KATZEN - Tome 1 : Mémoire morte [Wattys2021]

13.8 : La forêt

<< ... Mais ... pensez-vous que vous que votre comportement pourrait être dangereux ; à savoir, pour les autres et pour vous-même ? questionna la jeune psychothérapeute.

— Je suis dépourvue de stimulateur mais j'agis comme si j'en avais un.

— C'est-à-dire ?

— ... Je fais absolument tout pour adapter la réalité en fonction de mes désirs et besoins. Je fais ce que je veux, sans me fixer la moindre limite. Serait-ce en cela que je serais dangereuse ?

— Si vous en introduisez la demande, vous pourrez toujours disposer d'un stimulateur à la retraite ...

— L'attente est trop longue. >>

La dénommée Sørensen paraissait fortement troublée par les propos de Sélène.

<< Vous êtes en train de vous dire qu'il y a un sérieux souci dans ma famille ... >> s'amusa la patiente.

Le trio en coupé cabriolet noir empruntait à présent des voies de circulation plus modestes que les pistes précédentes, en passant de village en village. D'immenses plateaux rocheux commençaient à s'imposer dans le paysage.

La porte battante du bureau occupé par la thérapeute albinos s'ouvrit. Sélène Arkoudas sortit de la pièce, l'air maussade. Sa cadence de pas était lourde et lente.

Elle put entendre et ressentir l'émission d'une sonnerie et d'une vibration au niveau du poignet. Elle décrocha l'appel. La tête de sa collègue s'afficha en semi-holographie sur le cadran.

<< Alors, Sélène ... J'espère que tu passes du bon temps, loin de toute la charge de travail que tu m'as laissée sans me consulter ...

— Ça va, Sania ... râla la jeune dame au béret incarnadin tout en continuant sa progression.

— Bon ... Je ne vais pas attendre ton retour pour te faire part d'un problème ... Quelqu'un a tenté ce matin d'utiliser frauduleusement une passerelle pirate conçue par le département IT pour se connecter au réseau internet de l'ennemi. Elle a été grillée en quelques secondes. C'est malheureux car c'est grâce à ce genre de précieuse passerelle que nous pouvons communiquer avec les rebellions locales. Le responsable du service informatique est furieux.

— ... Ah ?

— Toi qui connais bien la Confédération baltique ... As-tu la moindre idée de qui pourrait être intéressé par consulter un dossier médical letton ?

— ... Je ... Je ne sais pas. Préviens-moi si tu as du nouveau.

— Oui ... Tu seras prévenue. >>

Sania raccrocha brutalement. Un redoublement de mal-être se lisait sur le visage de la sœur cadette des Arkoudas.

Jurek Górski, après avoir repris en main le volant directionnel, stationna l'automobile au bord d'une petite route de forêt de conifères, à proximité d'une statue de pierre de taille moyenne qui, altérée par le temps et acculée par la mousse, représentait vraisemblablement l'Archange Michel pourfendant le Dragon.

<< Nous devons continuer à pied ... >> signala-t-il.

Ils quittèrent le véhicule et s'aventurèrent dans l'étendue boisée. Le Colonel polonais, en éclaireur dans un premier temps, se localisait grâce à son assistant de géo-positionnement intégré à sa montre. Ils repérèrent, plusieurs mètres plus loin, une discrète sente de terre à moitié dévorée par la verdure.

<< Passez devant. leur pria-t-il.

— Qu'est-ce que c'est que ce sentier ? ... J'aurais préféré ne pas venir ... rappela Zoran, au moment de le dépasser.

— Tu as prétendu pouvoir communiquer avec le chat ...

— ... Ça change quoi ?

— Moi, je ne peux pas le faire ... >>

Le garçon au pantalon de visibilité et l'officier s'appliquèrent à garder leur équilibre sur l'incommodante voie couverte d'une multitude de racines volumineuses et autres fragments de roche de toutes tailles. Le trio devait probablement contempler, dans le même temps, les alentours sublimes, percevant nécessairement au travers de leurs oreilles et de leurs yeux potentiellement émerveillés toute une flore variée et luxuriante. Un troupeau de chevreuils passa à proximité d'eux.