2.6 : Les toits

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Le chat patientait toujours, en posture d'affût, derrière le canapé du vestibule du pénitencier

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Le chat patientait toujours, en posture d'affût, derrière le canapé du vestibule du pénitencier. Ses oreilles pointèrent subitement vers l'origine d'un son produit par une agitation particulière en provenance de l'extérieur. Quelqu'un frappa à la porte d'entrée. Une sonnerie retentit sur le moniteur de la réceptionniste.

<< J'arrive, je vais vous ouvrir ! >> prévint-elle au travers du petit microphone présent sur son écran.

Elle se leva et se déplaça jusqu'à l'huis.

<< Allez ... C'est le moment. >> se dit à lui-même le petit animal.

Elle tira sur le battant. Le félin noir se rua vers la porte mais, au dernier moment, coupa court à sa lancée dans un dérapage sur le parquet. Une dizaine de fantassins à la face inexpressive, portant leur cagoule comme un bonnet, se trouvaient devant l'établissement en compagnie des Commandants Larsson, Rojas et Kaluža. Ces trois officiers le repérèrent immédiatement, les yeux désorbités durant l'espace de deux secondes.

<< ... C'est lui ! Attrapez-le ! hurla le responsable des opérations.

— Qu'est-ce qu'il fait là ? >> se questionna Anselme.

Sur le moment même, le matou devait certainement se rappeler des explications de Zoran au sujet d'une armée qui le traquait.

<< Mince ! >> s'exclama-t-il, déguerpissant comme un lièvre vers la cage d'escalier en évitant de justesse une décharge magenta de fusil à foudre.

Quatre soldats bousculèrent la réceptionniste à proximité du seuil de l'entrée afin de s'introduire dans le vestibule et poursuivre la cible au pelage noir.

<< Doucement ! >> s'emporta-t-elle.

Ingmar Larsson se tourna vers les six autres fantassins restés sur place : << Vous autres, bloquez toutes les issues ! Allez ! >>

Le chat se retrouva rapidement devant la cellule de Zoran et sauta sur le lecteur mural afin d'en réenclencher l'ouverture. Le jeune homme se trouvait à présent étendu sur sa couette, toujours songeur, l'air fatigué mais néanmoins bien éveillé.

<< Zoran ! Zoran ! Ouvre la fenêtre ! >>

Le détenu se redressa en fronçant les sourcils, engourdi.

<< Ouvre-la, vite ! Ils me tirent dessus ! insista le félin noir qui se plaça immédiatement sous la tabatière.

— Hein ? Ho ... Ils sont là ? >>

Le garçon au pantalon de visibilité orange vint alors hâtivement soulever le châssis de toit.

<< S'ils te capturent, ne leur dis jamais que je t'ai aidé ... réclama-t-il. Nous sommes quittes !

— Tu crois qu'ils sont ici par hasard ? Tu vas prendre le risque de finir comme tes amis ? >>

L'animal bondit immédiatement sur le chéneau. Ils purent entendre le bruit des bottes se rapprocher.

<< Adieu, Zoran ... Essaye de rester en vie ! Merci pour tout ! >>

Il disparut aussitôt. Les quatre militaires parvenus au dernier étage virent la porte de la cellule se refermer automatiquement sous leur nez, ce qu'ils considérèrent manifestement comme une indication. Deux d'entre eux tambourinèrent dessus, le lecteur mural ne leur permettant curieusement pas l'accès à la chambre malgré leur vaine tentative - contrairement au chat qui y était parvenu. Ils prièrent l'occupant des lieux de leur céder l'entrée, menaçant même d'enfoncer la structure de bois qui les séparait s'il ne s'exécutait pas. Déconcerté et apeuré, le jeune homme jeta un œil d'œil au-dehors, en contrebas ; il y découvrit la présence au sol de la navette grège de la veille. Il sortit la tête et les épaules du châssis afin de disposer d'un meilleur point de vue et remarqua les deux personnages qui avaient assassiné ses amis la veille. Un fantassin donna un violent coup de pied sur la porte, de façon à l'enfoncer, mais elle résista dans un premier temps. Anselme leva la tête et arrêta son regard sur le détenu.

<< Non ... >> poussa Zoran, d'une voix altérée par la terreur.

Un second coup retentit. Il se décida finalement à monter, à son tour, sur le chéneau de la couverture du bâtiment. Le petit homme violâtre le désigna du doigt.

<< C'est lui ! C'est le garçon d'hier soir ! >>

Le jeune homme courut à toute bride en diagonale sur les tuiles et vint se réfugier sur l'autre versant du toit, de façon à disparaître de leur champ de vision. Ingmar Larsson eut le temps de le repérer et, pivotant un peu plus la tête sur la droite, constata alors une petite ombre se mouvoir au bout du bloc des maisons mitoyennes.

<< Regardez ! Le chat est sur les toits ! Il s'enfuit ! Capturez-le ! >>

Il se répéta dans sa montre-bracelet.

Les fantassins au sol se lancèrent à sa poursuite en compagnie du responsable de la mission, rabattant leur cagoule dans le même temps, pendant que ceux qui étaient enfin parvenus à s'introduire dans la cellule sortaient de la baie pour accéder au chéneau. Anselme et Izidor, quant à eux, se précipitèrent sur leur chasseur.

Le garçon au pantalon de visibilité orange s'arrêta au bout de la suite d'édifices mitoyens et jeta un œil sur la situation qui se présentait sous ses pieds. Un oriel se trouvait en contrebas. Il vit les fantassins se rapprocher dangereusement de lui tant en hauteur qu'au niveau du sol. Il se décida alors à effectuer le saut très risqué sur la structure saillante, puis de nouveau un autre afin de se retrouver sur un balcon d'appartement, manquant de peu de sombrer dans le vide ; il passa ensuite par-dessus la balustrade pour en atteindre un second à un niveau inférieur qui était intégré à l'immeuble voisin. S'il venait de se retrouver au premier étage du bâtiment, un éventuel saut dans le vide était inabordable du fait de la hauteur. Il s'arrêta là, essoufflé. Les soldats finirent par le rattraper, certains sautant eux aussi de balcon en balcon et d'autres continuant la traque sur les tuiles. Ils le dépassèrent sans s'intéresser à lui, certains allant retrouver leurs coéquipiers sur le bitume de la rue perpendiculaire à celle où se trouvait encore le chef des opérations.

<< Aucune trace du chat ! >> signala l'un d'eux au travers de sa montre qui lui servait d'émetteur radio.

Leur parcours venait de prendre fin. Tous s'arrêtèrent et se mirent à balayer leur environnement du regard ; Larsson, enfin arrivé sur place, fit de même.

Le forçat, découvrant le chasseur de ses deux agresseurs se rapprocher de sa position, recula sans demander son reste et se retrouva à l'intérieur du petit appartement situé derrière lui, la baie vitrée qui séparait le balcon du salon étant partiellement ouverte.

KATZEN - Tome 1 : Mémoire morte [Wattys2021]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant