7.4 : Schnabel

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L'ex-Lieutenant autrichien ôta le pied de biche que Zoran avait glissé la veille entre les poignées de la double-porte du réfrigérateur

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L'ex-Lieutenant autrichien ôta le pied de biche que Zoran avait glissé la veille entre les poignées de la double-porte du réfrigérateur. Il découvrit l'intrus à l'intérieur qui, assis, releva la tête partiellement ensanglantée que ses genoux étaient jusqu'ici occupés à soutenir.

<< Schnabel ...

— Friedrich ... >>

Le sexagénaire le délogea brutalement du compartiment en le saisissant par la queue de cheval.

<< Ahh ... Fried ... Friedrich ! Je ... >>

Il le plaqua au sol et pressa son pied botté sur son dos afin de le maîtriser.

<< Schnabel ... Mon ancien ami, soi-disant ... Tu nous as tous vendu pour sauver ta peau ! Si toute mon équipe s'est faite décimer, c'est en grande partie de ta faute !

— Je ...

— Tu n'as aucune dignité !

— ... S'il te plaît ...

— Qu'est-ce que tu es venu faire ici, hier soir ? >>

L'hôte du forçat et du félin noir posa ses semelles sur la nuque de l'ancien truand d'Hambourg, écrasant sa tête sur le carrelage.

<< Pi ... Pitié ...

— Tu es une belle ordure ! Comme la plupart des tarés qui vivent sur cette île ! >>

Le dénommé Schnabel tenta de se relever mais l'Autrichien augmenta la pression du pied afin de le maintenir sur place. Le matou fit une entrée précipitée dans la pièce.

<< Friedrich ! s'écria-t-il.

— Hein ? fit l'homme qui avait passé la nuit dans le réfrigérateur en essayant de relever la tête, se demandant manifestement qui était l'individu qui venait d'intervenir.

— Laissez-le partir ... pria l'animal.

— Comment ? Après ce qu'il a tenté de faire hier soir ? s'écria le sexagénaire.

— Il est chez lui, ici, sur Borkum. Il ne vaut pas mieux que les autres mais si vous lui faites du mal avant de partir alors qu'il est déjà condamné, vous pouvez rester ici. Cet homme est déjà puni.

— Qu'est-ce que c'est ... Un chat ? >> fit l'intéressé, ahuri.

L'ex-Lieutenant saisit de nouveau l'ancien truand d'Hambourg par les cheveux et se plaça accroupi afin de le fixer droit dans les yeux.

<< Un jour, ils te tueront ou t'enverront sur le phare ; maintenant que tu es seul, cela ne saurait tarder, tu es devenu une proie facile. Alors, si je peux te donner un dernier conseil ... Tu devrais peut-être profiter de tes derniers instants pour te remettre en cause et faire le point sur ta vie de voyou, pour ne pas dire de parasite ! >>

Ils se relevèrent en même temps. Friedrich le laissa partir. Schnabel, confus et aux aguets, avança de quelques pas tout en observant un instant la petite bête en grimaçant ; il passa ensuite le seuil de la cuisine et traversa la salle à manger à la hâte. Il se retrouva dans le vestibule. Il remarqua la présence de Zoran, assis sur l'escalier ; ils se dévisagèrent silencieusement. La face du garçon qui avait remis son pantalon de visibilité orange était impassible, contrairement à la veille ; il avait probablement entendu ce qui venait de se tramer à l'instant dans la cuisine. Une tâche rouge était visible sur son t-shirt blanc, au niveau de l'épaule.

Le détenu poussa un gémissement avant de déguerpir pour de bon.

Le Général Arkoudas se leva de sa chaise en résine tressée et se déplaça jusqu'à la balustrade de la terrasse. Il s'appuya sur la structure ajourée, reposant les yeux sur les collines et les feuillus environnants. La dame à la tête du ministère de la Défense de l'État Suggéré, toujours assise, regoûta à son café.

<< J'ai demandé à la police militaire d'analyser toutes les images d'archives enregistrées par l'ensemble des caméras de sécurité du complexe où le chat est visible, expliqua-t-il. Les premières découvertes rapportée par les enquêteurs sont assez troublantes.

— Ah bon ?

— Le système de sécurité dédié à la surveillance numérique aurait subi, sans que le service responsable ne s'en rende compte au moment des faits, d'étranges dysfonctionnements techniques. Des images en temps réel ont été substituées par des images filmées une heure auparavant, des retransmissions à chaque fois liées à l'environnement proche et lointain du félidé. Il s'agit purement et simplement d'un acte de piratage très ingénieux. Cela signifie que le matou pouvait très bien s'entretenir avec une taupe ou commettre une quelconque action sans alerter l'attention.

— Quand cette série de piratages a-t-elle débuté ?

— Assez tôt ... Depuis l'étape de la salle de gestation.

— ... Je vous demande pardon ?

— Il est très vraisemblable que quelqu'un ait interagit avec le chat depuis le début. Nous n'y avons vu que du feu. C'est la preuve qu'il y a bien une taupe au Campus.

— ... Une personne non-autorisée a donc eu accès à cette salle.

— ... Ou, mieux encore, une personne autorisée.

— Un membre du service de neurobiologie par exemple ? Vous exagérez ...

— Certains éléments de l'enquête me prêtent à le penser.

— De qui s'agirait-il ? Avez-vous un suspect ?

— ... Je ne sais pas ... >>

Marthe Lupei prit une forte inspiration puis, sans prendre la peine d'achever son breuvage, se décida à se lever à son tour. L'officier se retourna et la découvrit occupée à le fusiller des yeux.

<< ... Vous êtes le chef d'État-Major de nos forces armées ... rappela-t-elle, les nerfs perceptiblement en pelote. À ce titre, vos récentes défaillances pourraient vous coûter la peine de mort ; je suppose que vous en avez conscience. Je n'hésiterai pas à appuyer dans ce sens si vous ne parvenez pas à reprendre la situation en main ... parce que, moi, je compte m'en sortir blanche comme neige ; je n'ai pas à payer.

— ... Madame la Ministre ... Comme je vous l'ai dit, je suis prêt à tout assumer. >> assura-t-il, peut-être légèrement affecté par l'avertissement.

KATZEN - Tome 1 : Mémoire morte [Wattys2021]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant