Mégaclès Arkoudas, qui éclairait un endroit souterrain grâce aux diodes électroluminescentes intégrées à la monture de ses lunettes et à la paire de gants militaire qu'il avait enfilée, était occupé à descendre, dans la bouche verticale sous ses pieds, un chariot de manutention grillagé à l'aide de quatre cordes et d'une poutrelle horizontale qu'il utilisait comme levier. La plate-forme mobile contenait visiblement une cinquantaine de boîtes de batteries d'accumulateurs. Quand elle eut enfin touché le sol, moins d'une dizaine de mètres plus bas, il s'en alla la retrouver en dévalant quelques échelons d'acier. Il la poussa ensuite dans des dédales souterrains. Le couinement des roues se mêlait à celui de rats peuplant les lieux.
<< Alors ? fit le matou à l'attention de l'officier.
— Il s'agit d'Aéroski. C'est le frère cadet des deux autres ... >>
Sur ces mots, Górski replongea dans la boue, toujours à la recherche de son Vis.
<< Je m'occupe de lui ! Partez ! >> signala le chat à ses deux compagnons.
Zoran, lui, ayant fui les attaques du duo de dragons, progressait déjà à plat ventre vers la frontière sans demander son reste, entièrement repeint par la fange.
Le félidé de guerre s'élança sur l'ennemi, les quatre pattes elles aussi souillées par la substance visqueuse. Le rebelle déchargea une nouvelle trombe, aspirante cette fois ; une puissante force fit décoller la petite bête du bitume et l'attira vers lui. Il inversa ensuite le sens du vent, la fit voler de cinq mètres au-dessus du sol tout en la faisant tournoyer un moment avant de brusquement couper le flux d'air.
Le matou sombra sur la voie humide. Il n'eut pas le temps de se relever qu'il fut une seconde fois aspiré et, parvenu à hauteur du rebelle, essuya un coup de coude avant de rebondir sur la route asphalteuse.
Le Colonel polonais, aidé par ses bottes hypo-gravitationnelles et ses ailes dorsales, vola à son secours et repoussa violemment l'homme au treillis d'automne qui s'apprêtait à frapper une seconde fois. Le personnage, disposant de la même technologie, effectua un grand bond en hauteur. Le hussard le rejoignit mais se vit octroyer un coup de genouillère en pleine face. Ils retouchèrent terre à quelques mètres l'un de l'autre, reprirent de nouveau de l'élan et s'échangèrent des frappes à deux mètres du sol avant de retomber encore. Le dénommé Aéroski administra à Górski un énergique coup de poing au niveau de l'abdomen avant de l'expulser au loin avec une trombe de vent. Le félin noir revint à la charge contre le rebelle qui dévia le puissant flux d'air sur lui. Il se retrouva à faire quelques roulades en émettant deux miaulements.
Zoran, brun de la tête aux pieds, était parvenu au bout de la fosse creusée au pied du talus, à quelques pas de la frontière. Il se releva, passa par-dessus un muret et, se déplaçant vélocement grâce aux bottes qu'il avait chaussé au Reichstag, alla se cacher derrière la cabine routière.
Aéroski reprit de l'altitude et, parvenu au point culminant de son saut en hauteur, se laissa retomber en se préparant à écraser la petite bête à pieds joints. Le hussard polonais, favorisé par sa technologie, attrapa in extremis le matou et vola en direction de la lisière. L'ennemi se rua sur eux, déchargeant une trombe de vent derrière lui pour gagner en propulsion, et parvint à attraper l'officier par une jambe ; il le retourna à terre et lui déchira une aile par la même l'occasion, lui assénant ensuite un impitoyable coup de pied dans les côtes. Le chat, naturellement relâché, alla se réfugier dans les bois, tandis que l'homme au treillis d'automne commença à s'acharner sur le Colonel. Quand ce dernier fut hors de combat, le rebelle releva la tête et put immanquablement réaliser la disparition du félidé. Il s'accrocha alors à mi-hauteur d'un bouleau, examinant minutieusement les alentours.
<< Où est ce sale matou ? >>
Il repéra au loin l'ombre de l'ex-forçat dissimulé derrière la cabine routière. Il releva alors le poignet gauche, parlant au travers de sa montre-bracelet.
<< Dragons ! Empêchez tout agent de l'ennemi de franchir la frontière ! >>
Aéroski vol ensuite droit sur Zoran. Il n'eut pas fait un tiers du chemin que le chat surgit des feuillages et s'accrocha à son cou. Le rebelle hurla, perdit un instant l'équilibre et chuta sur le talus. Le félin noir profita alors de l'occasion pour détaler en direction de la Lituanie. Le frère de Pyroski se redressa et le braqua avec son pistolet.
<< Sale bête ! >>
Il aspira une nouvelle fois le matou qui, après s'être accroché un instant au sol vert, finit par lâcher prise. Il tenta alors de le cogner dès qu'il fut arrivé à sa hauteur ; le félidé de guerre esquiva l'affaire en se retournant sur lui-même et profita de son impulsion pour frapper l'ennemi à la tête. Aéroski recula en hurlant et, gardant son sang froid, cracha un puissant coup d'air qui projeta la petite bête sur le talus.
<< Le chat ... >> prononça à mi-voix Zoran, dissimulé derrière la cabine.
L'homme en treillis d'automne attira encore le félin noir jusqu'à lui et parvint à la saisir au vol par la peau de la nuque. Le matou tenta de lui porter un coup de griffe mais, manifestement trop sonné, échoua. Le rebelle le relâcha en éclatant de rire et, d'un crachement d'air, le propulsa sur le bitume. Le petit corps noir fit trois rebonds.
Zoran, toujours caché, ouït un bruit curieux et se retourna. Il se retrouva face à un reptile d'acier exempt de fusil à foudre.
<< Zut ! >>
Il prit ses jambes à son cou et, quand il eut assez accéléré sa cadence, réalisa un prodigieux saut en l'air à l'aide de ses bottes hypo-gravitationnelles. Cependant, un autre dragon, débarquant de l'autre côté, l'intercepta en altitude et provoqua sa chute.
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KATZEN - Tome 1 : Mémoire morte [Wattys2021]
Science FictionGAGNANT WATTYS 2021 ⭐ Un mystérieux chat noir pourchassé par l'armée libère un jeune prisonnier ayant participé, quelques années plus tôt, à la dernière guerre des Balkans. Au fur et à mesure d'une traque qui se poursuivra au travers de l'Europe et...