KATZEN - Tome 1 : Mémoire morte [Wattys2021]

13.10 : Le félidé de guerre

<< En Pologne ? Il est en Pologne ? >>

La Ministre de la Défense de l'État Suggéré, Marthe Lupei, réagissant à la mauvaise surprise dont venait de lui faire part Hélios Arkoudas, était apparemment sortie de ses gonds à l'entente du ton amer qu'elle employait. Il communiquait avec elle au travers de sa montre-bracelet, en mode semi-holographique, tout en faisant les cent pas dans son bureau personnel de l'Oesling.

<< Que fait-il en Pologne ? Il va peut-être chercher à fournir de précieuses informations à l'ennemi ...

— ... Certainement. >> appuya-t-il.

La dame en blazer essayait manifestement de garder le contrôle d'elle-même.

<< ... Tous les investisseurs ont été mis au courant de son évasion par Monsieur Zaterdag. Je me prépare au raz-de-marée. Je vais probablement être poussée à la démission, Général, mais sachez bien que vous tomberez avec moi.

— Écoutez ... Peu importe ce qu'il adviendra, je continuerai à faire mon devoir tant que je serais en fonction. Je ne laisserai aucun répit au félidé. Aucun. Par ailleurs, l'opération Blizzard a été avancée à ce soir afin d'éviter toute possibilité de préparation à l'armée royale polonaise. Nous prenons un risque mais il vaut mieux tenter le tout pour le tout ... Et si le chat se trouve à Cracovie, il passera un mauvais quart d'heure.

— Avez-vous enfin ordonné de le tuer ?

— ... Oui. >>

<< Le félidé de guerre ... >> prononça le Moine paraplégique.

Au vu de sa gueule subitement béante et de sa queue hérissée, la petite bête dut ressentir un choc sur ces mots qui, probablement, lui étaient vaguement familiers.

<< Normalement, le félidé était censé pouvoir parler ... Est-ce bien le cas ? >>

Zoran et le Górski pivotèrent la tête vers l'intéressé au pelage noir. Le Colonel polonais semblait particulièrement perplexe.

<< Oui ... Je peux parler. >> confirma enfin le matou.

L'officier fixa le félin noir avec des yeux aussi ronds que des boules de billard.

<< Je rêve ? s'interrogea-t-il.

— Il préférait ne pas trop se faire remarquer ... expliqua l'ex-forçat.

— ... Je n'ai jamais vu ça ... >>

<< Faites très attention à ce que les services de renseignement polonais ne puissent remonter jusqu'à nous. Il ne faut leur laisser aucune preuve de soutien direct aux rebelles. Le moment est encore trop inopportun pour déclencher une reprise des hostilités.

— Évidemment. rassura le chef d'État-Major.

— La police militaire a-t-elle identifié la taupe qui agit dans le Campus ?

— J'y travaille personnellement.

— J'aimerais pouvoir vous dire que je vous fais confiance ... Ne me décevez pas une seconde fois. >>

Marthe Lupei raccrocha. Hélios soupira et jeta un œil sur la cour intérieure du quartier au travers de sa fenêtre à ouverture oscillante. La pluie s'était nettement atténuée. Son instrument de mesure du temps émit de nouveau une sonnerie doublée d'une vibration. Il toucha le cadran de l'objet et cria : << Entrez. >>

La porte coulissante s'ouvrit, permettant au Docteur Knut Moen d'accéder à la pièce.

<< Pourquoi êtes-vous venu me trouver directement dans mon bureau ? Je vous avais pourtant demandé d'être discret ...

— J'ai lu les articles que vous m'avez apportés. >>