KATZEN - Tome 1 : Mémoire morte [Wattys2021]

11.5 : La pierre

<< Le Général Arkoudas est un homme débordant de surprises. >> conclut Murat Şentürk à l'ouverture du colis postal qu'il avait entre les mains.

De la terre glaise se présentait simplement à ses yeux. Il effleura le bloc visqueux du bout de deux doigts et y traça une ligne horizontale dans un premier temps. Il y plongea ensuite délicatement la main entière et la retira inévitablement sale. Son pharynx produisit un réflexe de déglutition. Il y introduisit la seconde et, de l'intérieur, malaxa délicatement la substance. Des deux mains, il retira quelques mottes qu'il déposa sur les feuilles d'emballage. Il s'arrêta un instant, ayant manifestement l'impression de sentir un corps plus dur à l'intérieur. Il saisit la chose et l'émergea de la glaise. Il tenait à présent entre les dix doigts une curieuse boule de terre.

Il s'en alla illico passer l'objet sous l'eau chaude de l'évier de sa salle de bain et, excité, finit par révéler une pierre écarlate, polie et ovoïde. Il l'examina un instant à la lumière, laissant le robinet couler.

<< Non ... C'est impossible ... >> fit-il.

Il hésita un court instant avant de la mettre en contact avec le mitigeur en acier inoxydable qui, quand ce fut fait, adopta une teinte dorée au bout de quelques secondes.

<< La pierre philosophale ... Il avait raison ... >> s'exclama Şentürk, pantois.

<< Montrez-moi ... >> pria Górski.

Un nouveau document fut projeté en semi-holographie sur le mur, effaçant l'avis de recherche concernant Zoran ; il s'agissait d'une photographie relativement floue.

<< Pouvez-vous rendre l'image plus nette ?

— Ah ... Désolé, petit problème de réglage, Colonel ... >>

Le militaire bien en chair auquel l'officier s'adressait s'appliqua. Le cliché représentait un homme barbu d'une soixantaine d'années, de face et en plan serré, vêtu d'un treillis similaire à celui des Commandants Rojas et Stewart-Murray ; il portait sur sa tête une chapka en astrakan sur laquelle figurait l'emblème de la Suggestion ; un grand corbeau étant juché sur son épaule.

<< Il s'agirait du Commandant Olivier Demester, né en zone française. Corvus était son nom de guerre. Son corps n'a jamais été retrouvé après son accident sur le territoire polonais en compagnie du Général Marcelo Da Silva, prédécesseur d'Hélios Arkoudas.

— Olivier Demester, l'homme au corbeau ... Je me souviens ... >>

Quelques secondes de silence s'écoulèrent. L'officier, probablement désireux de relancer la conversation avec l'étranger, se décida à jeter un œil sur les fenêtres virtuelles retransmettant les images des deux cachots. Il fit pivoter la caméra du second, soit celui où avait été enfermé le félin noir, avec son index à partir d'une zone appropriée sur son clavier virtuel, balayant visuellement l'étroit environnement. La petite bête était totalement absente du champ. L'homme, qui fronça naturellement les sourcils, put toutefois constater un élément troublant ; une ombre humaine semblait être passée devant l'entrée ... Il désactiva le mode d'observation à vision nocturne et put se rendre à l'évidence ; la porte de la cellule était effectivement ouverte, permettant l'intrusion à l'intérieur d'un faible champ de lumière. L'ombre, qui revint, était vraisemblablement celle d'un gardien occupé à faire les cent pas.

<< Zut ! >> s'exclama-t-il.