7.3 : L'horizon marin

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Zoran traîna le corps vraisemblablement inconscient de son agresseur jusqu'au réfrigérateur hors-tension et, quand il l'eut placé à l'intérieur, put constater que la tête partiellement ensanglantée de l'intrus commençait à bouger

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Zoran traîna le corps vraisemblablement inconscient de son agresseur jusqu'au réfrigérateur hors-tension et, quand il l'eut placé à l'intérieur, put constater que la tête partiellement ensanglantée de l'intrus commençait à bouger. L'homme releva finalement une paupière, vit le garçon en caleçon qu'il avait précédemment attaqué et chercha à s'exprimer. L'ex-forçat referma la double porte d'un coup sec, étouffant les cris, et fit glisser la pince à décoffrer entre les deux poignées. Les deux battants se mirent à remuer, l'ancien truand cherchant de toute évidence à s'échapper. L'effort était vain.

Le jeune homme se rendit un instant dans la salle à manger et en ramena une chaise en bois au style scandinave. Il s'empara de la trousse de premiers soins qu'il avait laissée à terre auprès des boîtes de raviolis et s'assit, visiblement épuisé. Son agresseur s'excita de nouveau sur la double porte dans sa totale indifférence.

Il se tâta l'épaule blessée par le pied de biche un instant, plissant les yeux et gémissant ; il plaça ensuite les doigts devant son nez ; il y découvrit quelques légères tâches de sang. Il poussa une expiration à moitié prolongée et posa la trousse en tissu sur ses genoux avant de l'ouvrir.


<< Trois cent quinze ... Cinquante-neuf ... Vingt ... Quinze. >> dit au matou un trentenaire au teint mat, la moustache et le bouc naissants.

D'amusants coqs colorés se mirent à chanter le lever du jour dans un paysage champêtre. Le coup de feu de Sélène interrompit la fête.

Les yeux du chat s'ouvrirent d'un coup, dans un sursaut. Il venait de se réveiller sur le matelas du premier étage auprès des pieds de Zoran qui, à l'entente de ses ronflements, dormait enfin profondément. Le lumineux corps céleste du jour était déjà pleinement levé depuis un moment dans le firmament impeccablement bleu. L'animal se décida à se placer sur ses pattes puis bailla silencieusement. Il remarqua Friedrich, de dos et à quelques pas, les yeux rivés sur l'horizon marin au travers de la fenêtre par laquelle les deux compagnons d'aventure avaient discrètement assistés aux hostilités de la veille ; les rideaux étaient cette fois grands ouverts. La petite bête s'étira et sauta sur le plancher. L'ex-Lieutenant paraissait songeur.

<< Êtes-vous prêt pour le grand plongeon ? demanda le chat sur un ton posé, à mi-chemin entre le sexagénaire et le lit.

— ... Ça fait plus de vingt années que je suis détenu sur cette île. >> rappela l'homme à la coupe en brosse sans se retourner.

Le matou le rejoignit en grimpant sur la tablette de fenêtre.

<< Au loin, entre l'île et l'Allemagne continentale, il y a une horde de méduses géantes bioniques qui veillent ... rappela l'Autrichien. Personne n'est jamais parvenu à s'évader ; ni sur les eaux, ni sous les eaux ... J'ai vu bien des hommes se faire prendre dans les tentacules de ces saletés, aucun d'eux n'a survécu.

— Vous savez donc comment elles fonctionnent, comment elles réagissent ... Toutes les informations que vous me donnerez au sujet de ces choses me seront précieuses.

— ... Il va falloir attendre un peu que la marée baisse, le sous-marin n'est plus visible ... Espérons que les pouilleux ne cherchent pas à se venger d'ici là ... >>


Une tasse de café était la seule boisson présente sur la table circulaire devant laquelle le Général Hélios Arkoudas et la Ministre de la Défense de l'État Suggéré - Marthe Lupei - se trouvaient assis l'un en face de l'autre, sur la terrasse attenante à la cantine du quartier militaire ardennais. Dans un silence pesant, la dame en blazer faisait tourner sa cuillère nerveusement dans le contenant en céramique. Elle se décida enfin à prendre une gorgée avant de le reposer sur sa soucoupe. Elle leva enfin ses yeux rouges vers le Général.

<< J'aurais dû être la toute première personne à être tenue au courant.

—J'ai souhaité résoudre le problème directement avant de vous en faire part. Vous devriez plutôt considérer qu'en me taisant durant ce laps de temps, je vous ai exonéré de toute responsabilité. J'ai pris tous les risques et je suis prêt à en assumer pleinement les répercussions.

— ... En effet. Si le gouvernement apprend cela, et je vous garanti que cela ne saurait tarder, je vais perdre toute la crédibilité que j'ai acquise très laborieusement sur ce dossier, je subirai des sanctions lourdes en conséquences et, plus grave encore, l'affaire risque de faire assez de bruit pour mettre la puce à l'oreille à des pays ennemis. L'opposition m'attend déjà au tournant. Les investisseurs privés ne me feront pas non plus de cadeaux. >>

Le tracas se lisait comme dans un livre ouvert sur l'expression faciale de la dame. Elle reprit : << Votre mission, Général, ne se limite pas à retrouver le félidé. Vous allez devoir superviser l'enquête pour comprendre comment et pourquoi ce projet a pris une telle tournure. Il vous faut identifier toutes les personnes que ce chat a côtoyées, découvrir les aides qu'il aurait eu à sa disposition et faire le constat des erreurs et négligences qui ont été commises au Campus.

— J'ai déjà commencé. >>

KATZEN - Tome 1 : Mémoire morte [Wattys2021]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant