffa.

<< Pourquoi riez-vous ?

— Il rit aussi ... >>

Sans transition, la quinquagénaire explosa aussitôt en pleurs, au désarroi de son interlocutrice.

KATZEN - Tome 1 : Mémoire morte [Wattys2021]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant